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3,57

sur 481 notes
Au début c'est vrai, j'ai eu un peu de mal.
Du mal à suivre le rythme effréné de Colson Whitehead et de son étonnante "visite guidée" à travers New-York, cette fourmilière démente qui l'a vu grandir et dont il semble connaître les moindres recoins (même - et surtout ! - les moins clinquants).
Du mal à m'orienter dans ce dédale bouillonnant, du mal à faire le lien entre les personnages et leurs divers trafics.
Du mal enfin à m'acclimater à un style singulier, vif et imagé, où abondent les noms propres, les références aux rues et quartiers de la ville, aux figures notoires des années 1960, ou encore aux différents modèles de canapés Airform, de tables basses Collins-Hathaway et autres luminaires Silver proposés par Ray Carney dans son magasin d'ameublement.
Au début donc, ça surprend ; on se demande si l'ouvrage qu'on tient dans les mains est l'oeuvre d'un romancier deux fois récompensé du prix Pulitzer, ou bien le dernier catalogue Ikea.

Et puis très vite, on s'y fait !
En quelques chapitres, j'ai levé mes réserves initiales, j'ai accepté de me perdre dans cette ville immense, d'entendre ses râles et son bourdonnement, de voir son coeur pulser, de me laisser guider entre "uptown" et "downtown", d'arpenter de long en large les trottoirs de la 125ème rue et de pousser la porte du fameux magasin de meubles puisque c'est là, dans cette modeste boutique d'allure respectable, que se trame la plupart des affaires louches qui constituent l'essentiel du roman.
En trois temps (1959, 1961, 1964) et autant de grands chapitres, nous assistons en effet à trois coups fumeux impliquant Ray et son cousin Freddie, ainsi qu'à une myriade d'arnaques et d'embrouilles périphériques ourdies tantôt par des petits malfrats, tantôt par de plus gros truands. Sous la plume particulièrement vivante de Colson Whitehead (qui n'hésite pas à "soulever les rochers pour voir ce qui grouille en dessous"), loin des gratte-ciels emblématiques et des hôtels de luxe, New-York se révèle alors tumultueuse, crasseuse et délabrée, livrée aux junkies et à la corruption, rongée par les inégalités et les discriminations raciales...
Dans ce contexte difficile, rien d'étonnant à ce que même les travailleurs prétendument "honnêtes" tels que notre vendeur de fauteuils se voient un jour ou l'autre tentés par l'appât du gain et les combines douteuses ! Il est Noir peut-être, mais lui aussi veut sa part du rêve américain, lui aussi a une femme, des enfants et des projets de déménagement vers un coin plus tranquille, alors quand son cousin Freddie, canaille notoire avec qui il faisait jadis les quatre cent coups, lui propose d'arrondir ses fins de mois ou le supplie de le tirer d'un ènième mauvais pas, le bon père de famille franchit le Rubicon...

C'est le début d'une trépidante cascade de mésaventures que j'ai pris grand plaisir à suivre !
À la suite de Ray, personnage complexe et ambigu, j'ai découvert le Harlem de l'ombre et pénétré l'envers du décor. Comme dans une salle des machines secrète, ceux qui détiennent le pouvoir y "actionnent leurs leviers et leurs pédales", tandis que les autres s'exécutent, complotent ou s'affairent à d'obscures tractations, et à l'image de nos deux larrons, chacun y va de son petit ou de son gros trafic ("aux quatre coins de la ville, des gens comme eux, une armée entière de conspirateurs et de génies nocturnes, affinaient leurs magouilles. Ils étaient des milliers et des milliers à trimer et à intriguer dans des appartements, des meublés et des bouis-bouis ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, attendant le jour où ils mettraient enfin leurs plans à exécution").
Tout ça est proprement jubilatoire !

De plus, comme toujours dans l'oeuvre de Whitehead, la question des inégalités sociales n'est jamais bien loin, et l'auteur ne manque pas d'inscrire son roman dans un contexte historique bien documenté, en plein coeur du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis. La mort du jeune Noir James Powell, abattu en pleine rue en juillet 1964 par un policier en civil, et les émeutes qui par la suite ont embrasée New-York, sont ainsi parfaitement décrites et confèrent au texte une force supplémentaire.

