AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,64

sur 119 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après avoir beaucoup apprécié " Une famille comme il faut " , c'est avec gourmandise que je me suis précipité vers " La liberté au pied des oliviers " dès sa sortie en livre de poche et j'avoue , d'ores et déjà , que mon commentaire ne va en rien aller à l'encontre de ce que je pensais de l'opus précédent de Rosa Ventrella .
Premier élément de séduction , encore une nouvelle superbe couverture avec ces deux jeunes filles courant vers un horizon barré par un obstacle naturel bien imposant ....Une impossible fuite ?
Ensuite , bien entendu , il y a le cadre et quel cadre : un pauvre village des Pouilles , près de Lecce , dans les années 40 . Une société villageoise matriarcale qui doit faire face aux difficultés de la vie quotidienne en l'absence des hommes partis à la guerre . Parmi toutes ces femmes , Caterina " se bat " avec ses moyens pour assurer sa " survie " et celle de ses deux filles , Teresa et Angelina , aussi différentes l'une de l'autre que peuvent l'être " l'eau et le feu" mais vibrant l'une pour l'autre d'un indéfectible amour .
Et il en faut de l'amour pour survivre dans un tel monde de misère , un monde quasi - féodal sur lequel règne en maître l'implacable et cruel baron Personé ...Oui , années 40 !!!
Et puis , comment vivre ou survivre dans un lieu où les volets cachent des regards avides de racontars , où la honte s'abat subitement sur celui ou celle qui n'y prend garde , où la malédiction , " la malalegna " , modifie à sa guise le destin des familles ? Un village de sorcières ? Pas tout à fait , mais pas loin ...
Et lorsque Nardi' , le mari de Caterina revient , d'autres combats , plus intimes et sournois mais tout aussi ravageurs éclatent...
Quitter cette condition misérable, oui , mais à quel prix , vers quel horizon ? Les caractères opposés des deux soeurs leur permettront- ils de trouver le bon chemin , celui du bonheur ?

Ce roman est " aride " comme l'est le sol misérable des Pouilles où il s'agit plus de " sauver sa peau " que de s'épanouir, et l'écriture et le style " collent " vraiment au sujet , les mots prennent tout leur sens et le récit ne laisse que très rarement " suinter " un peu , juste un peu de sourires ou d'insouciance , tout est superbement grave , superbement vain , superbement entravé dans le sol caillouteux ...Sans répit..

C'est un roman poignant qui ne verse pourtant pas dans le pathos et qui nous semble d'autant plus crédible , d'autant plus proche de nous que la narratrice est l'une des deux soeurs elle - même , une jeune fille dont le regard ne manquera pas de nous émouvoir tant par les images qu'elle décrit que par les sentiments qu'elle ressent , avec juste le " manque d'objectivité " que peut engendrer ce choix de l'auteure . A nous de faire notre travail de lecteur , un travail bien moins fastidieux , croyez- moi , que celui de ces ruraux des Pouilles , ces parias d'un monde cruel...

Place aux soeurs Angélina et Térésa Sozzu , deux soeurs qui risquent de vous hanter longtemps lorsque , à regret , vous tournerez la dernière page , enfin , je crois .

Pas vraiment JOYEUX , non , mais au point où nous en sommes , on ne va pas jouer les GRINCHEUX même si l'on ne peut plus faire ATCHOUM sans qu'un PROF de médecine nous traite de SIMPLET . Vous verrez , si l'un des personnages est TIMIDE , l'autre n'est vraiment pas DORMEUR .... À bientôt.
Commenter  J’apprécie          7510
C'est avec la gorge nouée que je termine ce roman au langage puissant. Cette fois une histoire de famille à l'italienne, qui se déroule dans le petit village de Copertino, dans les Pouilles, au début des années 1940 jusqu'en 1953. le récit est magnifiquement narré par la soeur aînée Teresa Sozzu, qui remonte les souvenirs de son enfance avec sa mère Caterina, sa soeur Angelina, sa grand-mère mamie Assunta, son grand-père papi Armando tandis que Nardo, le père, est à la guerre.

"Papi Armando avait le don du récit. Mon père celui du silence. Mamie Assunta la sagesse paysanne. Ma mère et ma soeur, la beauté. Et moi ? Il me fallait encore découvrir mon talent. Pendant une grande partie de mon enfance, je me suis contentée de regarder."

