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sur 466 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux fois couronné du Prix Pulitzer, Colson Whitehead change de genre avec cette fois une histoire de gangsters au coeur de Manhattan. Au rythme dansant d'une vieille chanson de R'n'B adaptée par les Rolling Stones dont il fait le titre de son roman, il nous emmène dans le Harlem des années soixante, quartier noir marqué par la pauvreté et la criminalité, foyer de la lutte pour l‘égalité des droits civiques, mais aussi de la culture afro-américaine.


Marié et père de famille, Ray Carney est propriétaire d'un magasin de meubles sur la célèbre 125e rue. Ce fils de malfrat, bien décidé à rompre avec l'exemple paternel, rêve de respectabilité et cultive deux ambitions : accéder à un logement plus décent que leur petit appartement coincé au ras du métro aérien, et déjouer le mépris de sa belle-famille de condition bourgeoise et à la peau plus claire. Pour se donner un petit coup de pouce et parce qu'il ne sait rien refuser à son cousin Freddie, éternel abonné aux quatre cents coups, il accepte quand même de jouer les receleurs, pensant se maintenir, à force de discrétion précautionneuse, à la lisière du tissu de trafics et de petits crimes qui sous-tend la vie du quartier.


C'est sans compter les entreprises de plus en plus hasardeuses de l'incorrigible Freddie. Embarqué dans un casse foireux, le voilà qui se retrouve dans le collimateur de la pègre, puis, une aventure en appelant une autre, aux prises avec des adversaires toujours plus puissants et dangereux. Des petites frappes aux requins de la finance et de l'immobilier, en passant par les policiers et les banquiers corrompus réclamant leurs enveloppes, tout le monde trempe plus ou moins dans l'illégalité au gré de ses intérêts, derrière les façades respectables des avenues bourgeoises comme dans les rues les plus mal famées.


Tout l'art de Colson Whitehead consiste à peindre par petites touches, non pas un univers du crime spectaculaire et sensationnel, mais une réalité tristement et ordinairement entachée d'une délinquance à bas bruit, chacun cherchant à tirer son épingle du jeu dans le quotidien sans éclat d'un quartier en déliquescence. Ainsi, en filigrane du parcours chaotique des personnages, au fil de mille détails authentiques et soigneusement choisis, se révèle peu à peu le véritable sujet du livre : une peinture d'un Harlem alors en cours de ghettoïsation, ses bâtiments de plus en plus délabrés et insalubres, ses commerces progressivement abandonnés, la bourgeoisie noire laissant la place à une population nettement plus déshéritée, frappée par la ségrégation, le chômage et la pauvreté, dans un contexte favorisant la circulation de la drogue, la violence et la criminalité. Ne manquent pas au tableau les mouvements de contestation qui se mettent à secouer le quartier, comme après le meurtre d'un adolescent par un policier en 1964.


Bien plus que pour son action tragi-comique autour d'un personnage champion de la nage entre deux eaux, c'est pour l'exactitude et la vivacité de son évocation d'Harlem, ville dans la ville, que l'on appréciera ce roman truffé de détails socio-historiques colorés et marquants. En attendant la suite prévue pour cet été aux Etats-Unis et pour 2024 en français, l'on pourra poursuivre le voyage à New York en compagnie d'un autre grand amoureux de cette ville, avec lequel l'on pourra être tenté d'établir un parallèle : Colum McCann - Les saisons de la nuit, ou Et que le vaste monde poursuive sa course folle.

