Depuis la saga Ferrante, une oeuvre commerciale s'il en est, Naples est devenu un genre qui se vend fort bien, surtout à ceux qui ne s'y rendront jamais. Avec
Rosa Ventrella, on exploite un autre filon, les Pouilles, avec Bari, d'abord (une ville de 400 000 habitants, tout de même, une ville universitaire) puis maintenant avec le Salento. Qui arrive dans le Salento découvre la terre rouge, le gris des murets, et, bien sûr, les oliviers. Ils sont partout, sauf dans le roman de
Rosa Ventrella, sinon dans le titre. Ses héroïnes sont filles d'un "contadino", un agriculteur, mais la terre n'est nulle part. Pensez-vous réellement que dans la campagne française, à la même époque, le seul souci de filles d'agriculteurs serait de songer étoffes et manières raffinées ? Incontestablement,
Rosa Ventrella a lu
Flaubert et
Maupassant, mais ne connaît du Salento que le littoral. La réforme agraire, oui, bien sûr, j'ai eu l'occasion d'en entendre parler une personne âgée, qui l'a vécue, mais ici elle est plaquée, complètement, comme la makara, d'ailleurs, qui fait l'objet de plusieurs ouvrages un peu plus sérieux actuellement. Elle veut raconter l'histoire de deux soeurs différentes ? D'accord, ce ne sont pas les exemples qui manquent, on en connaît tous. Mais pourquoi situer l'histoire dans le Salento, terre chaleureuse et attachante, à l'identité forte, riche de tant de cultures diverses, sinon parce que tous les sites de vacances en parlent, et que ça se vend ? En ce qui me concerne, non, je n'adhère pas une seconde, même si l'ensemble est plutôt bien écrit. Plus grave, ce livre contribue à donner à qui ne le connaît pas une image tronquée du Salento. Et j'en profite pour vous inviter, si vous voulez découvrir l'intérieur du Salento, à vous arrêter, à Alessano, au sud-est de Copertino, à la libreria Idrusa, librairie indépendante qui organise de multiples rencontres avec bien des auteurs, italiens ou étrangers, dont la libraire anime dans le cadre de l'association Armonia la finale du Strega, l'équivalent italien du Goncourt, en présence des auteurs finalistes. Et puis, si vous voulez entendre parler de la réforme agraire, allez jusqu'à Castrignano del Capo, où, près de la tour de Salignano, vous pourrez rencontrer une femme qui l'a vécue, et vous replacera infiniment mieux dans le contexte que ne le fait
Rosa Ventrella. Et pour terminer, rappelez-vous qu'en France, à cette époque, les paysans vivaient sur la terre battue, et avaient d'autres préoccupations que les fanfreluches, le seul point que
Rosa Ventrella semble maîtriser dans ses deux romans