Inarrêtable dès qu'il s'agit de croquer dans la Big Apple, de décrire ses façades et ses rues, sa topographie, ses commerces et ses métros, ses boîtes de jazz et ses rades miteux, Colson Whitehead a su une fois encore se renouveler.
Après un démarrage un peu délicat, je n'ai finalement eu aucun mal à me laisser embarquer dans ce récit dense et foisonnant, dont j'ai achevé la lecture à regret ... avant d'apprendre que l'auteur n'en avait pas fini avec son "travail d'archéologie du quartier de Harlem" et que son roman s'inscrivait dans une trilogie dont le second tome devrait paraître sous peu !
Hourra !
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Colson WHITEHEAD. Harlem Shuffle.

Harlem Shuffle, quelle est la traduction de ce terme qui donne le titre de ce nouveau roman de Colson WHITEHEAD, traduction littérale, mélanger, brouiller, brasser, remanier... Nous allons être plongés en plein dans un brassage, d'êtres humains mais également de bâtiments. Nous allons découvrir un univers gigantesque avec de nombreux personnages et des embrouillaminis à ne plus savoir où se trouve le fil rouge.

Nous sommes plongés en apnée, dès les premières pages dans la ville tentaculaire : New York, et plus particulièrement dans le quartier de Harlem. Dans ce récit, Colson nous invite à le suivre dans cette descente d'un milieu dévolu aux ripoux, aux filous, aux vendus, à la canaille, ce royaume des magouilles, de la pègre, du crime, vue en directe, aussi bien du côté des victimes que du côté des assassins.

Ray Carney, possède un magasin de meuble et d'électroménager, sis sur la 125 ème rue. Son commerce se porte bien. A l'occasion, Ray traficote. Il est l'intermédiaire entre les petits voleurs et les receleurs. Une sorte de blanchiment d'objets, tombés accidentellement des camions de livraison ou simplement détournés. Ce petit commerce permet à Ray de grimper dans la hiérarchie sociale de Harlem : il va pouvoir quitter les bas-fonds de la ville pour accéder aux beaux immeubles situés sur les hauteurs.

Son cousin Freddie, un petit délinquant, en rupture de la société, lui propose de participer au cambriolage de l'Hôtel Theresa. Ray va tomber dans la combine. Petit à petit, les embrouilles deviennent plus importantes. Ray rend service, mais attiré par l'appât du gain, petit à petit le trafic s'intensifie. Surveillé, épié par les ténors du coin, il faut sans cesse ruser. le monde de l'embrouille est bien cloisonné : attention où vous mettez les pieds. Où sont donc les voleurs ? Que fait la police ? Elle collabore avec les voyous !

Dans cette ville, la ségrégation, dans les années 1960, est encore très présente, avec des quartiers entièrement dévolus aux « nègres » ; Il ne faut pas mélanger les serviettes et les torchons ! le Ku Klux Klan est encore très actif. Les incendies criminels sont monnaies courantes. La lutte entre la population blanche et la population noire encore d'actualité. Les exactions commises envers les noirs abondent et même lors de manifestations raciales, les blancs n'hésitent pas à tuer les noirs. En 1964, un lieutenant de police blanc fera du jeune ado afro-américain une victime idéale. Les immeubles insalubres sont détruits et des ensembles immobiliers plus cossus les remplacent.

Au fur et à mesure de notre lecture, nous assistons à la destruction, à la reconstruction, à la métamorphose de ce quartier, Harlem, acheté pour 27 dollars aux indiens. Ce quartier bouge à la vitesse d'un TGV et Ray va ainsi gravir les échelons. Mais cet échange d'enveloppes hebdomadaires brasse les cartes. Outre les malfrats, les flics ripoux, il faut sympathiser avec les nantis, ne pas faire d'impairs. Les victimes sont également les agresseurs. Il y a une forte lutte pour avoir une parcelle, pour conserver son acquis. La pression est importante. Les rues sont gangrenées par la drogue, le vol, les règlements de compte, les viols, la précarité et le racisme. La violence est toujours présente,, au débouché de chaque rue. La haine, la jalousie, l'insécurité règne dans ce quartier. La débrouillardise permet d'avancer un pion après l'autre. Mais il ne faut pas faire de faux pas. La corruption est partout.