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Ray sue à grosses gouttes, ses mains sont moites. Pourtant, cela n'a rien à voir avec la chaleur ambiante de cet été 1961. Non, Ray enroule le tapis. Ses mains tremblent, il craint que le sang poisseux ne se mette à transpercer la douce épaisseur de cette nouveauté tout juste sortie du catalogue de la dernière collection, et laisse des traces compromettantes sur le sol. Au moins, l'avantage d'être au début des années 60, c'est que toute l'équipe des Experts ne va débarquer manu militari pour tout passer au peigne fin dans son bureau.
Ensuite, il se baisse, hisse doucement le corps et se met à marcher en direction du pick-up. Là, il dépose le lourd paquet. Une fois derrière le volant, il pousse un premier soupir de soulagement. Il sait déjà où déposer son passager clandestin, comme si son paternel lui soufflait quoi faire. Alors qu'il conduit, une pensée le rattrape ; combien de cadavres ont été déposés par son père sur le plateau du pickup qu'il lui a légué ? Mieux vaut probablement ne pas savoir … D'ailleurs Ray se dit qu'il va devoir arrêter ses magouilles, elles pourraient finir par lui couter très cher.
Le récit chronologique de Colson Whitehead est découpé en 3 parties et nous présentent 3 tranches de la vie de Raymond Carney (dit Ray ou Rayray) : 1959, le voilà embraqué malgré lui dans un casse, le braquage de la salle des coffres de l'hôtel le plus chic de Harlem, le Theresa. Cet hôtel existe vraiment, on trouve ainsi des photos sur le net de la rencontre entre Fidel Castro et Malcom X qui s'y est déroulée. Ray se retrouve embarqué bien malgré lui dans cette histoire, à cause de son cousin Freddie, qui l'a désigné à ses coéquipiers comme planque et revendeur du butin « fourgue », chargé de l'écouler en toute discrétion.
Deuxième chapitre, 1961, intitulé la dorveille. La dorveille, c'est le sommeil fragmenté assez répandu avant l'ère industrielle, les gens se couchaient tôt avant la tombé de de la nuit, se réveillaient pour quelques heures d'activités nocturnes, puis se rendormaient pour 4 heures jusqu'au petit matin. Ce passage du sommeil au réveil en pleine nuit, c'est le passage de la face honnête à la face sombre de Ray.
Pourtant, Carney se considère comme un homme respectable, il est convaincu de lutter ardemment contre les instincts de brigand transmis par son père. Il a pignon sur rue avec la grande enseigne lumineuse clignotante de son magasin de meubles à son nom. Il va réussir, il a fait des études, de la comptabilité (c'est dire le niveau de respectabilité, et non, il n'est pas comme son père). Toute la clientèle noire aisée du quartier vient lui acheter ses produits de première qualité choisis avec soin.
Mais la nuit, Ray opère sa mutation, il se réveille après quelques heures de sommeil, quitte le lit et le domicile conjugal qu'il partage avec Elizabeth, l'épouse aimante et fière de lui, mère de ses deux enfants, ignorante de sa part sombre faite de magouilles, de questions d'honneur et de pouvoir dans le Harlem caché et interlope.
Troisième étape du récit, 1964, les affaires se corsent pour Ray avec la disparition de son cousin. « Je voulais pas te créer de problèmes » ne cesse de lui seriner Freddie depuis les chapardages de bonbons de leur enfance. Maintenant qu'ils ont grandi, cette maxime va-t-elle encore faire effet, amadouer Ray pour l'embarquer dans une nouvelle galère et surtout suffire pour tout effacer d'un coup d'ardoise magique ?
L'atmosphère, l'ambiance, le décor sont extrêmement bien plantés par Colson Whitehead, le lecteur admire ce décor de film et ses personnages travaillés et hauts en couleur.
C'est assez amusant, car j'ai lu plusieurs avis de babéliotes qui avaient été emballés par Nickel Boys et ont été un peu déçus de Harlem Shuffle. En ce qui me concerne, si j'avais très moyennement apprécié Nickel Boys dans lequel je m'étais pas mal ennuyée, j'ai beaucoup plus aimé ce Harlem Shuffle, qui, bien qu'il comporte de nombreuses longueurs, m'a vraiment fait vivre dans ce Harlem des années 60, respiré la chaleur étouffante d'une nuit d'été ou d'une nuit d'émeutes, et croisé les doigts pour que Ray se sorte de ses mauvais pas…
