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Jouer au chat et à la fourmi

Interview : Bernard Werber à propos de La Planète des chats


Article publié le 27/11/2020 par Adélaïde Bauchet

 

L’imagination débordante de Bernard Werber ne connaît décidément pas de limites. Après avoir notamment livré une série de thrillers dont les héros sont des fourmis, l’auteur vient de conclure une trilogie consacrée aux chats, avec La Planète des chats. On y découvre avec amusement les tribulations de la chatte Bastet qui veut régner dans un monde où l’humain n’est plus roi. Bernard Werber a répondu aux questions des lecteurs Babelio à propos de ce dernier tome, paru aux éditions Albin Michel le 30 septembre 2020. 

 

 Merci à gruz et Anis0206 pour leurs questions ! 

 


 

La Planète des chats clôt une série de trois tomes, après Demain les chats et Sa majesté des chats. Comment avez-vous travaillé cette trilogie ? Aviez-vous un plan d’écriture dès le départ, et une idée nette de la construction de ce récit ?

 

Non, je n’avais pas prévu de faire une trilogie. A l’origine, je voulais faire un livre unitaire. Ce n’est qu’après, quand le livre a été terminé, que les lecteurs m’ont demandé la suite. Je me suis demandé s’il y aurait assez de matière pour écrire une suite cohérente. Etant donné que le premier volume était cantonné à Paris, et le deuxième en France, il y avait la possibilité d’aller plus loin encore pour ce troisième tome. C’était d’ailleurs le cas pour Les Fourmis, qui n’était qu’un seul tome à l’origine. Désormais, je pense unitaire, et ce sont les lecteurs qui me disent s’ils veulent que je continue. 


Pourquoi avoir choisi les chats pour “sauver l’humanité” dans ces trois tomes ? Était-ce une manière de réhabiliter ces félins ?

 

Je ne pense pas qu’il y ait besoin de réhabiliter les chats, dans la mesure où c’est déjà l’animal de compagnie préféré des Français : il y a quatorze millions de chats contre huit millions de chiens ! J’ai choisi le chat car c’est un animal mystérieux : toute personne qui a un chat se demande sans cesse ce qu’il pense, car l’on a l’impression qu’ils ont une logique propre, qui ne ressemble pas à la nôtre. Autant le chien est compréhensible, autant le chat est incompréhensible. En cela, c’est une excellente matière romanesque. Dans mon roman, le récit est à la première personne du singulier, raconté par un chat, ce qui m’a permis d’imaginer une pensée cohérente non humaine qui soit en même temps dans le décor où vivent les humains. 

Le nom de l’héroïne du livre, Bastet, fait directement référence à une déesse égyptienne. Dans votre livre, c’est une guerrière et une esthète qui lutte contre les rats et ne comprend plus l’humanité. Pourquoi avoir choisi de vous appuyer sur une référence historique et religieuse pour ce personnage ?

 

Il n’y a eu, dans la culture qui a mené à la nôtre, qu’une seule période où les chats ont été honorés comme des divinités, c’est l’Egypte ancienne. C’est une époque du culte de la déesse Bastet, représentée sous les traits d’une femme à tête de chat, qui est déesse de la fécondité, mais aussi de la colère, du couple, des cultures… Dès le moment où ma chatte, qui s’appelle Bastet, comprend que son nom est lié à celui d’une déesse chatte, elle a un objectif de vie qui est de remettre en vigueur le culte des chats. Quand j’écris mes romans, pour chaque personnage je définis son objectif de vie. Pour Bastet, l’objectif de vie est de replacer les chats à leur place, et elle-même à la place qui lui semble légitime, à savoir déesse des hommes et déesse des chats. 

Qu’est-ce qui fait que nous sommes fascinés par les chats, selon vous ? En quoi sont-ils plus mystérieux que les chiens, par exemple ?