Dans ce roman sociétal, Ray, Élisabeth, son épouse, leurs deux enfants, une fille et un garçon, sont le reflet de la famille noire idéale. Ils mènent une existence classique, exception faite des petits détournements, sans grande importance de divers objets opérés par le père de famille dans son activité commerciale. Cette famille va s'élever dans la société et occupera un luxueux appartement, sur Riverside Drive, loin du métro aérien, à la satisfaction du beau-père de Ray qui lui, devra opérer le changement inverse : vendre sa belle villa pour se loger dans une immeuble. Ce dernier a également été victime de crapules, de supposés amis.

Les personnages, mis en scène par l'auteur, témoignent de l'avancée succincte des droits des populations minoritaires, miséreuses, au ban de la société. La lutte pour l'égalité est encore vive de nos jours. Plus de cinquante années nous séparent des divers évènements décrits méticuleusement par Colson. Il s'érige en porte-parole de la communauté noire. J'attends avec impatience la suite des aventures de Ray et sa famille. Bonne lecture.
( 08/03/02023)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Le voilà le premier volet de la trilogie de Colson Whitehead, Harlem Shuffle!
Je ne cache pas que je l'attendais impatiemment avec ce petit espoir de retrouver un Colson nous amenant dans un tout autre registre que ses deux derniers romans ( Underground Railroad et Nickel boys) , et ce fut un plaisir de constater que cette aspiration ne fut pas vaine !

la lutte des droits civiques est à l'honneur dans cet opus et surtout, Harlem !
Cerise sur le building, j'ai été propulsée dans un univers cinématographique à la Spike Lee, dans la communauté afro-Americaine des années 60 qui se débat avec le quotidien ségrégationniste entre arnaques et petites mafias.
Harlem grouille, magouille et tripatouille autour du toit du monde, l'hôtel Theresa, édifice luxueux ayant accueilli tout le gratin de la communauté noire, de Dinah Washington à Billy Eckstine.
Entre en scène, Ray Carney qui n'est pas un voyou, tout juste un peu filou , vendeur de meubles et petit refourgueur occasionnel obsédé par le rêve de devenir propriétaire d'un bien immobilier.
Son cousin Freddie, figure du paumé récidiviste qui enchaîne les conneries en rafale et de bons gros gangsters mafieux confrontés aux flics douteux.
C'est donc bien un polar New-Yorkais que l'auteur nous offre , sur cette île achetée aux indiens, paraît-il, pour 27 dollars, que se dresse ce tableau avec en toile de fond la ségrégation et les prévarications.
Si le ton se veut plus désinvolte, si les mots dépourvus de leurs uppercuts habituels sont plus allégés, si les personnages sont croustillants et que l'humour pétillant peuple ces pages, il ne faut pas s'y tromper, le message, lui, est toujours alerte.

Auteur de la cause noire, figure de la lutte des droits à l'égalité, Whitehead démontre encore une fois avec force les discriminations d'une Amérique ancrée dans un racisme endémique.
Il me semble vraiment dommageable de faire un résumé de la trame, la quatrième de couverture en livre déjà assez , en revanche, il me paraît plus opportun d'en ressortir les points abordés puisqu'ils sont le sens premier de cet opus.
Harlem, figure première de ce livre, n'est pas un hasard, berceau de la culture afro américaine, l'un des centres névralgiques de la lutte pour l'égalité des droits civiques et aussi un terreau artistique distribue au gré des pages son histoire, celle des mafias juives et italiennes en compétition avec les gangs afros. Elle abrite également la NAACP ( association nationale pour la promotion des personnes de couleur) qui mena des croisades contre les discriminations pendant que dans le Mississippi le Ku Klux Klan brûlait à vif ses victimes .
Harlem, c'est également la corruption des elites noires sur le peuple noir, un système blanc dissimulé derrière un masque noir jamais très loin du syndicat du crime à l'instar de la police, recueillant leurs étrennes, commercant des libertés d'autrui.
Harlem Shuffle ce sont des rues gangrenées par la drogue et la précarité, les rêves qui traversent les esprits, souvent fauchés, les émeutes, celles de 1964 lorsque la police abat un adolescent noir de 15 ans, "le savoir faire américain dans toute sa splendeur" phénomène récurrent 60 ans plus tard.
Whitehead est le maitre d'oeuvre d'un chantier anguleux, Harlem prend forme, respire et s'agite , il a l'art et la manière de nous faire inhaler les vapeurs et la toxicité d'une prison à ciel ouvert sous des allures d'eldorado.
Il affiche la couleur, évince l'edulcoré en restituant la condition des noirs dans un monde de blancs cramponnés viscéralement à la haine.

