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EAN : 9782264036674
256 pages
10-18 (20/02/2003)
3.97/5   75 notes
Résumé :
"Nous vivons tous dans une maison en feu, et personne pour éteindre celui-di, et pas la moindre issue, uniquement les fenêtres du dernier étage, par lesquelles regarder au-dehors, pendant que le feu consume la maison et nous-mêmes qui y sommes enfermés, pris au piège..." Ayant perdu le bon "usage" de l'amour et de la haine, les personnages de Tennessee Williams se débattent dans l'enfer des autres. Parce que "la vérité est au fond d'un puits sans fond...".
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La Louisiane de Tennessee

L'auteur de “Un Tramway Nommé Désir”, prolifique dramaturge américain, semble avoir quelques leitmotivs et “Suddenly Last Summer” écrit en 1958, prenant place quelque part à la Nouvelle Orléans et adapté au cinéma avec Liz Taylor, Monty Clift et “The Great Kate” (Hepburn bien sûr), ne déroge pas à la règle : démence, violence, ironie et fragilité exacerbée.

Le lecteur plonge dans une atmosphère rongée par le poids du secret. Il pèse sur les épaules de personnages instables, au bord de la folie. Encore un thème récurrent pour Williams, qui écrit à une époque où la psychanalyse émerge et ses méthodes expérimentales les plus violentes ont encore toute licence.

Le personnage de la mère joue un rôle central, revancharde et drapée dans son déni, on sent une relation privilégiée mais désaxée avec son fils disparu, parallèle intéressant avec la relation mère-fils dans “La Ménagerie de Verre”, autre grande pièce de Williams, la dimension autobiographique fait indéniablement intrusion dans l'oeuvre.

Egalement avec le fils disparu de cette mère en deuil, Sebastian, comment ne pas voir y une analogie patronymique avec Saint-Sébastien, idole queer avant l'heure… L'homosexualité du personnage, toujours tue, toujours sue, hante comme une ombre le récit, thème là-encore qui n'est pas inédit pour le dramaturge, lui-même homosexuel, qui fait plus qu'évoquer l'homosexualité dans sa pièce, il la théâtralise, en fait une des clés de l'intrigue et s'ingénie à la ceindre de mystère et d'évocations alambiquées, dans une atmosphère de scandale étouffé.

C'est aussi le thème de “La chatte sur un toit brûlant” mais seulement là où l'adaptation cinématographique avec Paul Newman et Liz Taylor interdisait toute allusion à ces aspects de la pièce, celle de “Soudain l'été dernier” fut plus libérale et reçu l'accord du Code de production du cinéma (qui imposait de soumettre toute oeuvre cinématographique avant sa sortie à une éventuelle censure) concluant que puisque le film décrivait l'horreur d'une vie dissolue, il pouvait être considéré comme moral, voyez…

Son “mode de vie” présida sans doute à la disparition de Sebastian Venable, dont le trépas convoque pour l'imaginaire une sorte de tableau allégorique fascinant et horrifiant, après un dernier été à Barcelone (où l'auteur et son compagnon passèrent aussi quelques vacances)… une pièce à lire entre les lignes (et n'oubliez pas l'anti-moustique, nous sommes en Louisiane…).

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On a tous en tête le maillot blanc de Liz dans le film vénéneux de Mankiewicz…

Mais voir au théâtre la pièce de Tennessee Williams – qui détestait cette brillante adaptation cinématographique de son oeuvre- est une expérience bien différente.

Plus d'images qui focalisent la vision en fixant dans la réalité ce qui est peut-être un fantasme ou une vérité relative . Plus de plans audacieux sur les rues blanches de Cabeza de Lobo : rien qu'une scénographie qui se ferme ou se dépouille au gré d'une parole toute proche de la folie et toujours ouverte à la poésie.

Violet Venable est une femme en bout de course, qui se veut la grande prêtresse de la mémoire de son fils, auquel elle voue un culte aveugle. Catherine, sa nièce, détient une autre vérité sur ce fils disparu, le bien nommé Sébastien : elle l'a vu mourir. Et n'a pu empêcher sa mort qui, à bien des égards, ressemble à un suicide ou à un sacrifice doloriste quelque peu pervers. Pauvre Sébastien, dévoré par les enfants pauvres qu'il a pourtant attirés à lui en les appâtant par l'entremise de Catherine vêtue – ou plutôt dévêtue- par le célèbre maillot blanc, devenu transparent dans les flots…

Dévoré…

Toute la pièce est sous le signe de la dévoration : dévoration naturelle – et hautement allégorique- des bébés tortues sur les îles Encantadas -au nom bien fallacieux- décimés par les oiseaux de mer, le jour de l'éclosion de leur oeuf protecteur. Dévoration incestueuse de Sébastien par une mère castratrice, prête à tout pour garder près d'elle ce garçon solitaire, ce garçon poète, à la sexualité refoulée, inavouable et tourmentée. Dévoration du fils par ces « ragazzi »… espagnols, (comme ce fut le cas plus tard par le poète italien, Pasolini sur les bords du Tibre) : un poète transgressif pris au piège de ses propres fantasmes. Dévoration de Catherine qui glisse insensiblement vers la folie -ou vers la lobotomie qui cruellement l'en délivrerait- pour avoir été l'appât manipulé de cette mise à mort.