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Colson Whitehead s'est imposé, en seulement trois romans, comme une figure incontournable du paysage littéraire américain. Deux Prix Pulitzer en 2017 pour « Underground Railroad » et en 2020 pour « Nickel Boy. » Seuls William Faulkner et John Updike l'ont fais. C'est dire le talent et l'importance prise par Colson Whitehead, son impact dans les médias et auprès des lecteurs. La presse française est unanime, Télérama en tête, pour parler d'un immense roman. le moins que je puisse dire c'est que je ne vais pas être très original en soulignant le talent d'écriture, l'acuité de la pensée de Colson Whitehead qui en l'espace de quelques années est véritablement devenu le porte-voix de la communauté afro-américaine. C'est un auteur engagé et il ne s'en cache pas. Il souhaite réveiller les consciences et expliquer combien les noirs américains ont été victimes d'injustices, de mépris, de ségrégations, de violences avec la monstrueuse KKK soutenue jusqu'à il n'y a pas si longtemps par les pouvoirs politiques, la police et les blancs racistes du sud des Etats-Unis. En fait, les anciens Etats esclavagistes. Les grands écrivains creusent leurs sillons inlassablement. Colson Whitehead porte ses convictions dans un soucis d'équité inlassablement réclamé par le peuple noir américain. Je dis « inlassablement » car la question est loin d'avoir réellement aboutie. Aujourd'hui encore, abattre un jeune noir n'est pas encore perçu par certains pans de la population blanche, comme étant un véritable crime. le meurtre de George Floyd par un policier blanc a suscité énormément de colère chez les progressistes américain. Malheureusement, il n'y a pas eu unanimité et la question du racisme qui est au coeur de l'oeuvre de Colson Whitehead est plus que jamais d'actualité. Dans « Harlem Shuffle » son nouveau roman, Colson Whitehead nous plonge dans le Harlem du milieu des années 60, en pleine lutte pour les droits civiques, lieu d'émeutes et de violences contre l'impunité des policiers blancs assassinant de jeunes noirs pour presque rien. Ray Carney, est le personnage central de l'histoire. Il aime sa famille, il est attentif mais il est aussi suffisamment malin pour monter discrètement des arrangements afin d'arrondir ses fins de mois. Il possède un magasin de meubles à Harlem où il vivote. Jusque là tout semble roulé pour lui. Il est quelconque, ni trop intelligent, ni trop bête, il est le citoyen lambda que personne ne remarque. Jusqu'au jour où son cousin junkie lui dépose une mallette qu'il n'est pas sensé ouvrir. C'est la que l'embrouille commence car le contenu de la mallette intéresse beaucoup de monde, des gros poissons de la pègre de Harlem et une richissime famille néerlandaise spécialisée dans l'immobilier. Pour le reste vous découvrirez le monde interlope, les derrières des devantures, les arrières salles où jeux d'argent, trafic de stupéfiants et prostitutions nourrissent aussi bien certains habitants de Harlem que des flics blancs venant prélever leur dû, leurs enveloppes contre une « protection » hypothétique. « Harlem Shuffle » est aussi bien un classique du roman noir, avec cette immersion dans les arrangements avec la loi, la corruption de la police, des politiques. C'est aussi un livre engagé rappelant la lutte menée dans les années 60 à Harlem pour réclamer l'égalité de traitement avec les citoyens blancs. L'humour noir est bien présent avec des descriptions de personnages haut en couleur. Sur Télérama, Colson Whitehead précise que « Harlem Shuffle » n'est que le premier tome d'une trilogie en cours d'écriture. La première partie du récit prend le temps d'instaurer une ambiance plutôt légère mais au fur et à mesure, l'aspect sombre et dangereux prend le dessus avec un Ray Carney sous pression suite aux coups fourrés de son imbécile de cousin junkie. C'est l'un des romans à ne surtout pas manquer en cette rentrée littéraire 2023.
Lien : https://thedude524.com/2023/..
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Ray Carney tient un commerce d'ameublement, sa vie est paisible avec sa femme et ses deux enfants ; ce n'est pas un voyou, tout juste un peu filou, ça lui arrive de revendre des trucs, une partie de ce qu'il a en magasin a été volée. Mais lorsqu'il veut tirer son cousin Freddie du pétrin dans lequel il s'est fourré, Ray va se retrouver aux prises avec la pègre.
Colson Whitehead nous plonge au coeur d'Harlem en un flot d'actions où braquages et meurtres se succèdent. C'est un roman noir, mais c'est surtout un portrait d'un quartier, une ville dans une ville, haut lieu de la lutte contre la ségrégation. Il nous dresse dans une langue familière et colorée un tableau de l'Amérique des années 60. Les arnaques, les dessous-de-table, malfrats, flics, notables tout le monde collecte des enveloppes. Des personnages truculents, un récit haletant où humiliations, rancoeurs, vengeances, violence alternent sous fond d'émeutes. La langue ici est croustillante, c'est la langue de la rue, plus que par l'histoire en elle-même, j'ai été passionné par la description d'Harlem, de ses commerces, de ses combines, de ses règles, de ses révoltes et par le personnage de Ray, un antihéros savoureux simple marchand de meubles amoureux de sa famille et de son quartier.
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Habitiez-vous New York dans les années 50 et 60? Moi non plus, mais avec ce livre, j'ai l'impression d'y avoir vécu un moment.

