Pietro
Paladini est un quadragénaire heureux. Il gagne plutôt bien sa vie, possède un appartement dans le centre de Milan, une résidence secondaire à la mer ; mais surtout, il est le compagnon comblé de Lara, qu'il doit épouser dans quelques jours et le père de Claudia, dix ans. Ce bel équilibre bascule lorsque Lara meurt brutalement sous le regard impuissant de sa fille. Pietro n'était pas là quand cela s'est passé. Il était avec son frère Carlo à la plage, en train de sauver deux nageuses de la noyade. Enfin, tout devrait basculer. Mais les choses ne se passent pas toujours comme prévu...
Tandis qu'une fusion historique se prépare dans son entreprise, Pietro décide de rester devant l'école de sa fille le jour de la rentrée. de cette manière, il s'extrait de la folie du bureau où tous les salariés s'affolent, "plus ou moins aux aguets, les oreilles dressées, effrayés comme des singes dans la savane". Mais il espère aussi faire plaisir à son enfant, qu'il aime par-dessus tout et dont il redoute le chagrin. Parce que "c'était gentil de dire à Claudia que j'allais rester toute la journée ici, mais le faire réellement, c'est autre chose. de temps en temps, il faut prendre au pied de la lettre ce qu'on dit aux enfants." Et le lendemain, le manège se répète. A côté de l'école, dans sa voiture ou dehors, seul ou accompagné, pour Pietro les jours s'écoulent, les uns après les autres. Sans qu'il ne craque jamais. Il a beau se dire qu'à un moment, forcément, le chagrin va lui tomber dessus, va l'emporter... Mais non, il ne se passe rien. La petite non plus ne parle jamais de sa mère. Ces deux-là sont figés dans un calme chaos. Hébétés, sonnés, mais pas terrassés. En revanche, l'entourage de notre héros va mal. de sa belle-soeur adepte des échecs sentimentaux à répétition (et des grossesses qui vont avec...), à son frère qui sous une apparence des plus lisses se drogue à l'opium, en passant par ses collègues, plus étranges les uns que les autres ; ils vont tous, un à un, se confier à lui. Entrant dans sa voiture comme dans un confessional. Déversant sur celui qui devrait souffrir leurs propre souffrance, leurs échecs, leurs peurs. Pietro devient alors cet Homme des Etreintes. Celui à qui tout le monde parle, pour trouver la force d'affronter sa propre vie. Mais lui ? Que devient-il dans tout cela ? Comment gérer un deuil quand on ne se sent ni fou, ni mal, ni triste ? Débordant seulement - et c'est déjà beaucoup - d'amour pour son enfant ?
Certes, je serais tentée d'en dire beaucoup plus, mais je vais m'arrêter là pour préserver un peu de mystère. D'autant plus que la toile est truffée de critiques sur
Chaos calme, sortit en 2008 en France, Prix Strega en Italie et Prix Fémina Etranger. Je devais être la dernière à ne pas l'avoir lu ! Et franchement, rien ne méritait d'attendre autant, car j'ai littéralement dévoré ce roman de 534 pages. J'ai toujours aimé les personnages faillibles ; or
Chaos calme est rempli de ces héros involontaires, de ces hommes et ces femmes d'encre qui tentent comme ils peuvent de vivre leur vie, malgré les difficultés. A ce titre, le personnage
De Carlo est sublime. Derrière l'image de l'homme brillant et entouré de célébrités qui s'arrachent les vêtements de sa marque, se cache un être sensible, qui se drogue pour oublier sa solitude et une femme morte vingt ans plus tôt. Ou encore Marta, qui malgré sa volonté de réussir sa vie, mets en place des logiques d'échec répétées. Il y a aussi beaucoup de passages drôles, où la mélancolie n'est pas loin et Radiohead non plus. Un peu comme dans la vie, en fait. Seul bémol : j'ai trouvé moins d'intérêt à certaines anecdotes concernant des collègues (Piquet et sa compagne toquée) tout comme j'ai assez mal compris la "Trinité de la fusion". Mais honnêtement, ces petites longueurs n'ont pas vraiment gêné ma lecture.
Enfin, j'ai été amusée des critiques négatives de personnes choquées par l'aspect cru du texte (quelques scènes de sexe un peu "osées", mais rien qui puisse faire pâlir d'effroi les plus de 18 ans) . S'il l'est (cru), ce n'est que pour donner plus de réalisme, plus de vivant à l'histoire et je ne peux qu'y adhérer. Personnellement, j'aime cette écriture qui ne cache rien, qui fouille dans les moindres recoins des âmes, chatouille tout ce que l'on cache et que la littérature permet de mettre à nu.
Sandro Veronesi parvient à merveille à écrire sur ce qui fait de nous des êtres si complexes, si imparfaits et attachants à la fois. Je vous encourage donc, si comme moi vous ne l'aviez pas lu, à découvrir ce magnifique roman italien, qui ne vous lâchera pas de sitôt !
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