Le MEDECIN : Miss Catherine, est-ce vous la haïssez ?
CATHERINE : Je ne sais pas ce qu’est la haine. Peut-on haïr quelqu’un et demeurer sain d’esprit ? Vous voyez, je continue à penser que je suis saine d’esprit !
CATHERINE. – Où en étais-je ? Ah oui, à ce déjeuner de cinq heures de l’après-midi dans un restaurant de fruits de mer devant le port de Cabeza de Lobo, situé entre la ville et la mer, et il y avait des enfants nus tout le long de la plage qui était séparée du restaurant par une clôture en fils de fer barbelés, notre table était à moins d’un mètre de la clôture qui tenait les mendiants en respect... Il y avait des enfants nus tout le long de la plage, une bande d’enfants tout nus, affreusement maigres et noirauds, on aurait dit une volée d’oiseaux déplumés, et ils venaient se coller contre le grillage comme s’ils étaient propulsés par le vent, le vent chauffé à blanc qui venait de la mer.
CATHERINE : Aucun asile de fous n’est un endroit agréable et charmant.
Mrs HOLLY : Mais la nourriture y est bonne. N’est-ce pas que la nourriture y est bonne?
CATHERINE : Fais-moi juste un mot d’excuses pour dire que j’ai le droit de ne pas manger du gruau de maïs frit. J’avais le droit de me promener dans la cour jusqu’au jour où j’ai refusé de manger du gruau de maïs frit.
MRS VENABLE. – Voyez-vous, au sens strict, sa vie était son métier.
LE MÉDECIN. – Je vois.
MRS VENABLE. – Non, vous ne voyez pas, pas encore, mais avant la fin de cette conversation, vous verrez. Sébastien était poète. C’est ce que je voulais dire quand je vous ai dit que sa vie était son travail parce que le travail d’un poète c’est sa vie, et... vice-versa, la vie d’un poète c’est son travail, vous ne pouvez pas les séparer