Un Noir de la classe moyenne propriétaire d'un magasin de meubles à Harlem. Sa passion pour le mobilier donne lieu à une description des modes de décoration de l'époque, mais on y voit aussi un fabricant de mobilier qui refusait de vendre dans les magasins pour les Noirs…

Sa femme travaille dans une agence de voyages qui se spécialise dans les déplacements sécuritaires des Noirs. Elle recommande des restaurants et des hôtels qui accueillent les « personnes de couleur » et informe sur les endroits à éviter.

Un roman qui n'a pas l'intensité dramatique de Nickel Boys. On y trouve le quotidien, les nuits d'insomnies, les compromissions inévitables lorsqu'il accepte de revendre de la marchandise volée, les problèmes de la rue et des manifestations.

Lorsque je lis des choses sur la société américaine, je suis toujours étonnée par les ramifications de la haine raciale. Et lorsque c'est bien écrit comme par Colson Whitehead, je comprends mieux ce qu'est la vie quotidienne quand on n'a pas la bonne couleur de peau…
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Ray Carney a deux visages, le premier est celui d'un honnête marchand de meubles, le deuxième celui d'un revendeur de marchandises tombées du camion, mais il est très prudent. Tout irait pour le mieux si son cousin Freddie, pour qui il a l'affection d'un frère, ne l'entraînait pas dans d'autres affaires douteuses.

Dans la première partie, Freddie demande à Ray d'écouler des bijoux d'un casse auquel il a participé. Et comme ils ont touché aux biens d'un gangster local, les choses dérapent.

Dans la deuxième partie, Ray pose sa candidature au club Dumas, qui rassemble l'élite noire. Un membre du club lui réclame cinq cents dollars pour faire avancer sa candidature, qui est… rejetée. C'était une arnaque. La vengeance de Ray est savoureuse, mais l'auteur nous cache le plan minutieusement concocté par Ray pendant la dorveille (vieux mot français désignant le sommeil en deux phases). En attendant de comprendre, j'ai lu des pages ennuyeuses où Ray s'agite sans que je saisisse ce qui se passe.

Dans la troisième partie, alors que les choses vont de mieux en mieux pour Ray, il est enfin membre du Club Dumas, Freddie réapparaît, et cette fois-ci, ses bêtises sont encore pires. Et de nouveau, Ray s'agite et il ne reste qu'à attendre de comprendre.

J'avoue qu'en fait de « fresque irrésistible du Harlem des années 1960 », j'ai surtout vu des histoires de cambrioleurs, de vengeance et de flics pourris.

Lien : https://dequoilire.com/harle..
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Colson Whitehead nous invite à suivre quelques aventures de Carney, un marchand de meubles, discret et pourtant un peu truand dans le Harlem des années 60. Ballotés par les événements et les émeutes contre les discriminations raciales, une belle-famille noire dédaigneuse de sa peau un peu trop foncée, des mafieux et des flics véreux, il est passionné par une élégante table à abattant, un spacieux buffet, un vaisselier élancé ou un confortable canapé. Cela ne l'empêche pas de jouer aussi sa partition pour s'en sortir et jouer le fourgue pour quelques voyous. Ce roman est constitué d'une magnifique galerie de personnages, truands ou honnêtes, sans que la frontière soit si aussi claire que ça.

Ray Carney est un jeune vendeur de meubles dans Harlem, père de famille mais fils d'un ancien truand. Il essaie de se libérer de la pègre locale, mais parfois il récupère quelques téléviseurs « tombés du camion ». Cela lui permet d'arrondir les fins de mois, tout en s'assurant un peu de tranquillité en donnant quelques enveloppes à la police et au parrain du quartier. Son cousin Freddie est moins prudent, et l'entraîne parfois dans des combines qui dépassent largement la filouterie. Ray a toujours l'espoir de donner une vie meilleure à sa famille à une époque où la lutte pour les droits civiques met à feu le quartier.

Au-delà des combines, des cambriolages, des escroqueries, Colson Whitehead dénonce une lutte constante des noirs américains pour se faire respecter ou se faire oublier ou simplement survivre. La ségrégation est dans l'ordre des choses dans ces années-là. Carney essaie de se fondre dans la société, son cousin vit en marge de la loi et d'autres luttent pour les droits civiques. Même s'il emploie parfois la dérision, Colson Whitehead n'en montre pas moins que les combats pour la justice sont encore d'actualité.