Teresa bégaie parce qu'elle est timide, parle très peu, peine à trouver les mots bien que les idées dans son esprit filent à toute allure. Elle préfère le silence à l'exubérance. Elle se contente de peu. Physiquement, elle est tellement fade qu'elle passe totalement inaperçue. Elle se sent comme un meuble qu'on aurait oublié. Sa soeur cadette Angelina est tout le contraire d'elle, une véritable beauté, moulin à paroles, rayonnante, très sûre d'elle et plutôt superficielle. Sa vie de paysanne ne la satisfait pas, elle aspire à plus. Beaucoup plus. Elle vise haut, aime ce qui est beau, propre. le paraître compte plus que tout. Elle déteste sa condition et répugne les gens de son village car tous, comme elle et sa famille, sont pauvres et miséreux.

"Mamie Assunta disait que la beauté de notre mère était la malédiction de notre famille. Une condamnation dont allait hériter ma soeur."

On s'attache beaucoup à cette famille imparfaite qui tente tant bien que mal de survivre dans une campagne où les paysans ne sont propriétaires de rien, où la vie est injuste et semble sans issue, sans espoir d'une vie meilleure. Tout est vieux, laid, sale, poussiéreux, décrépit. Les parcelles de terre sont gérées par des hommes haut-placés et bien sûr, riches, profiteurs et cruels.

"Les paysans s'étaient mis en tête de cultiver, sans demander la permission, toutes les terres en friche qui avaient appartenu au baron Personè et au marquis Tamborrino. Des prairies mauves, des haies de chênes kermès et plus loin, des champs brûlés par le soleil, de la terre rougeâtre et des épines maudites. Pour les barons et les marquis, ces parcelles abandonnées étaient des terrains de chasse, mais pour les gens comme mon père, elles représentaient de la terre à fertiliser, des ronces à faire ployer à la houe, de la boue à transformer en surgeons. Quand il en parlait à maman, son humeur changeait du tout au tout. Elle se renfrognait et plongeait la tête et les mains dans l'évier, soudain pressée de faire la vaisselle.
- Si une chose naît ronde, elle ne peut pas devenir carrée, concluait-elle.
Il répondait par une rengaine gutturale, prélude d'une explosion de colère.
- Tu ne comprends pas, Cateri', criait-il quand la rage se libérait. Ces types nous sucent l'âme et nous, on reste des crève-la-faim. (...)
Ainsi achevait-il son raisonnement. Maman ne répondait pas à ces discours tordus. C'était une femme simple et, quand mon père se perdait en mots embrouillés qu'elle jugeait trop compliqués, elle ne le suivait plus. Pour elle, tout était soit blanc, soit noir. le blanc, c'étaient les marquis et les barons, le noir tous les autres. Alors, elle s'enfermait dans un silence compact."

"Nous appartenions à deux mondes différents et un océan nous séparait. La seule à ne pas accepter ce gouffre était Angelina."

Les années de guerre pendant lesquelles le père de famille fût absent, on survole de quelle façon Caterina (la mère) a pu un peu mieux survivre aux conditions déplorables et améliorer sa condition de même que celle de ses filles (encore enfants en ce temps-là), elle le paiera à prix fort, mais le récit ne se concentre pas surtout sur cet aspect. La plus grande partie du roman nous raconte comment s'est déroulée la vie de ces femmes au village bien après le retour de Nardo.

"La guerre était finie depuis des années mais notre misère était inchangée. Elle était inscrite dans nos chairs comme une maladie."

Nous sommes aussi les tristes témoins de toute la médisance qui circule dans des petits endroits où tout le monde se connaît, où les préjugés dominent, où les rumeurs prennent souvent des proportions exagérées, où les cancans sont le seul passe-temps des vieilles du village (et des plus jeunes, aussi !), et où chacun se mêle de la vie de son voisin. La beauté peut parfois engendrer plus de malheur que de bien.

"La honte remplit à nouveau les pièces de la maison, passa de bouche en bouche, se diffusa sur les places, survola les pavés blancs. C'était presque une matière solide, une sorte de masse lourde capable de se déplacer entre les murs et de chatouiller la peau comme un esprit maléfique, qui faisait le tour des pièces quand nous étions éveillés et dormait à nos côtés pendant la nuit."