La mise en scène de Stéphane Braunschweig est excellente : le décor, un jardin tropical et primitif – la jungle des pulsions humaines mises à nu- se transforme en cellule capitonnée pour agités au fur et à mesure qu'on entre dans les discours déments –ou réels ?- de ces deux femmes qui se disputent l'amour d'un homme qui, comme Tennesse Williams, n'aimait que les hommes.

Il était difficile d'oublier Kathrin Hepburn, la mère dévoreuse, Montgomery Clift le psy au regard fiévreux, et surtout Liz Taylor si charnelle et vibrante en Catherine Holly, dévastée par le chagrin et le remords.

Et pourtant, sur la scène de l'Odéon, les trois interprètes principaux de Soudain l'été dernier, y parviennent très bien : Luce Mouchet campe une mère dédaigneuse et vaguement snob, aveuglée et rigide, Jean-Baptiste Anoumon un docteur « Sugar » plus empathique et attentif que l'inquiétant Montgomery. Quant à Marie Rémond, c' est une étonnante Catherine, fragile, enfantine, nerveuse, agitée, angoissée - moins solaire et moins femme que Liz, et sans doute plus proche du rôle écrit par Tennessee en souvenir d'une jeune soeur schizophrène que leur mère, au grand désespoir du dramaturge, fit effectivement lobotomiser…

Elle fait complètement oublier Liz Taylor et m'a paru redonner au rôle, à la mise en scène , à la pièce toute sa vérité par une entière fidélité au texte, où les images naissent de la parole, et où la parole jaillit, irrépressiblement des profondeurs obscures de l'inconscient.
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"Il y avait un accord entre nous, une sorte de contrat ou de pacte, qu'il a rompu l'été dernier quand il s'est détaché de moi et qu'il a décidé de l'amener, elle à ma place."

Et il est bien là le problème pour cette mère à l'amour écrasant. Pourquoi son fils accessoirement poète a-t-il préféré amener, cette fois, sa cousine en vacance plutôt qu'elle qui l'idolâtre ? Cette mère est-elle ignorante ou se doute-t-elle de la raison (de l'abandon) même si cela l'afflige ? On dit que la vérité libère alors la cousine, fraichement accompagnatrice payera-t-elle le prix en la divulguant ?

L'art de dire beaucoup en si peu de mots. Tennessee Williams ne déroge pas à la règle avec cette pièce brève et intense. J'ai malheureusement eu du mal à comprendre la mère et le fils.
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Ce livre contient deux pièces de Tennessee Williams, "Soudain l'été dernier" et "Le train de l'aube ne s'arrête plus ici".

J'aime tout dans ce théâtre. Plus que Shakespeare, plus que les classiques français. Pour moi, il y a Tennessee Williams et le Faust de Goethe... Ah ! et aussi Don Juan de Molière, et Mademoiselle Else d'Arthur Schnitzler. Mais ce n'est pas une pièce de théâtre. Ça pourrait.

Je suis tellement émerveillée par cette puissance de révélation de l'âme humaine et du tragique que je ne sais trop quoi en dire : silence respectueux.

Si quand même : il y a l'omniprésence de la mort, que chaque être ne rencontre qu'une fois et qui le hante pourtant.

Parfois quelqu'un vous aide à passer le seuil, parfois non. Mais il y a pire que la mort, et c'est l'absence en pleine vie, celle qui résulte d'une opération chirurgicale pratiquée directement dans le cerveau et qui vous ôte à vous-même.

C'est terrible, c'est la terrible condition humaine, et on ne sait même pas si on a été aimé une fois.

Lecture ravageante. Exponentielle. Qui vous conduit droit en enfer ou à l'acquiescement.
---
Mrs Goforth : Pas la moindre révélation ? Il n'avait pas la moindre révélation à faire ?

Chris : Si, cette nuit-là, c'était le silence, la signification du silence.

Mrs Goforth : le silence ? la signification du silence ? C'est-à-dire ?

Chris : L'acceptation.

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J'en ai des frissons, comme en écoutant l'Ave Maria de Schubert interprété par une voix féminine ou une chanson des Doors.