Alors évidemment, étant donné que rien ne change et que le racisme perdure , je pourrais rédiger exactement la même conclusion que pour "Underground Railroad" à savoir :

"C'est surtout l'histoire de l' Amérique, pas la révolue non, mais celle qui continue de s'inscrire. Est ce que ça nous aide à mieux la comprendre ? Pas vraiment, en revanche ça en dit long sur la lutte qu'il reste encore à faire. Il est clair que rien ne pourra jamais effacer la part sombre des États-Unis mais si ce livre est bien essentiel pour quelque chose, c'est bien de ne pas permettre l'oubli et de garder l'espoir d'une prise de conscience collective afin que l' Amérique écrive un jour un nouveau pan de son histoire respectant les droits universels et en enterrant son obscurantisme. "

Combien de temps devrons-nous relire ce constat... Rien ne nous permet d'être optimistes et c'est peut être bien là, la bataille la plus essentielle à livrer toujours et encore , à savoir, continuer de dénoncer la folie immarcescible des suprématistes blancs souvent associés aux masculinistes ayant pour figure de proue un certain Trump, lutter sans relâche contre leurs féroces persécutions au nom d'une idéologie aveugle et crasse ne révélant que la face putride de l'ignorance.

Harlem Shuffle, au delà du polar truculent et de ses personnages attachants, c'est aussi et surtout, pour reprendre le ton d'Harlem, une putain d'arme politique qui défie l'immobilisme et le conservatisme faisandé.

La bonne nouvelle c'est que le prochain volume sort en juillet aux states et que le troisième opus est déjà en court d'écriture !

Un livre haut en couleur et indéniablement engagé.

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Une tranche de vie entre 1959 et 1964 à Harlem avec des personnages hauts en couleur bien campés qui racontent le lieu, l'époque, la ségrégation active des noirs et un développement économique rapide source et enjeu de nombreuses magouilles. Ray Carney, personnage central est un vendeur de meubles fils d'un malfrat souvent absent du domicile familial qui évolue entre une normalité revendiquée et une influence subie d'un entourage bandit. Ses aventures offrent un grand plaisir de lecture.
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Ce roman est une fresque sociale de Harlem dans les années 60. Harlem est le personnage principal de ce livre et le lecteur découvre le quartier en plein déclin.
Raymond (Ray) Carney, le personnage secondaire donc, est un père de famille aimant et rangé qui tient un magasin de meubles et d'électroménager, sur la 125° Rue. Sa femme Elisabeth, travaille dans une agence de voyages qui organise des escapades uniquement pour les noirs, sans danger pour eux de se faire rejeter.
Parfois pour les radios et téléviseurs, Ray s'approvisionne chez "Aronowitz & sons" avec des objets "tombés du camion". Mais ses comptes sont clean.
Il va se retrouver mêlé sans l'avoir voulu à des affaires louches, quand son cousin Freddie lui propose de participer au cambriolage du célèbre hôtel Theresa (le Waldorf de Harlem...).
Le problème de Ray est que, d'une part, il est connu dans le milieu car il est le fils d'un homme de main, certes aujourd'hui décédé, mais qui était lié à la pègre locale. D'autre part, il est très lié à Freddie car enfant, à huit ans, Ray a perdu sa mère et comme son père était toujours absent, il a été élevé par sa tante, la mère de Freddie.
Ray veut bien accepter de revendre certaines marchandises apportées par son cousin, sans lui en demander l'origine, mais il ne veut pas aller plus loin.
Il sera pourtant bien obligé de participer, car Freddie a déjà raconté à tout le monde que son cousin seul pourrait écouler toute la marchandise !
Comment Ray, va-t-il s'en sortir, tout en préservant sa petite famille et sa femme qui ne se doute de rien ?