Parallèlement, nous sommes témoins des liens forts qui les unissent, ces gens. Une famille qu'on adore suivre, avec son entourage. Ses souvenirs, les bons comme les mauvais. On embarque à cent pour cent tout de suite, l'auteure a une écriture magique, superbe, touchante, révélatrice. Un récit en plein coeur des traditions italiennes, celles des villages, qui nous fait sillonner entre honte, regrets, pudeur, non-dits, peine, amour et surtout, les liens forts et cruciaux de la famille. J'ai trouvé ce roman très beau et bien écrit, pris beaucoup de plaisir à lire cette autrice que je ne connaissais pas encore, une fabuleuse découverte, donc ! Un nom à retenir: Rosa Ventrella.

LC THÉMATIQUE DE FÉVRIER : LES PETITS LIVRES
Commenter  J’apprécie          3514
La liberté est_elle vraiment au pied des oliviers ? Dans ce très beau roman, L Histoire,le quotidien des familles des Pouilles et les superstitions se mêlent pour créer une ambiance emplie d'humanité et d'émotion.
Le coeur de l'Italie palpite entre les mains du lecteur. Non pas celui de l'Italie superficielle des plages,gelatti et farniente mais celui des terres arides du sud, de la pauvreté, des femmes et des hommes liés par la même servitude. le réalisme de ce récit ne l'empêche pas d'être magnifiquement romanesque.
L'histoire s'articule autour de Teresa,la narratrice,et de sa soeur adulée Angelina.Elles ne sont "pas faites du même bois" mais pourtant la sève qui coule en elles est la même. Leurs amours les font regarder vers des horizons différents mais elles partagent la même souffrance. La guerre les a marquée pour toujours même si leur père en est revenu. La honte est l'héritage offert par cette guerre qui a meurtris ses combattants comme leurs familles. Elle n'a fait qu'accentuer les injustices. Cette injustice qui va faire monter la colère et le désir de lutter pour s'affranchir de la croyance paralysante que "le grand mange le petit... c'est comme ça depuis toujours. Et si le petit essaie de devenir grand,le grand dégaine le premier.".
J'ai lu qu'on parle de Rosa Ventrella comme de la nouvelle Elena Ferrante. Bien qu'ayant beaucoup aimé Les amies prodigieuses, j'ai trouvé plus d'authenticité chez R.Ventrella. Il plane dans son roman une nostalgie et une tristesse qui s'enracinent très loin et qui habitent véritablement l'auteur et ses personnages.
Commenter  J’apprécie          324
Ce que j'ai ressenti:
« Je suis l'écho d'un son lointain qui me ramène aux terres de mon enfance. »

Il se peut que la makara l'avait prédit pour moi: j'aurai des échos. J'aurai des échos lointains de libertés. Des échos qui soufflerait aussi fort qu'un mistral déchaîné, à l'intérieur de moi. À lire, tout doux, tout doux, l'histoire de ces deux soeurs, Teresa et Angelina, ils viendraient faire leurs sonorités si efficaces dans mon en-dedans sensible. de ce fait, j'aurai des échos de sororité, des envies de me jeter à l'eau, des restes d'amour contenu et de grandes aspirations. Elle aurait pu me prédire cela la makara, parce que j'ai l'Italie en moi. du plus lointain de mes souvenirs, c'est ainsi que je le ressens, cette façon si particulière d'aimer à l'italienne et de reconnaître les miens dans leur façon d'être, d'écrire ou de ressentir. Alors certes, dans ces pages, c'est une Italie des années 40, qui souffre d'un climat de guerre sur fond de pauvreté, mais la vérité des coeurs est toujours la même, quelque soit le temps. Il y a bien évidemment des jours gris et venteux, des heures sombres et quelques éclats de lumière. Et puis, il y a la beauté. Ici, c'est une malédiction. La makara aurait pu vous le dire, si vous y prêtez attention: l'apparence des femmes ramène des échos de médisances et de jalousies…Et les cancans sont terriblement puissants…Cette histoire touche aux liens de la famille, au pouvoir des mots, à cette aspiration démesurée de liberté, et en l'amour qui prend plusieurs formes pour dépasser une situation dont les personnages essayent de s'affranchir…Mais le prix à payer risque d'être plus fort que le rêve…Je vous laisse découvrir cela avec l'histoire de la famille Sozzu…

Dans la vie, j'ai appris que chaque perte est différente, même si les mots d'adieu se ressemblent tous et qu'aucun coeur n'est assez grand pour contenir tous les adieux.