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☀ « Ce n'était pas la folie des grandeurs, c'était la grandeur elle-même. »
(P.34)

☀ le soleil est haut dans le ciel, l'après-midi touche à sa fin, nous sommes en automne. Il fait étonnamment lourd, la lumière du soleil est aveuglante et l'on peine à fixer l'étoile à son zénith sans plisser les yeux, sans élever dans les airs une main qui ferait écran : cette ambiance étrange, dans cette demeure de la Nouvelle-Orléans est annonciatrice d'un drame à venir, d'une vérité prête à éclater et dont on voudrait se protéger. Mais il n'est aucune main qui puisse faire taire les paroles que l'on s'apprête à entendre...

☀ Sébastien est mort. Soudainement, l'été dernier. Sa mère, Violette Venable, ne s'en est toujours pas remise : il faut dire que mère et fils formaient un duo fusionnel, Violette et Sébastien, Sébastien et Violette, un couple bien plus intrigant que conformiste, déchaînant foules et cancans à chacune de leur apparition. Cette relation oedipienne s'est pourtant fragilisée après que Violette eut une attaque : pour ses vacances d'été, Sébastien remplaça sa mère par sa cousine pour un voyage qui lui fut fatal. Aujourd'hui, en cette après-midi écrasante, l'atmosphère est poisseuse et sale, et aucune fleur du merveilleux jardin de cette résidence ne saura masquer la vilénie de chacun des personnages. Entre soif d'héritage, besoin de vengeance et cri de défense, les mots que s'apprêtent à échanger les membres de cette famille fracassée par la disparition du beau Sébastien s'avèrent être des armes à double tranchant... à moins que le doux et gentil docteur Sucre n'accepte de faire taire l'une d'entre eux à tout jamais ?

☀ Il faut dire que chacun des personnages est habité par une rage dévorante, pernicieuse et fallacieuse. La rage d'une mère, désemparée par la perte d'un fils idéalisé et idolâtré, emporté dans la fleur de l'âge ; la rage d'un cousin dont les yeux voient danser devant lui un héritage à portée de main ; la rage d'une cousine, amoureuse, dévastée elle aussi, et qui meurt de parler, de dire et raconter ce fameux été, la chaleur et la perversion, le corps qu'on utilise pour attirer d'autres corps, le mal à l'âme, jusqu'au drame. Oui, il est des vérités que l'on ne saurait entendre, des bouches que l'on voudrait faire taire et des mots que l'on ferait ravaler. La vérité brûle parfois, comme un soleil ardent et salé sur une blessure à vif.

☀ « La vie de la plupart des gens... est-ce rien de plus qu'une traînée de déchets, chaque jour quelques déchets de plus, de longues, longues traînées de déchets jusqu'au grand nettoyage final, la mort...? »
(P.35)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Madame Venable

Enfin ! la vérité commence à sortir. Il y avait un accord entre nous, une sorte de contrat ou de pacte, qu'il a rompu l'été dernier quand il s'est détaché de moi et qu'il a décidé de l'emmener, elle, à ma place ! Quand il avait peur, quand je savais qu'il avait peur et de quoi il avait peur, parce que ses mains tremblaient et que son regard se tournait vers l'intérieur, je tendais ma main par-dessus la table et je touchais ses mains avec ma main jusqu'à ce que ses mains cessent de trembler et que son regard se reporte sur l'extérieur, et le lendemain matin, le poème se remettait à avancer. A avancer jusqu'à ce qu'i soit fini !
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Sébastien était poète ! C'est ce qu'il faut comprendre, quand je dis que sa vie était son travail, parce que le travail d'un poète est la vie d'un poète et . . . vice versa, la vie d'un poète est le travail d'un poète ; je veux dire : ils sont inséparables, je veux dire . . .
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Nous sommes tous des enfants, dans une immense école maternelle, où nous essayons d'épeler le nom de Dieu avec des cubes marqués d'un alphabet qui ne convient pas!
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Mais le ciel lui aussi grouillait…
Et la plage tout entière était vivante, tout entière – vivante ! avec les jeunes tortues qui se précipitaient vers la mer, tandis que les oiseaux planaient au-dessus d’elles, attaquaient en piqué, remontaient planer, puis attaquaient en piqué. Ils s’abattaient sur les jeunes tortues, les retournaient, exposaient leur ventre tendre, crevaient ce ventre à coup de bec, déchiquetaient et dévoraient la chair
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Nous nous utilisons tous les uns les autres, et c'est ce que nous appelons l'amour - et quand nous ne pouvons plus nous utiliser, c'est... c'est ce que nous appelons la haine...
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« Un tramway nommé Désir » de Tennessee Williams, c'est à lire en poche dans la collection Pavillons.
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