C'est un roman noir parfois drôle mais également violent qui dépeint la vie du quartier et de la communauté noire avec beaucoup de justesse. L'auteur s'est documenté avec sérieux pour mieux connaitre ce quartier dans les années 60. Il nous décrit le quartier en détail et le lecteur se retrouve dans les rues, comme s'il y était. Les différents protagonistes doivent sans cesse assurer leurs arrières, préparer en finesse leurs vengeances, et se battre pour accéder à l'ascenseur social, tout cela parce qu'ils sont noirs.
L'ambiance est électrique car tout peut basculer à chaque instant comme ce jour de 1964 où un adolescent noir est abattu par un policier blanc, qui sera bien entendu relaxé très vite, et que Harlem s'enflamme.
La lutte des classes, la pauvreté, le racisme (y compris intra-communautaire dont Ray est victime dans sa propre famille), la drogue, les démerdes du quotidien mais aussi la corruption, le pouvoir et les règlements de compte sont les thèmes de ce roman qui se lit comme un véritable page-turner.
Le lecteur va au fil des pages croiser toute une série de truands dont l'auteur tire des portraits "savoureux" : "Chink Montague" habile à manier le coupe-chou, "Pepper" vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui va devenir le garde du corps de Ray, "Miami Joe" toujours vêtu de son costume violet, et une bonne brochette de flics véreux, comme "Munson", en quête d'enveloppes remises sous le manteau.
Malgré cela, je reconnais quelques bémols dans mon appréciation globale.
Si j'ai aimé découvrir l'ambiance quasi cinématographique de Harlem dans les années 60, vue de l'intérieur par la vie de cette famille unie, j'ai trouvé beaucoup trop de longueurs dans certaines pages (je m'y suis donc un peu ennuyée), je n'ai pas tout compris de certaines allusions et références de l'auteur (par manque de culture américaine sans aucun doute, et en particulier newyorkaise, je l'avoue) et je me suis parfois perdue parmi les différents personnages que j'ai trouvé un peu trop caricaturaux.
De plus, je ne me suis attachée à aucun des personnages ce qui a gâché mon plaisir de la découverte. J'ai donc un avis mitigé sur cette lecture mais je pense qu'elle pourra plaire à d'autres lecteurs qui comme moi aiment cet auteur et à tous ceux qui connaissent Harlem.
Roman traduit de l'américain par Charles Recoursé.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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1959, 1961 et 1964 : trois repères temporels dans une même ville, Harlem, sertie au coeur d'une autre, New York, pour un roman à la parfaite fluidité. le livre de Colson Whitehead est un bijou et un vrai faux polar à tiroirs qui procure autant de plaisir, par la précision et le détail de ses intrigues successives, que certains films hollywoodiens des années 40 et 50, signés Preminger, Mankiewicz ou Huston. Au centre de Harlem Shuffle : Ray, le responsable d'un magasin d'ameublement, a priori modeste mais socialement ambitieux. Sa relation avec un cousin peu recommandable, en marge de la loi, constitue une source d'ennuis mais aussi éventuellement de profit, pour le commerçant honnête jusqu'à un certain de point. En soi, le récit minutieux des mésaventures de Ray, plein de vie et d'humour, est déjà un plaisir de gourmet mais l'auteur les intègre de manière impressionniste dans une évocation saisissante du Harlem de cette époque et le contexte de racisme exacerbé qui conduit aux émeutes de 1964. Un air du temps que Colson Whitehead encapsule avec maestria, dressant au passage une galerie de portraits de personnages souvent hauts en couleur avec toutes les nuances du noir. Seul regret : que les femmes soient réduites à la portion congrue dans cette oeuvre délicieusement immersive.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Une fois passée la découverte de Harlem dans les années 50-60, la ségrégation raciale au quotidien et les coups montés par des malfrats plus ou moins aguerris et violents, on s'ennuie...
En effet, les situations se ressemblent, se répètent et on se lasse, en attendant vainement que l'histoire prenne une autre dimension.
Quelle déception sans compter que le style est loin d'être exceptionnel !
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Carney n'est pas un voyou, il est juste un peu filou. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour lui, ça veut dire beaucoup.