Rien qu'avec le titre, j'ai senti que ça pouvait faire écho…Il y avait les trois mots magiques qui m'attirent irrésistiblement: Liberté/Italie/Oliviers. Je ne regrette pas un seul instant cette lecture. Rosa Ventrella a une plume envoûtante. Je me suis laissée charmer par cette relation fusionnelle entre ces deux soeurs et j'ai aimé cette manière si particulière de décrire les sentiments avec les couleurs du ciel ou la fureur du vent. Dans ces descriptions, on sent un amour plus grand que les éléments et peut être plus fort, que ce que la pudeur peut laisser entendre…Il s'est vraiment passé « quelque chose » que j'aurai sans doute du mal à décrire, mais il y a eu peut-être une histoire de bois similaire…C'était des échos profonds, et quand ça te vient comme ça, c'est difficile à expliquer. J'espère que vous les entendrez à votre tour, Les Échos, et peut-être iriez vous voir de plus près, La liberté au pied des oliviers

Quand aucun mot n'est mis sur les faits, alors ils ne se sont pas produits.


Ma note Plaisir de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          284
En un petit nombre de pages proportionnellement à la richesse du contenu, finalement, Rosa Ventrella nous conte l'histoire d'une famille italienne qui, avec le départ du père au front dans les années 1940, va subir indirectement les affres de la guerre, et pour quelles conséquences… En effet, Caterina, la belle Caterina, sur qui se retournent tous les hommes, va devoir sacrifier son honneur pour sauver ses filles, Teresa et Angelina, de la faim et de la misère. Mais, malheureusement, cela ne les sauvera pas, à la fin de la guerre, quand il faudra faire avec les rumeurs qui courent dans le village, et quand ces rumeurs auront une incidence, plus tard notamment, sur l'une des soeurs, la cadette, Angelina, tout aussi belle et troublante que sa mère.

L'intrigue, bien que classique, est amenée de manière intéressante puisque l'histoire de la famille nous est racontée par Teresa, de la bouche de laquelle nous découvrons rapidement qu'un drame terrible a eu lieu dans il y a de cela de nombreuses années – mais je n'en dirai pas plus – . C'est à partir de cette découverte, quasi in medias res, que nous remontons le cours des évènements, pour en arriver au moment précis du drame. Autre chose intéressante : plus que l'histoire d'une famille, c'est toute l'histoire de ce petit village des Pouilles dans lequel elle vit qui nous racontée, et ce par l'intermédiaire d'une riche galerie de personnages, magistralement incarnés, soit dans leur lutte pour pouvoir vivre dignement après la guerre, alors qu'ils ont perdu le peu qu'ils avaient (de grands propriétaires terriens, qui possèdent toutes les terres et ne veulent pas les vendre, se comportent odieusement avec les paysans qui en sont en charge, dont le père de la famille, ce qui va entraîner diverses révoltes, particulièrement violentes), soit dans leur présence pure et simple pour créer une atmosphère propre à la mise en place du drame qui va se jouer. Dernier élément, tout aussi intéressant : je me méfiais un peu de la présentation que faisait brièvement la quatrième des deux soeurs, en pensant me retrouver face à des personnages très, peut-être même trop classiques ; ce n'est pas du tout le cas. Teresa, autant qu'Angelina, sont incarnées avec autant de réussite que les autres personnages, laissant passer sur elles un souffle de fraîcheur bienvenu.

J'ai trouvé que La liberté au pied des oliviers était un roman foisonnant, mêlant saga familiale et histoire collective avec beaucoup de brio, à la fois d'une beauté délicate dans sa forme, au même titre que Teresa, la narratrice de l'histoire, et d'une cruauté funeste dans son fond, cruauté causée par le poids implacable de la rumeur et de la destinée – j'avoue avoir été pleinement conquise par ce paradoxe -. Ce fut un réel plaisir pour moi de le découvrir, et je me fais déjà une joie de me procurer sous peu le premier roman traduit en français de Rosa Ventrella, Une famille comme il faut. Je remercie les éditions Les Escales et NetGalley de m'avoir permis cette découverte.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
Commenter  J’apprécie          170
Je viens vous parler aujourd'hui, d'une magnifique saga familiale portée par la plume si touchante et authentique de Rosa Ventrella, qui m'a transportée au coeur des Pouilles du début de la seconde guerre mondiale à la fin des années 1950.
▪️
C'est l'histoire de deux soeurs que tout oppose, Teresa la fragile, discrète et timide et Angelina l'exubérante au caractère explosif, l'histoire d'une vraie famille italienne typique avec toutes les générations représentées, de ces caractères bien trempés au langage percutant, de commérages et de médisance des quartiers pauvres où un petit rien devient scandale, de guerre, de fascisme et de survie à travers les luttes paysanes, d'amour et de déceptions lorsque l'on cherche à tout prix à échapper à son milieu.
▪️
Vous y trouverez de la joie, de la rigolade, de la tristesse. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteure nous transmet toutes ses émotions à travers la voix de Teresa qui nous raconte l'histoire de sa famille et de ce lien d'amour si fort qui la lie à sa soeur. C'est écrit avec justesse, les quelques mots italiens qui ont été gardés par la traduction ajoutant encore davantage à cette authenticité du récit. J'ai aussi aimé ce côté brut de certaines scènes, qui sont décrites telles quelles, sans chichis, ni fioritures inutiles. La franchise à l'italienne que j'aime tant...
▪️
Un bien beau voyage, qui m'a donné envie de découvrir "Une famille comme il faut", le précédent roman traduit de Rosa Ventrella.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          110
« Je crois que si nous pouvions remonter à l'instant qui précède la perte d'un être cher, nous trouverions tous un mot à prononcer ou un geste pour alléger les esprits. »

