AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,27

sur 55 notes
5
15 avis
4
7 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avant d'être abominables, les nazis se montrèrent d'abord grotesques, puis absurdes. C'est le crescendo suffocant dans lequel la plume de l'écrivain tchécoslovaque Jiri Weil (1900-1959) nous enserre lors de la lecture de Mendelssohn est sur le toit, un roman dont les péripéties se situent à Prague pendant la Seconde Guerre mondiale, plus précisément entre 1941 et 1943.

Lorsqu'en septembre 1941, Reinhard Heydrich est nommé par Hitler à la tête du Protectorat de Bohème-Moravie (grosso modo la République tchèque actuelle), il est aussi depuis plusieurs années responsable de l'appareil répressif du Reich. C'est à ce titre qu'il est investi de la mission de mettre au point une solution finale à la question juive en Europe. Prague constituera donc un terrain d'expérimentation pour cet homme de trente-huit ans à l'insensibilité et à la cruauté sans pareil. Il y fera régner la terreur, il y engagera un processus méthodique d'arrestation des Juifs et leur déportation vers un ghetto créé de toutes pièces dans la petite ville-forte de Theresienstadt (Terezin), avec à la clé le pillage systématique de leurs biens. Une étape avant l'extermination à Auschwitz de soixante-dix-sept mille d'entre eux. Sa mort en mai 1942, consécutive à un attentat commis par des résistants tchèques, sera suivie de représailles féroces et ne ralentira pas le processus enclenché.

Mais tout commence par le grotesque, je l'ai dit. Alors, rions un instant, ça ne durera pas.

La plus prestigieuse salle de concert de Prague vient d'être reconvertie en Maison de l'Art allemand. le toit est orné de statues de compositeurs célèbres, dont celle de Félix Mendelssohn, d'origine juive. Une erreur insupportable pour Heydrich, qui ne manque pas de culture musicale et qui donne l'ordre de la faire disparaître sur le champ. Mais aucun nom ne figure sur les statues. Incapables d'identifier Mendelssohn, les cadres SS et leurs ouvriers tchèques font fonctionner leurs méninges : un musicien juif ? C'est forcément celui qui a le plus grand nez… Fausse bonne idée, dont les conséquences auraient pu être « terribles » : ils ont été sur le point de déboulonner la statue de Richard Wagner, un compositeur vénéré par les dignitaires du Reich, qui le tenaient pour un précurseur.

L'écrivain tchécoslovaque juif Jiri Weil avait échappé à la déportation et survécu à l'occupation nazie en entrant dans la clandestinité. Il voulait écrire une oeuvre mémorielle qui ne soit pas une chronique historique de plus. Il mit vingt ans à concevoir et élaborer Mendelssohn est sur le toit, une narration romanesque inspirée d'événements tragiques ou cocasses dont il avait été le témoin direct ou indirect.

Il montre des officiers nazis dont le comportement de bureaucrate courtois et zélé dissimule mal l'idéologie, le mépris pour les « sous-hommes » et le destin qu'ils leur réservent, déléguant l'ultra-violence à la Gestapo et à leurs subordonnés. Tous font mine d'ignorer les rumeurs de difficultés en provenance du front de l'Est, mais se pressent de se remplir les poches, s'octroyant même avec cynisme la collaboration de Juifs auxquels ils font miroiter un sort clément pour leurs familles. Mensonge, bien sûr, solution finale oblige. Et pas question de laisser en vie des témoins de leurs turpitudes ! Certains parlent en riant de « Juifs qui s'envolent par la cheminée ».

Parmi les Tchèques, juifs ou pas, on trouve, comme dans la plupart des pays occupés, des gens qui cherchent à survivre, en collaborant, en se rendant invisibles ou en redonnant un sens à leur vie par la lutte et l'entraide. Je m'interroge sur les administrateurs de la Communauté : comment ont-ils pu supporter leur terrible rôle en porte-à-faux ? Je n'en dirai pas plus sur les Juifs de Prague. Il y a plus de leçons à tirer de l'observation des bourreaux que de celle des victimes. Juste une pensée pour les imprécations lancées par les pendus de Terezin et pour les chansonnettes des petites filles tabassées à mort dans les dernières pages : déchirant.

Jiri Weil met en opposition les splendeurs intactes de Prague, ses statues, ses pierres et la désagrégation physique et morale de sa population. Mais lorsqu'à la fin des années cinquante, il voulut publier son Mendelssohn, il se heurta à la censure tchécoslovaque, au prétexte que l'action des communistes dans la Résistance n'était pas assez mise en valeur. La leçon ne suffisait pas.
Commenter  J’apprécie          576
Prague, 1942. La Tchécoslovaquie est un Protectorat nazi, le Protecteur, Reinhard Heydrich, promoteur de la Solution Finale règne. Contrairement aux brutes incultes de la Gestapo et des SS, Heydrich est cultivé et apprécie la musique. La présence de la statue de Mendelssohn sur le toit de l'opéra de la ville lui est intolérable, il faut la déboulonner d'urgence.

C'est à Prague que fut créé le Don Giovanni de Mozart le 29 Octobre 1787 et il est bien question de statue. La statue du Commandeur interviendra-t-elle? Il sera souvent question de statues dans le roman de Jiri Weil, statue de la Justice qui indisposera la responsable du magasin-entrepôt des biens des Juifs spoliés, statue d'un ange contenant un cochon du marché noir...

Burlesque comique des statues dans un contexte de tragédie. Malgré la situation de l'occupation, malgré la menace pesante de la déportation vers l'Est, on sourit et même on rit quand les ignorants commencent à déboulonner Wagner (puisque c'est celui qui a le plus long nez, caractéristique du Juif dans l'imaginaire populaire), comique amer quand on demande au rabbin d'identifier Mendelssohn, alors que les images sculptées sont interdite dans sa vision rigoriste de la religion et qu'à son idée le compositeur baptisé n'est même pas juif!

L'épisode de la statue met en évidence la brutalité, la bêtise des occupants et des collaborateurs., la terreur que Heydrich fait régner. Mais cet épisode n'est que l'ouverture du roman qui raconte aussi les prémisses de la Solution Finale avec Theresienstadt - la ville-forteresse où sont enfermés les Juifs tchèques en attente d'une déportation dans les camps d'extermination. Jiri Weil met en scène différents personnages, des Juifs menacés, ou qui se cachent,  des collaborateurs, des résistants, des braves types envoyés en Allemagne...Personnages dérisoires à côté du destin, souvent sympathiques, toujours émouvants. 

Jiri Weil raconte l'attentat dont Heydrich a été victime, vengeance de la statue du Commandeur. Il raconte aussi le Musée juif rassemblant les objets de culte pillés dans les synagogues. C'est dans ce musée que l'auteur a passé la guerre et a réussi à échapper à la déportation. Commencé à la fin de la Guerre, le roman a subi la censure et certains épisodes ont été remplacés par d'autres plus conformes à l'idéologie communiste en insistant davantage sur le rôle de l'Armée Rouge et de la résistance. Cette nouvelle édition du nouvel Attila présente un chapitre censuré pour notre plus grand plaisir.
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
Commenter  J’apprécie          170
Prague, seconde guerre mondiale, le ghetto juif, y vivre, y survivre , y mourir...

Tout commence par ce qui devrait être un non-évènement et ressemble à une blague, détruire la statue de Mendelssohn, musicien juif, qui orne le toit d'un lieu de concert, une blague car ceux en charge du travail ne savent pas qui est ce musicien et quelle statue ils doivent faire tomber!

C'est pourtant très important pour les responsables Allemands, installés à Prague et par ricochet pour toute la chaine de responsables qui découle de la mise en place du système nazi. Système hyper efficace qui tient tous les juifs par la barbichette. Quand sa vie ou celle des siens est en cause, chacun compose avec le mal pour tenir encore un peu, quitte à y perdre une partie de son âme comme certains des protagonistes.

Peu à peu, passant de la statue à déboulonner au ghetto, traversant la ville de Prague et rappelant ce que fut cette ville, on voit la force de la violence dans la déshumanisation des juifs et le mépris pour les Tchèques. Au travers de quelques mots, de quelques comportements semés le long du récit on voit aussi se mettre en place une défaite qui hante, malgré le discours officiel, les nuits des soldats allemands.

Ce roman est particulièrement réussi dans sa description de la vie sous l'occupation et tout particulièrement du ghetto juif. Ce n'est sans doute pas le roman le plus émouvant que j'ai lu sur le sujet mais il a sa touche personnelle qui le distingue des autres, je trouve
Lien : http://theetlivres.eklablog...
Commenter  J’apprécie          120
Athalie A les lire m'avait rappelé ce livre dont je ne connaissais que le nom,et vaguement cette notion d'humour tchèque déjà rencontré chez Bohumil Hrabal et chez certains cinéastes.Jiri Weil,juif tchèque,sait ce dont il parle:les prémices de l'horreur,déjà une horreur en soi.Si le ridicule avait tué le monde aurait échappé à bien des carnages.Car c'est avec le sens de l'absurde et un humour solide que Jiri Weil nous balade dans la Prague de 1942.L'épisode historique est connu, notamment grâce aux films de Fritz Lang, Les bourreaux meurent aussi, et de Douglas Sirk, Hitler's madman. Heydrich, sympathique Reichsprotector adjoint en Bohème-Moravie,est assassiné et c'est un enchaînement de répressions qui s'abat sur la Tchécoslovaquie. Attention,Heydrich n'était pas un second couteau,fût-il long. Ses ambitions étaient grandes et il fut l'un des plus méthodiques instigateurs de la Shoah.La mort de Heydrich n'est qu'un catalyseur dans Mendelssohn est sur le toit.L'important du roman est ailleurs.

Deux modestes fonctionnaires sont réquisitionnés pour enlever la statue de Mendelssohn du toit du Palais des Arts.On ne va quand même pas laisser ce compositeur d'origine juive parader dans la nouvelle Prague.Seul souci,aucun nom marqué,comment reconnaître l'auteur du Songe d'une nuit d'été? Au nez,pardi! Oui mais le nez le plus sémite,sur ce foutu toit,semble être celui de Wagner.Je vous laisse imaginer la théorie des dominos pour trouver un responsable et c'est toute la grandeur de l'écrivain Jiri Weil de nous donner à voir par le petit bout de la lorgnette les facultés d'adaptation de tout ce petit monde pour,un,ne pas trop se faire repérer,deux,sauver sa peau,objectif somme toute relativement compréhensible.

Donc,et Athalie le note très justement,pas forcément de grandes bassesses chez tous ces gens,mais des faiblesses,des accommodements. Et nous,qu'aurions-nous fait? Ballade du dérisoire et de l'absurde,à la lisière de la tragédie imminente et toute proche,à Theresienstadt par exemple,où mourut Desnos ("Je pense à toi Robert qui partis de Compiègne" *), Mendelssohn est sur le toit jongle avec la drôlerie pour mieux désespérer.A Prague pour cela on en connait un rayon, de Franz Kafka au brave soldat Chveik,en passant par Ian Palach en ce printemps raté de 68.

http://aleslire.hautetfort.com/archive/2013/07/06/mendelson-est-sur-le-toit-jiri-weil.html
Commenter  J’apprécie          101
Dans ce roman choral qui va nous mener tout au long de la guerre, on accompagne tout aussi bien les Allemands, menés par Heidrich jusqu'à son assassinat et les représailles qui suivirent, que les Tchèques, y compris la population juive, avec bien sûr, les orthodoxes et les assimilés. du côté des oppresseurs, la rigidité, l'avidité se cachant derrière la soi-disant culture raffinée, l'imbécillité soumise et vengeresse. du côté des occupés, on partage les doutes et les angoisses des sous-fifres qui n'ont guère d'autre choix que d'obéir, ceux qui collaborent petitement ou pleinement, ceux qui pratiquent un marché noir généreux ou spéculatif, ceux qui se cachent, ceux qui résistent, à leur façon grande ou petite. Tous essayant de capter un dernier éclat de vie.

On débute sur un mode assez loufoque, où Jiri Weil se moque des Allemands : les choses débute on peut encore y croire, ne pas les prendre trop au sérieux, et tenter de rire. Mais peu à peu la solution finale prend sa vitesse de croisière, les convois partent pour Theresienstadt, puis pour plus loin, les poches des Allemand se remplissent des biens spoliés, leur ventre se remplit alors que d'autres agonisent. La peur saisit chacun au tréfonds de lui-même, et le lecteur avec. Certes les condamnés à la pendaison crient "Vous ne gagnerez pas la guerre" mais cela ne masque qu'un instant la torture, l'arrachement familial, les violences et les déportations, le froid, la faim...

On suit les personnages, on les abandonne pour passer à d'autres, on les retrouve, les destins se croisent et se séparent, dans un récit qui maitrise tout aussi bien l' aspect humain et émotionnel que la transmission historique.
Mêlant habilement, en bon tchèque qu'il est humour grinçant et sens du tragique, Jiri Weil propose au fil des mois qui passent et des deuils qui s'accumulent un portrait tout en nuance et en complexité d'un peuple écrasé par ses bourreaux.

Nous, lecteurs, savons la fin, et si eux y croyaient férocement, ils ont vécu cet espoir dans l'immensité de l'horreur vécue au jour le jour.
Commenter  J’apprécie          70
Qu'y a-t-il de plus insultant pour la vue que la statue d'un compositeur juif sur le toit de l'Académie de musique de la ville de Prague, alors aux mains des nazis ?
Rien. Enfin, quand on est Reinhard Heydrich, honnête Protecteur SS à qui l'on doit la « solution finale », il n'y a rien de pire.
Alors comment reconnaître un compositeur juif parmi des statues qui ne portent pas de plaque ?
A la taille du nez. Enfin, quand on est un petit fonctionnaire tchèque chargé de la purification de la ville et de la surveillance du camp-ghetto de Terezín on croit pouvoir le reconnaître à la taille de son nez.

Cette affaire méritera bien de déranger la moitié de la ville, la Gestapo, les Waffen-SS et de recourir à un Juif savant. S'il en est un bien sûr. On saura ensuite envoyer les uns au front pour les punir de leur insolence, déposséder les autres, les rosser, les faire passer, au détour d'un agréable convoi, d'un ghetto si charmant à l'Est où l'on préfèrera taire ce qu'il s'y passe vraiment.

Dit comme ça, ça parait totalement absurde hein ? Et pourtant. C'est bien le cadre du récit témoignage de Jiří Weil, survivant de la Shoah qui a souhaité, explique-t-il dans une préface inachevée « narrer ce petit évènement presque oublié, à première vue insignifiant, mais qui me semblait propre à illustrer l'arbitraire sanglant des pillards et assassins, à rendre témoignage de ces jours d'humiliation et d'espoir. »
Mission accomplie monsieur Weil.

Le roman est précédé d'un autre récit de l'auteur « Complainte pour 77297 victimes » qui recense quelques faits divers et illustrations de l'application de la loi martiale et autres décrets anti-juifs. Mise dans l'ambiance glaçante immédiate. Coup de massue… je pensais savoir… c'est pire encore. Encore une absurdité que de voir dans un livre aussi beau des histoires aussi atroces.

Alors, comme le dirait un soldat SS hurlant un ordre (nous ne sommes plus à une absurdité près) : il faut lire ce livre pour ne jamais oublier, « ou sinon… »
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          40
Jiri Weil a connu de près l'occupation de la Tchécoslovaquie par les Nazis, étant employé du Musée juif de Prague, constitué essentiellement d'effets pris aux Juifs avant leur internement et leur déportation vers les pays de l'Est. Ce roman est donc constitué d'événements réels et si le titre, Mendelssohn est sur le toit, semble farfelu, de la désespérance et de la tristesse parcourent ces pages. De voir tous ces citoyens Juifs qui se sont pliés et ont obéi à des ordres immondes, se déplaçant, leurs valises à la main, vers des trains les emmenant à l'abattoir, en file sage, avec une impuissante fatalité, nous révoltera encore et toujours. Et même si l'infâme Reinhard Heydrich, le cerveau de la solution finale, plane sur ce livre, l'espoir y a aussi sa place.
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (175) Voir plus



Quiz Voir plus

C'est la guerre !

Complétez le titre de cette pièce de Jean Giraudoux : La Guerre ... n'aura pas lieu

de Corée
de Troie
des sexes
des mondes

8 questions
1125 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , batailles , armeeCréer un quiz sur ce livre

{* *}