Vraiment, j'ai fait la belle découverte d'un auteur « local »qui publit depuis une bonne dizaine d'années dans le genre polar/noir, grâce à la nuit de la lecture organisée par les médiathèques, le thème de cette année fut la peur.
Parfois, on écoute un écrivain parler, il évoque une référence, il a une attitude humble , affable, qui nous touche et lorsqu' on regarde la couverture attirante d'où s'élève un titre nous rappellant des choses personnelles, il est évident qu'il faut le lire.
Sensoriel et sensible sont les deux premiers qualificatifs qui me viennent à l'esprit à la lecture de ce joli livre qui nous évade de la routine – quoi de plus important en littérature .
On accroche tout de suite dans l'histoire de ce jeune homme, Josselin , qui arrive au village avec ses blessures qui vont rapidement se mêler à celles des autres. Sa réserve apparente du début va se transformer au fur et à mesure de part les évènements qui s'enchainent et qui finissent pas le concerner . La tension monte crescendo et le lecteur est embarqué inévitablement dans cette course vengeresse où les travers de l'homme - jalousie, rancoeur, cupidité , mensonges- apparaissent si bien.
Ou, comment la toute première phrase " La bête jaillit de la nuit " tient toutes ses promesses pour un roman d' un noir lumineux et nuancé ( comme dirait Soulages) .
Du mal au bien, il n'y a qu'un filet d'eau : alors coulent les essentielles vertus de l'amitié et du respect pour les anciens , la transmission du travail manuel artistique qui émane en lumière rougeoyante dans la forge, poutre-maîtresse du récit , sans oublier l'amour pour une femme qui peut valoir pouvoir de guérison.
La structure narrative du roman très bien ficelée, des moments d' action aux passages de sorte de méditation, en passant par l'introspection du jeune protaganiste par le biais d'un journal intime écrit à un ami disparu donnent une fluidité au récit et amènent un grand plaisir dans la lecture.
Sans oublier une écriture que j'ai trouvé dense, soignée, sans prétention ni effet de style, actuelle dans les dialogues mais aux accents classiques dans la prose, une littérature ancrée dans une région de tourbières ( corrézienne ou cantalienne ) où sa poétique description n'a rien à envier à celle d'un champ de lavande provencale chez
Giono.
Ce qui m'a justement fappé c'est la forçe dans la contemplation du monde, des élèments naturels, des choses de la vie, d'un jour naissant à un crépuscule revenant, de l'odeur d'un café qui n'attend que d'être bu en partage, des chants d' oiseaux aux bruits du vol d'insectes volants, indispensables et utiles à notre existence, et bien évidemment les magnifiques émotions qui parviennent du travail des matières métalliques dans la chaleur de l'atelier .
Mais le plus remarquable réside dans la retranscription des silences , des ondes vibratoires dans l'air, invisibles , des ressentis de chacun , une pudeur dans les sentiments, dans les gestes visibles ou imaginaires , dans la communication non verbale , tel cet extrait :
« le sculpteur scrutait les gestes de Josselin….Il expliquait avec ses mots d'autodidacte. Il faisait surgir des images. Josselin avait des tonnes de questions.Henri répondait, faisait preuve d'une patience dont il ne se saurait pas cru capable…..Le silence les enveloppa »
Et puis, des références musicales ou cinématographiques associées à des petits moments d'humour qui ne gâchent rien au tableau final !
A mon sens, la réussite d'un livre tient aussi dans la persistance de la mémoire, que les personnages dans l'intrigue soient visualisés bien après la lecture ; à certains instants, je me demande ce que deviennent Josselin , Emma, et tous ceux qui restent, et cette belle forge ( lieu qui me plaît, avouons-le, je loge dans une ancienne forge de maréchal-ferrant) .Une imagination magicienne pour les maintenir en vie…