Carney a un boulot, il est vendeur de meubles et d'électroménager, dans le Harlem des années 60. Bon, comme il faut mettre un peu de beurre dans les épinards, il joue aussi au fourgue pour la pègre et revend des choses tombées des camions. Rien de grave.

Son point faible est son cousin, qui est toujours fourré dans des magouilles plus dangereuses et qui a l'art et la manière d'impliquer Carney, qui lui passe toutes ses conneries.

J'attendais beaucoup de ce nouveau roman de Colson Whitehead, surtout qu'il se déroulait dans les années 60, à Harlem, et que son auteur en parlait avec verve à La Grande Librairie.

Le quartier de Harlem est bien présent, il est un personnage à part entière. L'auteur nous le décrit de manière très précise, avec ses quartiers où habitent des Noirs bourgeois, riches et les quartiers pour les plus pauvres, les miséreux.

La ségrégation raciale a toujours lieu, Le Blanc ayant du mal à accepter que les Noirs s'élèvent, eux aussi, qu'ils accèdent à l'instruction, aux universités et notre Carney a bien du mal à obtenir un dépôt, dans son magasin, des marques célèbres de meubles. Ça leur trouerait sans doute le cul, à certains, qu'un revendeur Noir soit un porte-parole d'une marque de meubles bien Blancs…

L'Amérique était un grand pays souillé par des régions faisandées où régnaient l'intolérance et la violence raciale.

J'ai appris, durant ma lecture (et durant La Grande Librairie), qu'en ce temps-là, il y avait des agences de voyages spécialisées dans les déplacements des afro-américains dans le pays : itinéraires sûrs, villes à éviter, hôtels recommandés pour passer la nuit, endroits où se restaurer… Il fallait leur éviter les villes racistes et ségrégationnistes…

Divisé en trois parties, ce roman noir va nous parler de trois grosses affaires qui atterrirent dans les mains de notre Carney, le poussant de plus en plus vers le côté Obscur de la pègre. Carney est un insatisfait, il voudrait un plus bel appartement, une plus belle vie pour sa famille, un coin plus joli que sous le pont du métro et je le comprends.

Hélas, il a manqué quelque chose pour rendre ce roman noir addictif : un peu plus de rythme et d'action ! Cela avait bien commencé, pourtant, avec la présentation des personnages, du quartier et du casse à l'Hôtel Theresa. Et puis, j'ai attendu, en vain, que les choses bougent un peu plus, que l'action revienne, mais elle était une denrée rare, dans ces pages.

On se cache, on marche à pas feutrés, on magouille pour faire virer un homme qui l'a trompé, on essaie de ne pas se faire descendre par des malfrats, on donne l'enveloppe… Tout cela, à un moment donné, a rendu ma lecture plus pénible et j'avais l'impression de faire du surplace, vers la moitié du récit.

J'avoue qu'en entendant l'auteur parler de son roman, j'avais eu l'idée que son cousin Freddie lui proposerait plus de coups foireux, qu'il serait plus présent dans le récit et là, j'ai trouvé qu'il était plus présent dans les pensées de Carney qu'en présence physique.

Dommage, il y avait sans doute une belle carte à jouer avec un tel personnage. Parce que si Carney est sympathique, malgré ses magouilles avec la pègre, il manque tout de même d'épaisseur, de présence. Il m'a semblé qu'il était un peu fade, qu'il manquait d'assaisonnement.

Bref, si la vie à Harlem est bien décrite, si le quartier est un personnage à part entière, si l'auteur parle bien de la ségrégation qui avait toujours lieu, à couvert, nous sommes tout de même loin des romans de Chester Himes qui sont bien plus sombres que celui-ci.

Un roman noir dont l'écriture et le récit manquaient tout de même de passion, de noirceur et d'émotions. Par contre, les atmosphères étaient bien décrites, j'ai bien ressenti le pouls de Harlem et vécu au plus près les luttes incessantes des Noirs pour obtenir enfin des droits.

Tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un coup de coeur, pour en faire un grand roman noir, mais le côté froid de l'écriture et les personnages manquant de corps m'ont empêché de m'immerger à fond dans cette histoire.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Si la plume est agréable et le récit a priori documenté, je me suis beaucoup ennuyée à la lecture de ce livre, dont j'ai parcouru les 100 dernières pages en diagonale tant j'avais hâte de le terminer.