Teresa a toujours été dans l'ombre d'Angelina. La cadette des soeurs a hérité de la beauté de leur mère et son aisance en public fait oublier son jeune âge. Teresa, elle, se contente de cette distribution des rôles, mais Angelina aspire à plus. Elle aime le luxe, a l'oeil qui brille devant les belles étoffes et ne saurait considérer un malheureux sans fortune. Elle sait déjà qu'elle ne vivra pas dans une ruelle et n'embrassera pas la vie miséreuse de ses parents, elle n'a que faire de la bonté des paysans.

Tandis qu'Angeli' rêve de taffetas, de joues poudrées et de cheveux en cascades, Teresa observe avec attention le va-et-vient des femmes qui animent la maison — ici, la porte est ouverte à tous. Aimante mais réservée, on aurait pu douter que ce fût elle qui s'acclimate le mieux à l'équilibre familial brisé par la guerre.

Car Nardi Sozzu, le père, parti au front, chaque jour qui passe amenuise leurs maigres ressources. Caterina, la mère, se fait alors embaucher par le baron Personè, propriétaire de toutes les terres du village, pour pouvoir remplir les assiettes. On dit l'homme fasciste et coureur de jupons, et sa vue n'inspire que crainte et dégoût. C'est un déchirement pour cette femme modeste et respectable que de vendre ainsi son âme au diable, mais en ces temps difficiles, l'argent n'a pas d'odeur. Ce pour quoi le baron l'emploie ? Nous n'en saurons rien. Peut-être certaines choses méritent-elles d'être passées sous silence.

De retour au pays à la fin de la guerre, Nardi Sozzu ne parvient pas à joindre les deux bouts et brûle de révolte face aux inégalités que subissent les villageois. C'en est assez de tout laisser aux riches, des coups de bâton en échange du labeur. Secondé par le neveu de la makara, la sorcière du village, seul héritier de la vieille femme venu s'installer à Copertino apres qu'elle a fermé les yeux, Nardi Sozzu entame une violente lutte de pouvoir qu'il ne maîtrisera pas longtemps… et qui gangrénera son propre foyer.

La mélancolie m'a serré le coeur de la première à la dernière page. J'ai vécu, à travers le regard de Teresa, femme et mère à l'heure où elle revient sur ses souvenirs douloureux, les crises qui l'ont dévastée, et souvent, je n'ai pas été capable de prendre catégoriquement parti. J'ai souffert avec les femmes de la famille Sozzu, sans pouvoir blâmer Angelina pour ses ambitions de sortir de son rang ni déchoir Caterina pour son sacrifice. J'ai ressenti toute la peine de Teresa, murée dans le silence devant une mère qui s'éteint doucement, perdant la lumière que lui jalousaient toutes les femmes alentour. Et j'ai compris la colère de Nardi. Nardi prêt pour son dernier voyage, prêt à rejoindre Angelina, fauchée en plein envol à 22 ans seulement. J'ai besoin qu'on m'implique dans une histoire, qu'on me permette de m'interroger, et Rosa Ventrella m'a offert cette place privilégiée que tout lecteur est en droit d'espérer. À la fois chronique sociale et familiale, ce roman dénonce, avec pudeur et intensité (l'une des forces de l'auteur), les injustices de tous bords dans une Italie meurtrie par la guerre. Chaque personnage est travaillé avec le même soin et tous m'ont touchée à leur façon. Je retiendrai, parmi les « petits rôles », la coiffeuse. Certains temps de réflexion sont nécessaires, pour mesurer le poids des actes, les conséquences des choix. Des choix qui sont interdits lorsqu'on ne les prend pas en son seul nom, mais en celui de sa famille.

