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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est un gros pavé, 380 pages, au format à l'italienne (paysage), rempli de petites vignettes, beaucoup ne dépassent pas 3 x 3 cm, le texte est écrit très petit, le trait semble tracé au tire-ligne, les couleurs sont traités en aplats lisses aux couleurs naturelles, des gris, des bruns. le style est vieillot, ressemble au graphisme publicitaire des années 50/60. Les personnages sont assez laids.
L'histoire débute bizarrement, longtemps on déambule dans la vie de Jimmy Corrigan, et en parallèle, celle de son grand-père, sans trop savoir où cela nous mène. Les scènes se suivent comme des tranches de vies, anecdotiques, s'attachant à de petits détails futiles. L'écriture du récit ne prend pas de direction particulière, il semble improvisé, sans but préalable. Et le récit commence doucement à établir un semblant d'histoire, il faut quand même avoir lu 150 pages avant que les premières pièces du puzzle commence à s'assembler. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette bande dessinée, s'il n'avait pas eu autant d'éloges critiques, peut-être que je me serais découragé. On a l'impression d'une accumulation de petites saynètes à l'ambiance neutre, un peu glauque, sans beaucoup d'action, une description de la société américaine vue par un personnage immature, inadapté, dépressif et amorphe, une vie insipide, faite d'évènements sans importance. Et si on prend le temps, l'édifice commence à montrer sa silhouette, tel un jeu de Lego avec ses petites briques, le tout finit par être poignant, absurde et triste. Ce n'est qu'à la fin qu'on perçoit l'ampleur de cette oeuvre, touchante dans l'aspect “ordinaire de la vie”, l'histoire de famille rejoint l'Histoire du pays avec force et finesse, c'est une bande dessinée américaine qui nous parle des américains, sans idéalisme, sans forcer sur le spectaculaire, en toute humilité. C'est une bande dessinée qui sort de l'ordinaire, pas spécialement confortable, mais pour moi une lecture inattendue, surprenante, et au final, très marquante.
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Cette BD est un monument et je ne parle pas seulement de l'ampleur de l'ouvrage. Je pense que tout amateur de BD/romans graphiques qui se respecte doit lire au moins une fois Jimmy Corrigan.
Au delà de la narration propre, cette oeuvre explore et exploite la notion même de "bande" dessinée. La lecture n'est pas seulement linéaire, elle s'extrapole, s'"architecture" pour conduire à une narration multiple beaucoup plus riche et complexe que le classique 8/10 cases par planche. Certes, ce n'est, aujourd'hui, plus vraiment original mais Chris Ware a sans doute été un des premiers à explorer cette décomposition narrative.
Pour ce qui est de l'histoire, elle se déroule avant tout sur deux époques. Nous suivons tout d'abord Jimmy Corrigan, homme falot, insipide et naïf de 36 ans qui est soudain contacté par son père dont il n'avait jamais partagé la vie. Ce personnage est une sorte d'alter-ego à Chris Ware qui s'en sert pour combattre son propre vécu. Ces passages sont lents mais touchants, le personnage m'a agacée par sa bêtise et sa naïveté mais est très réussi et (trop) profondément humain.
Ensuite nous suivons l'enfance du grand père de Jimmy Corrigan, qui grandit pauvrement et tragiquement dans les années 1890. Ces passages sont simplement époustouflants. Je possède cette BD depuis sa sortie en français (mais ça ne fait que quelques jours que je l'ai ressortie du carton de déménagement où elle était enfermée depuis près de 10 ans...une histoire tragique) et je me souviens avoir relu plusieurs fois ces seuls chapitres. Je trouve admirable la justesse du récit et indescriptible la tristesse qui en émane.
Ce qui me fascine dans Jimmy Corrigan, c'est la façon dont cette BD forme un tout parfaitement cohérent et pourtant plein de silences.
Le nombre de cases où il ne passe absolument rien est énorme mais chaque élément forme une histoire forte, complète, touchante.
De même, les personnages sont continuellement en présence mais la plupart d'entre eux ne sont jamais visibles dans leur entièreté et leurs visages sont souvent dissimulés.
Le travail opéré par Chris Ware pour cette oeuvre est colossal et est une vraie réussite, c'est véritablement un chef d'oeuvre de la BD.
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On aimerait décrire ce livre comme Ware le dessine ! A la ligne claire et haut en couleurs. En petites cases, déconstruites, enchevêtrées, enfermées... comme pour mieux s'asphyxier. Cette bande dessinée de plusieurs centaines de pages à la force d'un grand livre. Avec nonchalance, on y suit Jimmy Corrigan, qui raconte et s'invente son existence, entremêlant son histoire personnelle et son histoire familiale, chutant de drame en drame... On s'attache à ce personnage qui se surprotège comme pour finir par mieux se livrer. Un livre étonnant auquel on s'accroche comme un roman. Un régal sur le fond et dans la forme. du grand art en tout cas.
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Contre toute attente, le livre s'ouvre sur une séquence verticale qui nous oblige d'emblée dans un effort contraint. Reliure en haut, la lecture est d'abord incommode avant de se rétablir par une pirouette silencieuse. Nous sommes entrés.
Auparavant la couverture, conçue comme un "packaging" commercial redondant et suranné, invite à quelques interprétations, puisqu'il n'y a à vrai dire pas de paratexte dans ce livre où tout est textuel, y compris son format investi comme le moindre de ses recoins minutieusement habités par leur auteur.
Des contraintes nécessaires, le lecteur devra en surmonter pléthore et rester attentif aux intentions qu'elles recèlent; car on ne pourra soupçonner Chris Ware de dilettantisme ou d'approximations. Ce n'est pas le genre du bonhomme, pas plus que son propos, et ce n'est probablement pas ce qu'il attend de son lecteur idéal (1), condamné à ne rien négliger de ce qui lui est montré de la façon la plus nette, pour être rébarbative, de la façon la plus subjective aussi.