❓Savez-vous que Colson Whitehead à reçu deux fois le prestigieux Prix Pulitzer ?

Lien : https://jmgruissan.wixsite.c..
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Colson Whitehead, récipiendaire de deux prix Pulitzer avec Underground Railroad et Nickel Boys a pondu un autre petit bijou de roman avec Harlem Shuffle.
Ray Carney, propriétaire d'un magasin de meubles situé sur la 125e Rue au coeur du Harlem de New York City, s'est hissé d'un milieu familial déficient à celui dont il osait rêver, enfant. Avec sa femme et ses deux gamins, Carney tire son épingle du jeu comme il se doit dans le quartier : derrière le vernis de commerçant réglo, on peut sans gêne opérer quelques magouilles inoffensives de temps à autre. Mais, à vouloir aider son cousin Freddie toujours embringué dans des affaires louches, Carney commence à jouer dangereusement avec le feu. « (…) un échelon après l'autre, il était descendu jusqu'aux bas fonds, devenant un acteur de plus sur la scène du théâtre sordide de la ville. »
Lorsque j'ai vu passer ce titre, j'ai craint de lire une histoire semblable à celle du roman Deacon King Kong de James McBride : même temps (les années 1960) et même lieu (Harlem). Soulagement et délice à la lecture! Les deux romans peuvent coexister dans la littérature sans se faire concurrence!
Et comment ne pas aimer ce Ray Carney au sang-froid et au calme olympien, fourbissant ses armes en secret afin d'assouvir sa vengeance pour les affronts subis! C'est presque du tous contre un, un combat similaire à celui que livrent ses concitoyens afro-américains pour les droits civiques.
Un roman épique formidablement réussi!
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C'est le premier livre de cet auteur que je lis donc contrairement à certains qui comparent avec ses autres livres, je ne peux pas le faire. C'est dommage car ça m'aurait permis d'avoir un appui pour ma critique que j'ai un peu de mal à livrer. J'ai aimé l'atmosphère qui se dégage de ce roman et cette imprégnation, cette immersion que l'auteur a su créer. Mais je me suis parfois aussi perdue, j'ai eu quelques difficultés à maintenir mon attention. J'ai trouvé qu'il manquait un peu de rythme ce qui m'a quelque peu ennuyé.

La construction en 3 parties nous permet de suivre les péripéties de Ray Carney, propriétaire d'un magasin de meubles, bien sous tout rapport en apparence, mais dont il vaut mieux ne pas trop gratter la surface. "Carney n'était pas un voyou, tout juste un peu filou..."

Nous sommes dans le Harlem noir.
D'abord en 1959, année où Carney se laisse embarquer dans un cambriolage par son cousin.
Puis en 1961, où il veut se hisser dans l'échelle sociale mais s'étant fait truander pas un homme puissant, il ne va avoir de cesse de se venger de celui-ci.
Et enfin en 1964, où un flic blanc tue un homme noir provocant de violentes émeutes. Carney essayera de passer à travers les mailles du filet en continuant tranquillement ses petites magouilles inoffensives, mais c'est sans compter sur son cousin qui a le don d'attirer les graves problèmes et de l'y entraîner.

Entre petites et grosses magouilles, un anti-héros qui se retrouve souvent malgré lui à baigner dans les embrouilles. L'auteur dépeint le Harlem noir des années 60 avec des personnes hauts en couleur, des malfrats de toutes catégories, des policiers plus ou moins véreux, des toxicos, des prostituées, c'est le Harlem des pauvres et de la débrouille. Racket, recel, intimidations, vols, règlements de compte, meurtres, il ne manque rien à ce cadre idyllique. La question raciale, la place des Noirs dans la société américaine, sont également abordées.

C'est un roman dense, peut-être trop, qui peut perdre le lecteur si on n'y prend pas garde, mais c'est une peinture sûrement très réaliste, vivante et intéressante de ces années là à Harlem que l'auteur a su nous livrer.


