Mettez vos bidoches en pièces !
Bichez dur du cul !
Giclez des artères !
Pondez sec du gosier !
Désossez vos grimaces !
Epluchez vos omoplates usées !
Liquidez les couches !
Levée de nous
Levée de nous tu quittes la chaleur
où nous étions couchés à nous tenir
d’une enjambée tu donnes à voir et tu reprends
offrant le clair de toi offrant le sombre
emportés par ton allure mais suspendus
avec l’odeur qui m’abandonne pour te suivre
nue à trois pas de l’instant qui tremble
tu poses en équilibre entre le monde et moi
souriante à caresser du geste le regret
dans l’air ténu penche-toi que je désespère
un peu plus de te voir là qui recommences
en essayant sur moi le pouvoir d’apparaître ;
// Ludovic Janvier (1934 – 2016)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 9
À la lettre
Lorsque la lettre jaillira hors chiffres
Lorsque la lettre jaillira du sommeil où l’avait asservie le monde
Lorsque l’hypnose utilitaire aura cessé de l’enrôler
Lorsqu’elle dira non, la lettre
Lorsqu’elle bousculera ses gardiens
Lorsqu’elle débridera ses épaules encapuchonnées d’esclave
Lorsqu’elle enverra les phrases tricoter leur panique aux oubliettes
Lorsqu’elle désertera
Lorsqu’elle clouera les langues sur pilori d’incertitude
Lorsqu’elle abandonnera la clef des mots dans la soute à mirages
Et lorsque, libérée, elle démâtera le ciel, la lettre
L’avant-dernière lettre, celle
Qui fourche et ne zigzague pas, celle
Qui n’en finit jamais d’infuser ses chimies,
Lorsqu’elle jaillira
Lorsqu’elle aura conquis son ombre et perdu son revers –
Qu’adviendra-t-il
Tandis que dalles glacées, patios vides et colonnades
Attendront terriblement que vienne le soir, et même la nuit,
Sur l’à-pic de la lumière ?
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 8
Le noème est messianique à en crever
Il a des fagots d’années-lumière sous le coude
Ça vaut mieux que la guerre continuée par d’autres troyens
Quel homme s’il n’était un texte
Quelle femme si c’était une voix
La politique du maquis transparent leur passe sous les nerfs
On ne voit qu’eux sans jamais les voir
Et silencieux comme le son
Même aux objets perdus ils sont perdus
Ils ne servent strictement à rien :
Quelle force
Dès qu’ils auront la parenthèse
Bien en main
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 7
Bien en main
Quel homme s’il ne s’habillait de mots
Quelle femme si elle n’était un court-circuit
Nulle décence aux voltages
Ici on lâche les loups
Seuls repères : le vent, l’os
Le noème est au paysage ce que la balle traceuse est à la chute
des corps
Les quatre saisons de la bigoterie versifiée ne s’en remettent pas
Et tout autour, littérature
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 6
Pas de fumée seulement du verre et dire
Qu’aux grands travaux nul ne lui confierait un compte-gouttes
Avec lui au détour d’une ligne rien ne manque et tout est absent
Avec lui le monde italique ne soliloque plus
Lui, le soème, qui frôle le vertige métaphysique de l’as de trèfle
Quand il caresse sa capture avant de l’escamoter sous la nappe
Il s’affranchirait de la langue vite fait
Comme d’un poker de contrebande sous les tangages sociaux
Mais sous les faiseurs d’anges y flaireraient un piège
Lui non plus
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 5
Lui non plus
À la surface il sème
C’est son ombre qui nage
Les miroirs le tuent vite
Il ne prend pas de gants
Un suspens infini ou pendu par les ailes
Pour tisonner les tentations de la dernière chance
Avec lui pas de cap
Une hantise à contre-jour
Sa magie coupe les lames
Le rire souterrain il vous le rentre dans le gosier
Par le soufre par l’ail et par le vétiver
C’est le fils de pilaf et de la soésie
Une tradition de crocheteurs célestes
Avec une dextérité de clefs de voûte aux doigts
Avec lui c’est la neige ou le diamant qui brûle
Pas de mégot pas de mesure
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 4
Croyez-vous qu’elle perde la tête non elle allonge le bras
Et traverse le mur
Un jour elle a épouvanté nosfératu
Mais elle est très collet monté avec elle pas question
d’oiseaux nus
Ni d’épopées de draps froissés à travers les halètements
d’octobre
Elle trame avec soin son hérésie de vieille migraine
De vieille mélopée qui ploie sa plainte sous la pluie
Le central ni personne n’ont besoin de ses murmures de
laine tondue
Sa cote est vide à la corbeille
La doésie n’a pas d’avenir prévisible ni de carnet à souches
Son présent perpétuel la protège à coups de cravache
et ça pleut
Ca pleut à l’infini dans ses greniers de belette grise
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 3
Il y a aussi la doésie
La petite souffreteuse de machine à moudre
Ella a un châle de soupirs prophétiques mais à peine les
entend-on
Qu’elle s’est mordu le doigt
L’extérieur s’en désintéresse il a grand tort
C’est une indic de première
Un aérolite à tête chercheuse dans le for intérieur du catimini
Pour la lâcher macache
En filature elle est indécrottable
Sa fenêtre domine
Une cour perchée très étroite et pleine de jaune d’œuf
Elle le sait son nid d’aigle qu’il a du plomb dans la diérèse
Mais elle s’en moque ou fait comme si
Ses travaux à domicile lui font approcher le big bang
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)
À l'intérieur on songe
« L’improbable poésie, son bégaiement, ses grèves »
fragment 2
À l’intérieur on songe
Quelle avant-garde vraiment vraiment
Les âpretés élémentaires elle en fait amnésie
D’autres rébus l’attendent à équation sur césure
C’est fou ce détergent qui vous nettoie le mental en
regardant ailleurs
À l’intérieur on songe
À de la koésie
L’extérieur s’en désintéresse
…
//Serge Sautreau poète français (16/10/1943 - 18/03/2010)