 

Les chats perçoivent beaucoup plus d’informations que nous : ils ont une meilleure audition, une meilleure vision, ils détectent des mouvements. Sensoriellement, ils sont donc beaucoup mieux équipés que nous. Le deuxième élément est qu’ils dorment beaucoup plus que nous : nous passons un tiers de notre journée à dormir, tandis que le chat dort la moitié de la journée. Le fait qu’ils soient des animaux liés à la nuit et qu’ils perçoivent plus de choses laisse à penser qu’ils ont une pensée complexe. Durant leur sommeil, leur phase de sommeil paradoxale (c’est-à-dire la phase du sommeil où l’on rêve) est beaucoup plus longue que la nôtre. Parfois l’on peut voir que leurs yeux bougent sous leurs paupières, comme s’ils vivaient des scènes et ils miment des chasses, ce qui révèle qu’ils ont une vie intérieure même nocturne. 

 

 

Derrière le divertissement, il y a aussi une vision assez sombre de l'humanité. La clé du salut est-elle vraiment la communication, pour vous ? 

 

Oui, je crois qu’actuellement, on vit la malédiction de la Tour de Babel : les humains sont en conflit parce qu’ils ne parlent pas la même langue. En fait, je dirais qu’ils prennent chacun les mêmes mots sans leur donner le même sens. Prenons le mot "amour" par exemple : il ne dit pas du tout la même chose dans différentes langues ; la notion de paix n’a pas le même sens non plus. De fait, au nom de la paix et de l’amour, certains font la guerre ; au nom de Dieu, il y en a qui tuent. Ce sont normalement des notions de fraternité, mais le vocabulaire a été détourné pour leur faire dire le contraire. Si bien qu’il en résulte un grand brouhaha, que plus personne ne se comprend, et que règne la volonté de détruire tout ce qui peut être différent de nous. 

Ma chatte Bastet a compris que la clé était dans la communication et que dès le moment où les êtres communiqueront mieux, ils auront moins envie de se détruire. Mais la communication est aussi communication avec les autres espèces animales et avec la planète. L’humanité au contraire est dans une forme d’égocentrisme d’espèce, ne communique plus avec les autres animaux, elle détruit forêts et océans, sans se soucier du fait que les animaux qui y ont leur milieu de vie sont en train de mourir. 


Après nous avoir enchanté avec les fourmis, la troisième humanité, les Dieux et les chats dernièrement, quelle sera "l'espèce" prochaine qui pourra faire l'objet d'une nouvelle saga ?

 

Pour le moment, je suis sur une suite de La Boîte de Pandore, puisque ça me l’a été réclamé. C’est centré sur l’humain à travers le temps. Il me semble que notre espèce est en train d’évoluer, comme si l’animal lui-même bougeait : de singes, on se transforme en êtres spirituels, et c’est ce qui me fascine. Les animaux parlent toujours de la place de l’homme. 

Quels sont vos auteurs de science-fiction préférés et qui vous ont donné envie d'écrire dans ce genre littéraire ?

 

Trois auteurs m’ont formé : Isaac Asimov avec le cycle de Fondation ; Frank Herbertavec Le cycle de Dune ; Philip K. Dick avec son œuvre et spécialement ses nouvelles. Ce sont mes trois “papas spirituels”, à qui je dois le concept d’audace, c’est-à-dire l’envie de sortir des sentiers battus, et de faire différent de ce qui existe. 


Bernard Werber à propos de ses lectures

 


Quel est le livre qui vous a donné envie d'écrire ?

 

Fondation d'Isaac Asimov.

 

Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

 

Fondationd'Isaac Asimov

 

Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

 

La Guerre des boutons de Louis Pergaud.

 

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

 

Le Tao Te King de Lao Tseu

 

Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

 

Du côté de chez Swann de Proust .

 

Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

 

Là où les esprits ne dorment jamais de Jonathan Werber : ce n’est pas seulement parce que c’est mon fils, même si c’est vrai que cela reste mon choix ! Mais il s’agit vraiment d’un livre méconnu qui mérite d’être connu. 

 

Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

 

L’Amant de Marguerite Duras et Voyage au bout de la nuit de Céline.


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

 

Je ne me souviens plus de l’auteur qui a dit : “En principe c’est automatique, mais si on veut vraiment que ça marche, il faut appuyer sur le bouton.” Je ne me souviens plus où je l’ai lue, c’est peut-être moi qui l’ai trouvée. Je la signe donc !  

 

Et en ce moment, que lisez-vous ?

 

Mamie Luger de Benoît Philippon

 

 Découvrez La Planète des chats de Bernard Werber publié aux éditions Albin Michel.


 

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