« Des trucs comme ça, ça devrait pas arriver aux vieux comme nous. Parce qu’il ne nous reste plus beaucoup de temps, à nous autres, pour mourir heureux. » (p. 39)
Tu veux toujours pas parler. Bon. Moi aussi j'ai décidé de causer minimaliste, alors je vais aller droit au but. Tu sais, ma belle, être heureux, c'est comme le reste : ça s'apprend.
"Tu sais, lui dit-il en lui prenant le visage, ce que tu m'as raconté, là, le mari de Jacqueline, à soixante-seize ans, qui a quitté sa maison. Il a quitté tout ce qu'il avait pour descendre la Loire. Ca m'a fait réfléchir. Lui, il a pas peur. Et nous, on a peur et on devrait pas. On se dit qu'on a du temps, et qu'on fera ça plus tard, quand il y aura les bonnes conditions, et tout. Mais les bonnes conditions, elles arrivent jamais. Et en moins de deux on se retrouve comme lui, là, dans le placard. Ou comme Jacqueline à se dire à soixante-dix balais qu'elle a pas eu la vie qu'elle voulait."
« Tous ceux qui ne savent pas ce qu’ils cherchent, ils viennent le trouver chez moi. » (p. 135)
C’était drôle d’entendre les histoires de ces vieux hommes. Il me semblait à moi qu’ils essayaient d’accomplir leur destinée, sans être sûrs de ce qu’elle était vraiment. N’avait-on pas inscrit, quelque part en eux, leur raison d’être ? Et pourquoi s’affairaient-ils à essayer de la trouver encore, si tard ?
Pour ma part, la contemplation de ce qui se passait à la villa m’avait quelque peu distrait de ma quête de papillon.
« T’as bien réfléchi et là, quatre heures du mat, tu me donnes les fruits de ta mûre réflexion que c’est une bonne idée à soixante-seize balais de descendre la Loire sur des bouteilles de Badoit ? » (p. 90)
On se dit qu'on a du temps, et qu'on fera tout ça plus tard, quand il y aura les bonnes conditions, et tout. Mais les bonnes conditions, elles arrivent jamais.
Ce soir, Paul avait peur de la mort, de la sienne et de celle des autres. Peur des adieux qu'il faut dire aux compagnons et peur du vide qu'ils laissent dans leur sillage. C'était bien beau de connaitre les chiffres de l'infini et de se dire qu'on est tout petit. Mais, si on est si petit, pourquoi cette douleur si grande ?
Tu vis avec une femme pendant cinquante ans, reprit-il. Et puis tu te rends compte que t'es toujours tout seul - elle, moi, chacun avec nos secrets, nos histoires... cinquante ans à se parler et pourtant on ne se dit jamais rien de l'essentiel. Et tous ces trucs qu'on a tus, regarde-moi le travail.
On dirait que, plus les hommes sont immobiles aujourd'hui, plus ils croient qu'ils avanceront demain.