Citations sur Le plongeon (81)
- Tu sais, c'est comme si tu m'avais rattrapée dans ma chute.
- Tu tombais ?
- Je ne fais que ça depuis que je suis arrivée ici.
Tu vois, Martial, c’est tout ça qu’on voudrait. La fragilité de l’amour et des baisers. Peut-être tout revivre, entendre encore les voix aimées. On n’aura rien de tout ça et on le sait bien. Alors donne nous quelques heures de liberté, choisis le lieu, on se débrouillera pour le reste. De l’eau peut-être. Un ponton. Oui, voilà, on voudrait un ponton, de la vase pour enfoncer nos pieds, de l’herbe, et le soleil qui nous sèche. Tu as ça, Martial ? Tu as ça pour nous ?
Voilà. Ça arrive. Comme une bête sauvage qui attendait, tapie, et me saute à la gorge. Les mots fuguent. Et les souvenirs aussi. Vos voix à tous, je ne les entends plus. Je ne sais plus à quoi ressemblait la tienne, Henri. Hier, à l’atelier, j’avais à la fois trop de souvenirs et aucun. Une bouillie de mémoire, autant dire rien. Tout se brouille. C’est comme si je n’avais jamais été une petite fille, jamais été une mère, jamais connu Henri. Je n’ai pas de passé si je n’ai plus les mots pour le raconter. D’ailleurs, déjà, vos prénoms ont déserté et je les confonds tous.
Tu vois, Martial, c'est tout ça qu'on voudrait.
La fragilité de l'amour et des baisers.
Peut-être tout revivre, entendre encore les voix aimées. On n'aura rien de tout ça et on
Prait ben d'os deme part Aude en hearzed libertin choisir relier on se debrevilera
vase pour enfonter nos pieds, de l'herbe, et le soleil qui nous sèche. Tu as ça, Martial ?
Tu as ça pour nous ?
J'aimerais que tu sois encore là, Henri, que tu te perdes, juste pour que je te retrouve. Je ne me fâcherais pas. mes bras autour de tes épaules et je te dirais, "Viens."
Cinquante-huit ans avec toi, et puis ce vide après. On dirait que je sombre et que la chute est sans fin.
J'ai tout quitté. Des fois, j'ai l'impression que je me suis quittée, moi-même. Tu comprends ?
Tu te souviens, alors, Tom ?
de selle et tu devenais cow-boy, chevalier de la table ronde.
Tu te souviens des "patouilles" ? Il fallait tout sortir, et je te laissais faire. Farine, sucre, lait, chocolat en poudre. Tu jouais au restaurant, à être cuisinier. Ton grand-père se fâchait, "tu fais enrager mamy, mais moi je riais, j'adorais que tu salisses tout, que tu ries aux éclats. Après, pendant ta sieste, il fallait ranger, nettoyer.
Nettoyer la vie qui avait jailli de toi, tout l'après-midi. Si tu dormais chez nous le soir, tu me demandais :
"Mamy, est-ce que j'ai peur, moi ?" Je disais : "Non, Tom, tu n'as pas peur." Et tu t'endormais, confiant.
J'ai un peu peur, petit Tom. Peur de la suite, des mots qui vont s'effacer, comme mes souvenirs. J'oublierai ton prénom, peut-être. Si j'oublie ton prénom, tue-moi.
Je n'aime pas qu'un autre me touche.
Je n'avais pas envie de sa peau sur la mienne. Ses mains,
chaudes, sèches, sur mon cou, mes épaules, effleurant
mes cheveux. Et puis, la sensation m'a rattrapée. Je me
suis souvenue de ce que c'est, le mélange des peaux.
Il faudra y repenser ce soir.
J'ai eu vingt ans ici, un mariage sous le tilleul, mes cheveux retenus en queue-de-cheval.
J'ai eu trente ans ici, et quatre fois le ventre gros. Trois bébés qui ont grandi, comme on court dans les hautes herbes. Et l'autre, celui qui n'a pas vécu, est enterré plus loin. Nous n'avons pas fleuri sa tombe.
J'ai eu quarante ans ici, un monde à mener à la baguette, avec le sourire. Et puis des années douces, le rire de mon homme, sa calvitie et ses mains baladeuse.
J'ai eu Cinquante ans ici, sans jamais craindre les lendemains.
J'ai eu soixante ans, la fête un jour d'orage, et soixante-dix ans, la marche plus lente, toujours main dans la main avec lui.
J'ai eu quatre-vingts ans ici, Henri avait disparu quelques mois avant et les enfants me disaient "tourne la page". Depuis, j'avance en manquant de tomber à chaque pas, puisque chaque pas m'éloigne encore de lui.
Je n'aurai plus rien ici, aucune fête, aucune chute, plus aucune nuit d'amour. Je n'ouvrirai plus les volets sur le matin frais. Je ne m'assiérai plus, un verre à la main pour contempler le soleil se coucher.
Je pars.
Ma peur c'est de perdre la mémoire, oublier tout, les prénoms, la vie d'avant. Ouais, ça, et sentir que nos corps nous échappent, chaque jour un peu plus.