L'explication du titre nous l'avons dès cet exergue : «
Les oranges ne sont pas les seuls fruits » Nell Gwynn.
Cela reste quelque peu mystérieux, même si, en regard, un autre extrait de « L'art de préparer la marmelade » de Mrs. Beeton annonce : « Lorsque l'on utilise des écorces épaisses, la surface doit être écumée soigneusement, car sinon il se forme une mousse qui gâtera l'aspect final ». Est-ce que la romancière entend comparer son travail d'écriture à la préparation d'une bonne confiture ? Si c'est le cas, j'ai trouvé le résultat délicieux.
La trame est tout sauf linéaire, car la romancière y insère des épisodes étranges. Elle parle elle-même d'une narration en spirale.
La narratrice du roman (le double fictionnel de Jeanette Winterson) vit dans un petit village en Angleterre. Sa mère l'a adoptée : c'est une protestante convaincue et pratiquante tout aussi convaincue, comme la plupart des habitants du village, ou du moins ceux que sa mère fréquente. Elle se lie d'amitié avec la vieille Elsie Norris et a des problèmes à l'école. Son institutrice, Mrs. Virtue lui reproche d'être obsédée par les figures divines. À l'église, par contre, elle devient vite une figure de proue des réunions. Elle tombe amoureuse de Mélanie, la fille du poissonnier, mais elle est bientôt découverte par sa mère, qui lui fait subir un exorcisme par le pasteur du coin (à noter que l'aura de celui-ci est orange). Mélanie subit un traitement similaire et se repent, brisée. Quelques temps plus tard, elle la revoit sur le point de se marier. La narratrice a, ensuite, une liaison avec Katy et quitte la maison, travaille les soirées et les week-ends. Plus tard, elle va à l'université, revoit Mélanie, qui mentionne l'insignifiance « historique » de leur liaison. Puis, elle retourne une dernière fois au village chez ses parents : elle s'entend avec son père, mais sa mère est toujours aussi obsédée par la religion.
Le thème essentiel du livre est l'homosexualité féminine, l'intolérance qu'elle engendre chez les femmes. La religion est omniprésente et constitue un ferment d'intolérance. Ses fruits sont moins doux que ceux de l'amour, mais pas forcément négligeables.
Les hommes sont quasiment inexistants comme le père par exemple.
S'agissant des éléments autobiographiques, on peut noter une certaine ambivalence, car selon les propres dires de la romancière le livre ne le serait pas, il l'est pourtant (inspiré par la vie de la romancière). Il s'agit certainement du pouvoir de « transfiguration » de la littérature, fiction par essence.
L'image du bonheur est double aussi puisque celui de Mélanie plus tard qualifiée de « bovin » est opposé à
la passion (ardente) de Jeannette, qui voudrait déchirer ses vêtements dans la rue pour lui rappeler son corps.