FESTIVAL ITALISSIMO
MASTERCLASS PAR SANDRO VERONESI
« Une idée de Pinocchio »
Malgre sa notoriete, Les Aventures de Pinocchio est un livre qui offre encore de nombreux secrets aux erudits et aux passionnes.
Les Aventures de Pinocchio ont ete publiees pour la premiere fois dans leur integralite en 1883 par l'ecrivain et journaliste italien Carlo Lorenzino, connu de tous sous le pseudonyme de Carlo Collodi.
Cette oeuvre a incontestablement faconne l'un des plus grands mythes de la litterature italienne, a l'interieur du pays et hors de ses frontieres. Reeditee des centaines de fois, traduite en 260 langues, adaptee encore et encore au theatre et au cinema par les plus grands realisateurs et metteurs en scene, l'histoire de Pinocchio est une source inepuisable d'inspiration pour les createurs et un tremplin a la discussion et aux debats pour ses lecteurs. Sandro Veronesi, florentin comme Collodi, interroge ce mythe toujours fertile, qui se derobe a toute notion d'anachronisme.
Une lecture tres personnelle qui revele une autre idee de Pinocchio.
Dans le cadre festival Italissimo. Voir le programme complet.
A lire Carlo Collodi, Les Aventures de Pinocchio, nouvelle traduction de l'italien par Yves Stalloni, L'école des loisirs, 2020.
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Ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. À vrai dire, personne n’est fait pour personne, et des gens comme Marina Molitor ne sont même pas faits pour eux‑mêmes.

"Ah ah ! Ca y est ! crie-t-il à travers la porte. Trente secondes de plus et ils n'étaient plus du tout "al dente" ! "
Par la porte arrive le bruit des opérations qu'il accomplit, si net et précis qu'il me semble voir la scène : les spaghettis qui tombent dans la passoire, la casserole posée dans l'évier, les spaghettis bien égouttés, transvasés dans la poêle avec la sauce et repassés sur le feu resté allumé. Et maintenant, il y a un fumet de sauce tomate qui arrive de la cuisine, me chatouille les narines et sort par la fenêtre, si intense et si délicieux qu'il me semble le voir lui aussi - sous forme d'épais nuage comme un dessin animé.
(...)
Il attaque ses spaghettis bille en tête, à croire que son temps est compté. Il ne les enroule pas : il les fourgue dans sa bouche comme si c'était du foin, et avec sa fourchette, il se contente de les accompagner au fur et à mesure qu'ils montent. Ca aussi, c'est romain, une saine façon de manger populaire - incarnée par Alberto Sordi aux prises avec des "macaronis" - qu'ici à Milan on prend pour une absence de bonnes manières.
(...) je n'avais jamais eu l'occasion de me retrouver au milieu du déménagement d'un inconnu. Ca fait froid dans le dos. Malgré le soin avec lequel ils sont emballés, beaucoup d'objets sont reconnaissables à travers la cellophane ou sous le papier journal - queues de casserole, manches, pieds de lampe - et il y a quelque chose de suppliant dans leur façon de dépasser des cartons comme s'ils appelaient à l'aide pour s'échapper. La trace désolée des tableaux sur la tapisserie, les marques de coins de meuble inconnus dans le mur, la brutale suspension de la sollicitude domestique qui, des années durant, a dû rendre cette salle de séjour accueillante, contribuent à donner l'impression qu'on se trouve soudain "ailleurs", dans un espace imaginaire truffé de symboles à interpréter, comme dans les rêves ; (...)
Il est monté dans ma voiture, s'est assis à côté de moi et m'a regardé un moment en s'efforçant de sourire, mais sans rien dire. Son regard, déjà paranoïaque en temps normal, tout en clins d'oeil obliques et en battements de paupières, ressemblait à un vol d'oiseaux après une détonation, s'éparpillant dans toutes les directions avec une frénésie qui avait quelque chose de funeste : le regard d'une personne en grand danger.
[Adele, qui vient d'accoucher, à son père:]
"Tu as vu, papa? Beau début. L'Homme du Futur est une femme."
Un jour, il cita une habitude que Marco trouva éclairante pour comprendre le choix de sa fille : en Occident, pour enfiler le fil dans le chas de l’aiguille, on le pousse vers l’extérieur, tandis qu’au Japon, on fait le contraire, le fil est guidé de l’extérieur vers la poitrine. Toute la différence, dit Miette, était là : Occident = dedans-dehors, Japon = dehors-dedans.
(...) il passait dans la partie alimentation est volait de quoi manger. C'était un jeu d'enfant parce que dans cet endroit on se servait tout seul et qu'on partait payer à la caisse. C'est-à-dire, les cons ou les riches allaient payer : les gens comme lui ou Maddalena se dirigeaient droit vers la sortie, butin dans le slip et personne ne remarquait rien.
... c'est le jour zéro et en conclusion soit on est le voyageur que j'ai toujours été qui accuse le paysan de ne rien savoir soit on est le paysan que je serai dorénavant et qui gentiment et en continuant à piocher lui répond oui monsieur c'est vrai monsieur moi je ne sais rien monsieur mais celui qui s'est perdu c'est vous.
" je n'ai pas envie de dire qu'on vit mieux ici qu'en Calabre.
_ Alors pourquoi tu restes ?
_ Parce qu'on vit mieux ici qu'en Calabre, s'esclaffait Rase-Meche. Sauf que je n'ai pas envie de le chanter sur les toits."
Pommette, commissure de la bouche, lobe de l'oreille, boucle d'oreille...
Je suis en train d'embrasser des détails.
Je garde les yeux ouverts, je veux voir ce que j'embrasse : ce sont des détails d'une blancheur émouvante, des parties du corps marginales, hors échelle, parce que désormais cette femme ne tient plus tout entière dans mes yeux : comme si elle était devenue infinie, imaginaire.