Quelle épidémie ! Tout comme David Foenkinos, Delphine de Vigan est atteinte de ce syndrome de surproduction littéraire.... heu... littéraire renvoie à littérature et dans leur cas ce serait mentir... disons alors ...surproduction de texte imprimé. Un esprit mal tourné compléterait en arguant que remettre un jeton dans la machine cash contente tout le monde, de l'éditeur à l'écrivain en passant par le libraire. Pas vraiment certain que tout le monde gagne à ce jeu, surtout le lecteur, même si sous cette entité se classe une multitude de sous groupes de diverses importances. Pour nos deux romanciers, on peut dire, sans les vexer, qu'ils ont changé de catégorie, passant du joli roman bien fait, ayant une certaine tenue, à des ouvrages plus consensuels dans leur manière d'aborder les sujets, que l'on sent marketés pour répondre aux supposées attentes du public ( pas trop longs, écrits gros et jouant sur les (bons) sentiments et le feel good) et vendus sur une renommée acquise avec des ouvrages autrement plus intéressants.
Avec " Les gratitudes", Delphine de Vigan, nous rejoue le coup des "Loyautés", mais en version light. Comme dans son précédent roman, cela débute par un court texte autour aux apparences profondes, cette fois-ci autour du merci. Dans "Les loyautés" la petite dissert d'introduction sur la gratitude pouvait impressionner et lançait fort bien le roman. Ici, nous démarrons quelques crans en-dessous, mignon comme une jolie rédac d'une ( bonne ) élève de quatrième qui a bien entendu son entourage ayant quelques regrets lors de l'enterrement de tonton Jean-Jacques à qui on aurait pu dire de vive voix combien on l'aimait. ( Il semblerait que dans le joli monde de Delphine de Vigan il n'y ait que des êtres bons ou, grosse malchance, à qui on peut bien pardonner pour dire merci.) . La suite, vous la connaissait sans doute ( la promo est d'enfer), le concept ( très vendeur) étant de parler de la vieillesse ( si, si, c'est vendeur, le roman feel good en regorge puisque le gros lecteur se trouve surtout chez les seniors). Bien sûr, la très sympathique Michka, l'héroïne, prend hélas le virage de la vraie vieillesse. Pour elle, dans son pack, elle trouve une EPHAD et de l'aphasie. Ca aurait pu être pire ( surtout que l'EPHAD du roman est quand même top de chez top) et que l'aphasie (troubles du langage) permet à l'auteure de placer des dialogues charmants à la fraîcheur enfantine ... dont le procédé finit par lasser ( Michka dit un mot pour un autre). Comme nous sommes dans la bienveillance totale, le très sympathique orthophoniste qui s'occupe de la vieille dame est absolument sensationnel ( mais dans la vraie vie aussi, j'en connais) et ira même jusqu'à sacrifier ses congés pour réaliser le rêve de la vieille dame ( là, j'en connais peu ayant autant d'empathie). Comme nous nageons dans le rose bonbon, une jeune femme, éperdue de gratitude et d'amour, passe beaucoup de temps aussi auprès de notre héroïne qui toutefois décline au fil des courts chapitres. Oui, parce que, et c'est dur, l'héroïne va vers la mort ....mais comme tout un chacun. Les larmes couleront bien sûr dans la plus grande gratitude, les esseulés seront moins seuls et l'EPHAD croulera sous les demandes d'admission tellement c'est le bonheur d'y finir ses jours.
Delphine de Vigan n'est pas complètement tombée dans la nunucherie et la naïveté totale. Elle sait bien que les EPHAD sont loin d'être tous des prolongements d'un séjour au Club Med. Du coup, pour compenser un peu cette guimauve écoeurante, elle convoque les cauchemars de la vieille dame aux prises avec une très méchante directrice ( ouh! la vilaine). Mais, surnage bien sûr, cette bienveillance, cette gentillesse qui très vite rend son petit récit anodin et surtout pouffant comme un trop plein de Nutella. Je ne reprendrai pas Gide et son avis sur les bons sentiments en littérature, mais, bon sang, qu'est-ce que ça colle parfaitement bien à ces "gratitudes" !( oui, c'est vrai, ce n'est pas de la littérature...)
Un peu plus sur le blog...
Lien :
https://sansconnivence.blogs..