Je lui ai laissé sa chance jusqu'à la fin, attendant l'événement excitant, inattendu, qui allait enfin insuffler une dynamique à l'histoire.

II n'est malheureusement jamais venu.

Au bout du compte, ce livre est davantage une description du Harlem de cette époque , dont la vie de Ray Carney n'est que le prétexte.

Je comprends l'idée de Colson Whitehead (dont le nom n'est apparemment pas un pseudo ) mais je trouve que son roman est plat, sans aspérités, sans éclat. Un peu un « L.A. Confidential » pour gamins de moins de 12 ans, édulcoré, rincé de ce qui fait le sel des histoires des petites frappes des quartiers populaires noirs américains de ces années-là.

Bref, pas un grand cru, malheureusement…

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Après avoir traité brillamment de sujets politiques et historiques qui exploraient les fondements et les ravages du racisme aux États-Unis dans ses deux précédents romans, Underground Railroad et Nickel boys, Colson Whitehead fait un détour par le « heist novel ». Il signe un roman noir avec braquage et magouilles qui nous entraîne en plein coeur de Harlem, dans les années 60.

Son héros, Ray Carney vit entre deux mondes, gérant d'un magasin de meubles sur la 125e rue le jour et fourgueur discret d'objets volés la nuit. Fils d'escroc, il n'est pourtant pas devenu un petit malfrat comme l'était son père, C'est plutôt un brave gars, soucieux de sa famille, qui rêve d'une vie meilleure, mais veille à ne pas dépasser les limites qu'il s'est fixées. « En pratique comme dans ses ambitions, Carney n'était pas un voyou, tout juste un peu filou ». Ses rêves restent modestes, un appartement loin du métro aérien, sur Riverside Drive, ferait bien son affaire.

Son cousin Freddie a l'habitude de l'embarquer dans des coups foireux et va le mêler malgré lui au braquage de l'hôtel Theresa, le Waldorf de Harlem. Cela devrait l'aider à accéder plus rapidement à ses aspirations mais bien sûr le casse ne se passera comme prévu et voilà Ray qui s'engage sur un terrain périlleux avec toute une floppée de gangsters qui gravitent autour de lui.

L'écriture de Colson Whitehead se plie aux besoins du genre, dialogues vifs, descriptions nerveuses, humour caustique et gouaille populaire. Elle porte une intrigue qui se déploie de manière classique en trois parties de 1959 à 1964 avec de nombreux rebondissements, et donne à voir le parcours d'un homme ordinaire qui lutte contre l'atavisme familial, qui aimerait mener une vie décente et respectable mais se retrouve pourtant dans l'illégalité.

Au-delà des personnages pittoresques ou féroces qui évoluent dans l'histoire, tels Miami Joe et son costard violet, Pepper, le vétéran de la seconde guerre mondiale, Chinck Montague et son coupe-chou, dealers, flics pourris et autres petites frappes, le personnage qui vole la vedette à tous, c'est Harlem, lieu d'effervescence et de mouvance.

L'auteur restitue à merveille l'atmosphère éclectique et vibrante de Harlem et nous offre une immersion incroyable dans sa communauté afro-américaine, une déambulation dépaysante dans un quartier contrasté où les hôtels luxueux côtoient les tripots miteux mais qui se métamorphose profondément.

L'engagement de Colson Whitehead était une des forces de ses romans précédents, il apparait aussi dans cette balade urbaine, subtilement mêlé à l'intrigue. Harlem, c'est ce quartier à la fois berceau de luttes sociales et des luttes des Noirs américains pour l'égalité des droits civiques, embrasé en 1964 par les émeutes raciales après l'assassinat du jeune adolescent noir, James Powell, par un policier blanc. C'est aussi ce combat contre le racisme, pour un monde plus égalitaire qui traverse le récit que l'auteur a commencé à écrire en 2020 au moment d'une autre affaire de violences policières, l'assassinat de George Floyd.

Sous sa plume talentueuse, Harlem Shuffle, à la fois polar, roman d'atmosphère et chronique sociale, distille une fascination pour un quartier célèbre et emblématique.

Traduit de l'américain par Charles Recoursé
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