Malgré l'actualité souvent inquiétante, force est pourtant de constater qu'il y a aujourd'hui de moins en moins de morts dues aux famines ou aux guerres. Il y a de moins en moins d'épidémies. On a de moins en moins de risque d'être assassiné, et de moins en moins de violence en général. Dans notre pays, par exemple, le taux d'homicides a diminué de moitié ces vingt dernières années. Mais comme, parallèlement, on dispose de beaucoup plus d'informations sur les cas de violence, on a l'impression qu'elle ne fait qu'augmenter. Vouloir comprendre notre monde en regardant les actualités revient à vouloir comprendre Paris en visitant le service des urgences d'un de ses hôpitaux.
Notre esprit est comme une forêt. Quand nous y ajoutons une information, nous plantons un arbre qui pousse et accroît la masse de végétaux. Ces arbres sont des neurones imprégnés d'informations. Par exemple, l'association entre le nom d'Elodie, son visage et son numéro de téléphone, c'est un arbre. Mais il y a plusieurs chemins pour le rejoindre, l'un d'entre eux peut être son parfum, sa voix, ou même un paysage (...).
C'est donc la qualité des chemins qui vont faire que vous avez accès aux arbres-neurones ou non... Ce sont ces chemins plus ou moins profonds, plus ou moins larges dans la forêt qui vont faire que vous pouvez retrouver l'information. Quand l'information n'est pas indispensable, le chemin à peine tracé et disparaît, l'arbre ne pousse pas et finit par dépérir. On ne fixe pas le souvenir.
(...) Croyez-moi, aucune information de notre cerveau ne disparaît complètement. Certaines graines plantées ne poussent pas, certains arbres ne gran dissent plus, mais tout reste. Simplement, le chemin qui y mène, s'il n'est pas utilisé, devient de plus en plus difficile à emprunter.
C'est l'enjeu de notre génération: nous sommes coincés entre les dangers de l'intelligence artificielle et ceux de la betise naturelle.
Je viens de comprendre que le plaisir est relatif. Il consiste parfois dans la cessation de la douleur Plus la douleur est forte, plus son arrêt va procurer un sentiment de ravissement. Et une longue période d'inconfort suivie d'un plaisir simple peut s'avérer un grand moment d'extase.
En fait, si on ne leur bourre pas le crâne avec la pagande nationaliste ou la religion, la plupart des gens souhaitent plutôt du bien à leur prochain. Les élèves sont surpris par cette réflexion. (...) Mais voilà, il y a eu des guerres. Et les plus grands tueurs se sont mis à avoir un statut de héros, on leur attribuait des médailles. Les historiens du cóté des vainqueurs inventaient ensuite un scénario crédible pour faire passer auprès du public et de la postérité l'idée que ces crimes étaient légitimes et nécessaires.
(...) Mais ce n'est pas le pire. Souvent, ces méme historiens aux ordres de leurs puissants commanditaires inversaient les rôles et faisaient croire que les victimes étaient les bourreaux et inversement.
Pour la plupart des humains, ce qui est de l'ordre de la croyance est plus important que ce qui est de l'ordre de la vérité.
Tout ce qui est nouveau paraît au début ridicule, avant d'être considéré comme dangereux, pour enfin devenir une évidence.
Le passé est source de regrets, le futur, source d'angoisse. Je rêve d'inventer l'homme qui serait, comme les animaux, juste dans l'instant immédiat.
Dans un monde où les gens sont habitués à entendre des mensonges, la vérité a l'air suspecte. Mais à force d'insister, ils peuvent finir par avoir envie de réfléchir. Je veux leur apprendre à ne pas être des fainéants de la pensée. Qu'ils parviennent à se faire une opinion par eux-mêmes.
René avait retenu que ce qu'on connaît du passé ce n'est qu'une caricature de propagande répandue par les historiens pour faire plaisir à leur puissant commanditaire. Et après cette conversation édifiante sur Marignan, René avait spontanément créé son fichier de texte "Mnemos", livrant la vraie version peu connue d'évènements historiques qu'il ne voulait surtout pas oublier.