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Au début c'est vrai, j'ai eu un peu de mal.
Du mal à suivre le rythme effréné de Colson Whitehead et de son étonnante "visite guidée" à travers New-York, cette fourmilière démente qui l'a vu grandir et dont il semble connaître les moindres recoins (même - et surtout ! - les moins clinquants).
Du mal à m'orienter dans ce dédale bouillonnant, du mal à faire le lien entre les personnages et leurs divers trafics.
Du mal enfin à m'acclimater à un style singulier, vif et imagé, où abondent les noms propres, les références aux rues et quartiers de la ville, aux figures notoires des années 1960, ou encore aux différents modèles de canapés Airform, de tables basses Collins-Hathaway et autres luminaires Silver proposés par Ray Carney dans son magasin d'ameublement.
Au début donc, ça surprend ; on se demande si l'ouvrage qu'on tient dans les mains est l'oeuvre d'un romancier deux fois récompensé du prix Pulitzer, ou bien le dernier catalogue Ikea.

Et puis très vite, on s'y fait !
En quelques chapitres, j'ai levé mes réserves initiales, j'ai accepté de me perdre dans cette ville immense, d'entendre ses râles et son bourdonnement, de voir son coeur pulser, de me laisser guider entre "uptown" et "downtown", d'arpenter de long en large les trottoirs de la 125ème rue et de pousser la porte du fameux magasin de meubles puisque c'est là, dans cette modeste boutique d'allure respectable, que se trame la plupart des affaires louches qui constituent l'essentiel du roman.
En trois temps (1959, 1961, 1964) et autant de grands chapitres, nous assistons en effet à trois coups fumeux impliquant Ray et son cousin Freddie, ainsi qu'à une myriade d'arnaques et d'embrouilles périphériques ourdies tantôt par des petits malfrats, tantôt par de plus gros truands. Sous la plume particulièrement vivante de Colson Whitehead (qui n'hésite pas à "soulever les rochers pour voir ce qui grouille en dessous"), loin des gratte-ciels emblématiques et des hôtels de luxe, New-York se révèle alors tumultueuse, crasseuse et délabrée, livrée aux junkies et à la corruption, rongée par les inégalités et les discriminations raciales...
Dans ce contexte difficile, rien d'étonnant à ce que même les travailleurs prétendument "honnêtes" tels que notre vendeur de fauteuils se voient un jour ou l'autre tentés par l'appât du gain et les combines douteuses ! Il est Noir peut-être, mais lui aussi veut sa part du rêve américain, lui aussi a une femme, des enfants et des projets de déménagement vers un coin plus tranquille, alors quand son cousin Freddie, canaille notoire avec qui il faisait jadis les quatre cent coups, lui propose d'arrondir ses fins de mois ou le supplie de le tirer d'un ènième mauvais pas, le bon père de famille franchit le Rubicon...

C'est le début d'une trépidante cascade de mésaventures que j'ai pris grand plaisir à suivre !
À la suite de Ray, personnage complexe et ambigu, j'ai découvert le Harlem de l'ombre et pénétré l'envers du décor. Comme dans une salle des machines secrète, ceux qui détiennent le pouvoir y "actionnent leurs leviers et leurs pédales", tandis que les autres s'exécutent, complotent ou s'affairent à d'obscures tractations, et à l'image de nos deux larrons, chacun y va de son petit ou de son gros trafic ("aux quatre coins de la ville, des gens comme eux, une armée entière de conspirateurs et de génies nocturnes, affinaient leurs magouilles. Ils étaient des milliers et des milliers à trimer et à intriguer dans des appartements, des meublés et des bouis-bouis ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, attendant le jour où ils mettraient enfin leurs plans à exécution").
Tout ça est proprement jubilatoire !

De plus, comme toujours dans l'oeuvre de Whitehead, la question des inégalités sociales n'est jamais bien loin, et l'auteur ne manque pas d'inscrire son roman dans un contexte historique bien documenté, en plein coeur du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis. La mort du jeune Noir James Powell, abattu en pleine rue en juillet 1964 par un policier en civil, et les émeutes qui par la suite ont embrasée New-York, sont ainsi parfaitement décrites et confèrent au texte une force supplémentaire.

Inarrêtable dès qu'il s'agit de croquer dans la Big Apple, de décrire ses façades et ses rues, sa topographie, ses commerces et ses métros, ses boîtes de jazz et ses rades miteux, Colson Whitehead a su une fois encore se renouveler.
Après un démarrage un peu délicat, je n'ai finalement eu aucun mal à me laisser embarquer dans ce récit dense et foisonnant, dont j'ai achevé la lecture à regret ... avant d'apprendre que l'auteur n'en avait pas fini avec son "travail d'archéologie du quartier de Harlem" et que son roman s'inscrivait dans une trilogie dont le second tome devrait paraître sous peu !
Hourra !
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