Une sortie honorable

Un livre exceptionnel que j'ai découvert par hasard à ma bibliothèque et que j'ai dévoré. L'écriture est de grande qualité et nous raconte comment des entreprises françaises bien connues profitaient de la guerre d'Indochine. le colonialisme, les banques, la cruauté des humains, l'armée, la politique,... Tout y passe avec une plume acide pointant toujours le noeud du problème. C'est brillant, cruel et instructif. Un délice.

Eric Vuillard dénonce avec talent les aberrations de la colonisation puis de la guerre d'Indochine. Son analyse s'applique d'ailleurs à toutes les conquêtes puis décolonisations qui n'ont jamais eu d'autre but que l'enrichissement et le prestige des pays colonisateurs et laissent les pays colonisés exangues et souvent en état de guerre civile. L'écriture jouant sur plusieurs registres, précise, percutante et ironique sert particulièrement bien le propos. Un livre qui m'a passionnée... je recommande la critique de Cannetille pour plus de détails quant au contenu.

J'ai découvert Eric Vuillard avec "L'ordre du jour", puis j'ai dévoré "Tristesse de la terre", tant cette découverte fut une révélation.
Qu'y a t-il de si particulier chez cet auteur pour être ainsi happé ?
Un style propre servi par une écriture directe qui nous embarque dans une histoire, caméra à l'épaule.
Tout commence de manière anodine avec un plan serré, puis le champ s'élargit, et l'histoire se dévoile.
Les enjeux apparaissent derrière les protagonistes, car les histoires qu'Eric Vuillard écrit ne le sont pas, anodines.
Elles nous parlent de nous, de notre siècle, de notre civilisation.
"Une sortie honorable" commence donc avec un personnage insignifiant,
Un inspecteur du travail en tournée dans une plantation de latex en Indochine.
On découvre des conditions de travail plus que détestables, puis on bascule dans un conseil d'administration à Clermont Ferrand, pour finir sur les bancs de l'assemblée nationale, au milieu d'interminables joutes oratoires sur la grandeur de la France au "temps bénit des colonies".
On y est, on les voit, les protagonistes de cette histoires, les politiques, les militaires, les banquiers, les capitalistes, mais aussi les anonymes, les invisibles, les sans-grades.
On les sent, on respire avec eux, on tremble également, car on va trembler et pas qu'un peu.
Trembler de peur à Dien Dien Phu. Trembler d'effroi en lisant cette histoire qui nous dit que l'occident a déversé sur l'Indochine plus de bombes que durant toute la seconde guerre mondiale.
Que le seul enjeu de cette guerre de trente ans n'était rien de moins que les conseils d'administrations des banques et des compagnies d'exploitations des ressources naturelles.
Quoi ? même pas un enjeux de civilisation ? Pas d'Indochine Française ? Seulement un signe de faiblesse envoyé aux autres colonies à préserver?
Ha! si quand même, les actifs des banques et des compagnies de latex avaient été transférés à temps!
La force d'Eric Vuillard est de voir juste pour décrire une réalité percutante qui nous saisit.
Un travail de recherche admirable, une écriture récompensée, quel talent!
Tout le monde connait "L'ordre du jour", lisez "Tristesse de la terre, tout est dit.

La guerre d'Indochine est ici l'objet d'un récit vu de l'intérieur, faits d'hommes politiques et/ou d'affaires français victimes de leurs lubies, egos, hubris... Eric Vuillard n'épargne aucun des ratés commis au nom de l'intérêt national. Un livre fort qui revient sur une des périodes les plus noires de l'histoire de France. le tout raconté avec objectivité, sans rien dissimuler et en mettant en exergue le courage d'hommes engagés malgré eux dans une lutte dratricide.

Une excellente lecture !
Préparez vos tirades, affûtez vos salves, et faites briller vos bons mots avant de vous lancer dans la lecture d'Une sortie honorable d'Eric Vuillard chez.
Personne n'est épargné dans ce court roman, tout le monde en prend pour son grade. Et je dirais : tant mieux ! Pas de pitié pour les croissants (comme on dit par chez moi – un temps que les plus jeunes ne peuvent comprendre).
A l'image d'Un Ordre de jour flamboyant, Eric Vuillard réédite le fait et nous propose les coulisses de la débâcle française en Indochine. Dans ces coulisses, se joue le vrai drame entre des comédiens médiocres et faibles (nos députés), un metteur en scène cupide et cynique (la banque d'Indochine), et un chef d'orchestre tartignole (l'état-major français).
Ces trois personnages principaux qui tournent autour de la guerre d'Indochine vont à leur manière provoquer le désastre, alimenter un patriotisme meurtrier, profiter allégrement en espèces sonnantes et trébuchantes.
Un tel déballage de défaut moral, de bassesse et de compromission fait horriblement peur. Heureusement, il faut la plume acerbe, railleuse et caustique d'Eric Vuillard pour en rire quand même un peu : pour voir derrière les pontes, les titres et les médailles, toute la petitesse de ces gens ! Il faut une fougue dans l'écriture, une colère mesurée, une révolte intelligente, pour arriver à s'en remettre. Il faut tout le talent d'Eric Vuillard et sa soif de justice pour venger comme il se doit les millions de mort de la guerre d'Indochine.
Les dernières pages étaient sublimes : un constat effrayant et dévastateur qui vous remue les tripes de rage : entre une banque assoiffée d'argent tâché de sang, une France à bout de souffle après la seconde guerre mondiale, une armée composée de tirailleurs qui crèvent et d'une politique sans panache ni conviction.
En ces temps troublés où nous faisons aussi face à des bouffons en cravate, pétris d'idées désuètes et perdus pour la cause commune (mais pas pour celle du profit à tout prix), lire Eric Vuillard est salutaire ou déprimant – le monde n'a décidément pas changé !

C'est mon deuxième livre de cet auteur, et j'ai adoré une fois de plus. La construction est identique, il s'agit d'un zoom sur un période très courte de l'histoire récente, très bien documentée, et romancée (?) sur la base de dialogues très réalistes. C'est un réel bijou qui permet de lever le voile sur les calculs politiques sombres et cyniques. Effectivement, la bataille de DienBienPhu mérite cet éclairage lumineux.