Chris Ware fonde tout son récit sur sa forme même en saisissant la moindre opportunité rhétorique offerte par la mécanique de l'art séquentiel. Sous le saint-patronnage de Sir McCay notre maître à tous, et sous la contrainte d'une publication d'abord épisodique avant d'être refondue dans un moule intégral, Ware organise un ensemble de dispositifs narratifs sur une trame fragmentaire à la fois trop grave et trop triviale pour la bande-dessinée - selon les thuriféraires conservateurs du genre ou ses plus abscons matadors, du moins - le poids de la filiation, la faillite des pères, l'hérédité du malheur compensée, comme l'entend Debord, par les médiocrités ordinaires d'une société aux paysages rabattus.

L'auteur tourne en dérision le malentendu qui persiste à déligitimer son mode d'expression électif, et si tout semble justement naïf et dérisoire dans sa patiente mise en abîme, c'est bien pour désamorcer toute objection: Voilà longtemps que la bande dessinée s'est émancipée de son enfance inconséquente et frivole - Encore que ces banalités mêmes soient éminemment discutables - Elle est une forte branche sur l'arbre de la Littérature, une descendance de l'espèce Logos et de l'espèce Mimèsis, elle est à ce titre pourvoyeuse de rhétoriques singulières capables de restituer toutes les nuances de l'expérience humaine par le filtre d'une pensée consciente de ses moyens.
Voilà du moins ce que nous pouvons attendre de l'auteur idéal que nous scrutons dans chaque oeuvre narrative ou discursive. Voilà quel postulat se propose d'endosser Chris Ware fort de la pleine possession de ces moyens, en racontant l'histoire pathétique du garçon le plus futé sur terre - le titre fait déjà grincer l'ironie systémique qui prévaudra de la première à la dernière page de garde, la dérision s'immisce dans chacun des cartouches décoratifs qui émaillent les mises en scène, le connoté régente les formes claires et leurs couleurs aplaties, les typographies et les réclames de pacotille disent le jeu de dupe, les conventions, la médiocrité en haute définition.