Après Une famille comme il faut, l'auteur réitère la question de l'appartenance et de comment celle-ci détermine l'avenir, coupant l'herbe sous le pied à l'individualité. Cruel et dense, sous ses allures d'ancienne légende contée un soir au coin du feu, La Liberté au pied des oliviers marque le coeur et la conscience. Avec une mention spéciale à Anaïs Bouteille-Bokobza pour sa magnifique traduction parsemée d'italien, qui préserve l'identité du texte.
Commenter  J’apprécie          100
Oh joli roman ! Tu viens de tomber de mes mains. C'est normal, je viens de finir de lire la dernière page ! Je suis surprise car je te tenais tellement fort entre mes doigts, je n'arrivais pas à te quitter.

Un joli témoignage de Rose Ventrella pour son deuxième roman. Un lien d'amour entre Térésa et Angélina mais surtout entre Antonietta et Cornelia, sa grand-mère et sa soeur.

Rose Ventrella nous envoûte et nous fait voyager dans son roman « la liberté au pied des oliviers ». Une histoire qui se déroule en Italie dans le pays des Pouilles, à Salento, pendant une période difficile. Elle commence pendant la seconde guerre mondiale et se termine à la fin des années 50. Histoire qui se déroule entre guerre, faschisme, luttes paysannes mais aussi pauvreté et faim. Histoire deux soeurs opposées et d'une famille italienne entre destin et malalegna.

Deux soeurs, Térésa et Angélina que l'on pourrait aussi appeler Antonietta et Cornelia. Deux soeurs que tout oppose, l'une, Térésa, discrète, timide et effacée et l'autre, Angelina, déterminée, sûre d'elle et qui désire sortir de cette misère et du monde paysan. Elle rêve de liberté mais le lien d'amour est plus fort que leur différence.

Dans la famille Sozzu, je demande :

La mère, Caterina, dont la beauté insolente va devenir une malédiction. Une beauté que toutes les femmes du village médisent. Alors que son mari est à la guerre, elle va passer un pacte de survie avec le « baron Personnè » pour sauver sa famille de la misère et de la faim. La médisance des voisines est au Rendez-vous, elle va devenir « la pute du baron ».

Le père, Nardino, à son retour de guerre va s'engager dans la bataille des agraires paysannes. Une lutte sans merçi contre le « baron Personnè », propriétaire bourgeois des terres dont Nardino est métayer. Il se lancera dans un combat violent quitte à mourir pour devenir propriétaire du lopin de terre qu'il travaille. C'est vers la fin des années 50, que la réforme agraire verra le jour et la fin d'un long combat où Nardino laissera «des plumes ».

La grand-mère, Assunta, la sagesse de la famille mais qui voit revenir la malalegna (malédiction) par les bavardages empoissés des commères du village. Cette malédiction, Assunta la connaît très bien… elle ne cesse de répéter à sa famille « l'arbre ne pousse jamais loin de sa graine ».

Cette malédiction que les deux soeurs connaissent depuis leur enfance, va-t-elle les atteindre…

Après avoir écouté les récits de sa grand-mère et deux ans après la mort de celle-ci au combien narratrice fantastique, Rose Ventrella a couché sur le papier cette histoire et a fait naître ce magnifique bébé appelé « la liberté au pied des oliviers » dont la beauté est une malédiction !

#netgalleyfrance
#laliberteaupieddesoliviers
#editionslesescales
Lien : https://leslecturesdeannemar..
Commenter  J’apprécie          90
Un roman aussi beau que tragique.
L'auteure nous emmène en voyage, dans le temps, et dans l'espace. L'Italie, la région des Pouilles, dans les années 1940.
La guerre, ses privations, ses abominations, ses sacrifices.
Le destin de trois femmes, leurs rêves de liberté et d'amour.
Mais la vie aussi, comme un carcan, qui les enchaîne à leur terre, à la tradition.
Une histoire de vie, une histoire de femmes.
Une lecture que j'ai beaucoup appréciée.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (308) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
834 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *}