L'hyperconnecté, déconnecté.
Alissa Wenz nous fait entrer dans la vie d'un hacker, l'homme que les journaux avaient appelé le hacker sans-abri.
C'est Véra Keller qui enquête sur sa mort. Elle nous happe dans une enquête qui ne peut pas être chronologique, pour cet homme hors monde réel.
Après la lecture d'une cinquantaine de pages, ces quelques lignes définissent parfaitement Adrian Lamo :
« Il n'acceptait jamais d'argent. Il ne cherchait pas l'argent, il vivait sans dépenses, il ne possédait rien, il ne souhaitait rien posséder. Il ne cherchait pas à être riche, il cherchait seulement à être heureux, ou en cohérence avec lui-même, quelque chose comme cela. »
Nous nous immergeons dans un monde qui ne peut nous être familier.
En connexion totale avec le monde de l'ombre sur son ordinateur, Adrian déjoue les sécurités du New York Times, ce qui va lui valoir presque trois ans de mise à l'épreuve, avec bracelet électronique et sans accès à Internet, chez ses parents. Une période qui va accélérer sa descente aux enfers, redoubler ses angoisses, accentuer sa solitude viscérale et sidérale.
L'auteur arrive parfaitement à nous le faire ressentir de façon charnelle.
Ses parents l'entourent, le soutiennent, payent les énormes sommes de sa condamnation mais rien n'arrive à l'atteindre et l'extirper de ce puits sans fond qu'est sa vie.
Il est inadapté, angoissé à mort, incapable d'assumer les gestes de la vie quotidienne, il a besoin d'une camisole chimique pour se supporter et avancer dans ce monde qui est violent.
Il a rencontré sur la toile Bradley Manning, celui qui a fourni à Wikileaks, les informations sur les bavures de l'armée américaine en Irak, en piratant des documents classés secret-défense.
C'est Adrian qui livrera son nom.
Les échanges entre eux démontrent qu'ils sont l'un et l'autre dans une immense solitude, pour des raisons différentes.
Adrian a un besoin d'être dans la lumière et c'est ce qui le perdra, les causes de sa mort restent « indéterminées ».
C'est une lecture-expérience, pénétrer ce monde étrange qui va jusqu'à cette fatalité inexorable.
Adrian Lamo, ni enfant, ni homme, a un parfum étrange de décomposition de son vivant.
Une lecture troublante et déstructurée comme son personnage.
Livre sélectionné pour le Prix Orange 2022, lu dans le cadre du Club des Ambassadeurs.
Je remercie Françoise Fernandes pour cette lecture.
©Chantal Lafon
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