Piégé sous cette focale infaillible et cruelle, Jimmy Corrigan ne se soustrait jamais totalement aux regards et aux jugements, son écrasant sentiment de culpabilité est étalé sur chaque page, sans point de fuite, son vide affectif décortiqué en diagrammes ou affiché en gros plans mélodramatiques, d'où ressort surtout un pathétique à ce point acharné que de la gêne colore la pitié qu'il nous inspire. Nous ne saurions être dupes de son humanité tant les opportunités d'identification ou de répulsions sont nombreuses, et le méprisons donc aussi en accumulant les exemples de sa médiocrité page après page. Nous serons parfaitement complices lorsque nous auront épuisé la dernière du livre.
Au centre de ce système panoptique Jimmy Corrigan apparaît comme un prototype du héro atavique.
La notion n'a pas encore son théorème et sa définition se déplace d'une discipline à l'autre, sourde à l'exclusivité d'un angle de vue particulier, si ce n'est celui que peut lui imposer un auteur. Mais il semble que ce soit bien l'atavisme qui irrigue les postulats adoptés par Chris Ware, si l'on veut bien s'entendre sur cette formulation:

"[L'atavisme] est la réapparition, dans un individu, de caractères positifs ou négatifs que ses parents directs n'avaient pas, mais que possédait un de ses ancêtres plus ou moins éloigné. C'est une force qui, à la manière d'un sénat conservateur, s'oppose au progrès, demande l'inamovibilité, le respect de la tradition, qui s'épouvante du nouveau et s'accroche au passé." (2)

Tel est le fardeau du pauvre Jimmy Corrigan, l'adulte interrompu, suspendu à la fiction d'un père en fugue, contrit par l'égotisme d'une mère invisible mais omniprésente, il est aussi le dernier produit d'une filiation catastrophique où les pères reproduisent leurs propres enfances brisées par l'absence chronique d'amour et de reconnaissance. Trois générations d'abandon accouchent d'un déterminisme généalogique qui ne laisse aucune marge de progrès au protagoniste, trop perclus dans sa terreur des autres, il est perdu à la cause du bonheur et n'en perçoit plus les signes avant-coureurs - Ou les repousse, tétanisé par les perspectives cavalières du changement - Ou simplement convaincu de son impossibilité. Au fond, Jimmy Corrigan ignore tout de la confiance et de l'affection. On ne les lui a pas apprises, personne ne lui en a jamais témoigné, jamais personne ne s'en est montré digne non plus. Son existence incompréhensible est une suite de déceptions, de frustrations, de mépris, d'injustices, de mensonges et de trahisons. Personne ne l'aime, il est absolument seul et ignorant, c'est un monstre de vacuité dans un monde de simulacres, privé d'enfance, castré dans sa maturité, un être avorté, qui ne s'en sortira pas.

Le lecteur idéal auquel s'adresse Chris Ware devra donc assimiler sa position de voyeur pour aborder les dernières pages avec sérénité, car le parcours est éprouvant et impose sa discipline compromettante. Si ce lecteur advient, et il semble plutôt masculin, il sera prié, démonstration à l'appui, d'accorder un peu plus de temps à ses enfants (Plutôt que de lire des bande-dessinées).

(1) À ce sujet: Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs et Apostille au Nom de la Rose, d'Umberto Eco.
(2) c.f. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1886_num_9_1_4862 - Extrait: M.Bordier, Géographies Médicales.
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J'étais totalement passé à côté de cette histoire partiellement autobiographique de Chris Ware, primée à Angoulême en 2003.

Ce récit, étalé sur quatre générations et entremêlant rêves, fantasmes et réalité, est assez difficile d'accès. Chris Ware prend tout son temps pour nous narrer l'histoire de la famille Corrigan, en se concentrant sur deux périodes en particulier. Il y a évidemment l'histoire de Jimmy, un homme étouffé par une mère omniprésente et possessive, un être mal dans sa peau, socialement isolé, d'une timidité maladive et sujet à des angoisses persistantes. Mais il y a aussi l'histoire bouleversante de l'enfance de son grand-père.

Construite sur base de petites tranches de vie finalement assez anodines, cette histoire d'une banalité exemplaire démontre les échecs générationnels de cette famille, incapable de bâtir des relations familiales normales de père en fils. Une histoire qui, à l'aide de quelques ellipses et d'une narration plus conventionnelle aurait sans doute pu être racontée en trois fois moins de pages, mais qui aurait du coup perdu une grande partie de sa force. Car malgré son côté hermétique et un début de lecture assez exigeant, l'humanisme touchant et l'audace narrative de cette oeuvre finissent par séduire.

Graphiquement, Chris Ware explose tous les codes du neuvième art : couverture dépliante, format à l'italienne, conseils de lecture, sens de lecture variable, découpage original, cases minuscules, schématisations généalogiques, pictogrammes, interludes sous forme de jeux, de découpage et d'assemblage … l'utilisation du médium est poussé à son extrême et demande un effort considérable de la part du lecteur. La multiplication de petites cases qui s'attardent sur des non-événements étire le récit et contribue à son rythme de lecture volontairement lent. le temps semble ainsi peser sur les personnages, accentuant ainsi leur malaise et permettant à l'auteur d'utiliser les non-dits à la perfection. le dessin minimaliste, fort géométrique et du type ligne claire est pourtant assez classique, mais mis au service de cette narration surprenante, il se révèle finalement d'une efficacité incroyable.

Un chef-d'oeuvre !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
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Cet album est un OBNI, un Objet BDesque Non Identifié. D'abord par le format, 380 pages à l'italienne. « Un test audacieux de la patience du lecteur, déguisé en romance illustrée aux couleurs gaies ou de toutes petites images semblent s'animer, danser chanter et pleurer. », nous prévient la couverture. Ensuite, par le contenu, truffé de surprises, fausses publicités, planches dans un sens puis dans un autre, mobiles à découper… Enfin, par l'histoire, une saga, où Jimmy Corrigan, 40 ans, part à la recherche de son père, découvrant du même coup d'autres membres de sa famille, et se replongeant dans son passé. Son quotidien dans lequel il ne se passe pas grand-chose est coloré de ses fantasmes et de ses rêves ; puis la réalité l'emporte, car cette rencontre familiale va tout changer. le graphisme est remarquable. Cet album a d'ailleurs reçu le prix du meilleur album au festival d'Angoulême de 2003. le Time écrivait : « En récompense de vos efforts, ce livre obsédant changera pour longtemps votre regard sur le monde. » Je confirme.

Sophielit
http://blog.elle.fr/sophielit/
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Chris Ware a créé une oeuvre monumentale et unique, en perpétuel devenir depuis 1990. L'auteur revient sans cesse à l'exploration d'une enfance empreinte de tristesse, de violence, de non-dits et d'émotions, magnifiquement rendues par des planches d'une beauté formelle et narrative remarquables. le livre est à lui seul un objet artistique et s'il faut parfois s'équiper d'une loupe, c'est pour mieux sonder l'Amérique dans le sombre de la société de consommation. Reste le rêve et l'imaginaire qui sauvent !
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petit papa
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La première bd que j'ai pu lire récemment. Formidable. Tout d'abord une histoire touchante, un personnage principal assez absurde mais finalement attachant, puis un format étonnant, des pubs, des maquettes, de minuscules cases... Une bande dessinée bien originale qui m'a donné l'envie d'approfondir le genre et m'a fait découvrir un autre mode de lecture tout aussi prenant que la littérature.
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Graphiquement ultra riche
Narrativement novateur
Esthétiquement complexe

Logique donc que la majorité des amateurs de BD considère Chris Ware, l'auteur culte du combic book "Acme Novelty Library", comme un des dessinateurs contemporains les plus
importants.
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