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Citations sur Médée (25)

Elle connaissait mieux le monde que nous. Elle n'avait pas besoin de quitter son île, on venait la voir, les bateaux de nombreux pays sillonnaient cette partie de la Méditerranée, dans les tavernes de tous les ports on parlait de Circé. Sais-tu ce qu'ils cherchent, Médée ? me demanda-t-elle. Ils cherchent une femme qui leur dise qu'ils ne sont coupables de rien ; que ce sont les dieux, que le hasard leur fait adorer, qui les ont entraînés dans ces aventures. Que la trace de sang qu'ils laissent derrière eux est indissociable de cette virilité que les dieux leur ont assignée. De grands enfants, de terribles enfants, Médée. Et cela ne fait que s'aggraver, crois-moi. Et ce garçon-là, auquel tu t'es raccrochée, lui aussi bientôt se cramponnera à toi. Le mal est déjà en lui. Mais ils ne peuvent pas supporter le désespoir. Ils nous ont dressées au désespoir et il faut bien que l'un ou l'une d'entre nous porte le deuil. Si la terre n'était remplie que du fracas des batailles et des hurlements et gémissements des vaincus, tu ne crois pas qu'elle cesserait de tourner ?
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Jason :
Le serpent. Je rêve encore de lui. Le monstre de Colchide dont la longueur monstrueuse s’enroule autour du chêne, dans mon rêve je le vois tel que mes hommes le décrivent : à trois têtes, aussi gros que le tronc de l’arbre, crachant du feu bien entendu. Je ne pourrais pas le jurer, il se peut que dans la fièvre du combat je n’aie pas tout remarqué et les Corinthiens aiment qu’on leur raconte que dans l’Est sauvage les animaux aussi sont effrayants et indomptables et ils frissonnent de peur quand on leur dit que les Colchidiens ont des serpents près de leur âtre en guise de dieux domestiques et qu’ils les nourrissent de lait et de miel. S’ils savaient, ces braves Corinthiens, que même ici ces étrangers n’ont pas renoncé à leur coutume et continuent en cachette à garder des serpents chez eux et à les nourrir. Mais il est vrai qu’ils ne pénètrent jamais dans les misérables logis des étrangers au bord de la ville ou dans la demeure de Médée, comme je le fais quand de nouveau l’envie me prend d’y retourner et qu’une petite tête de serpent me fixe de ses yeux d’or sombre, sortant des cendres de l’âtre de Lyssa, jusqu’à ce que cette dernière la fasse disparaître d’un léger claquement de mains. Ils savent apprivoiser les serpents, c’est la vérité, je l’ai vu de mes propres yeux. J’ai vu Médée s’accroupir contre le tronc de ce chêne imposant, j’ai vu le serpent se pencher vers elle en sifflant, mais quand Médée a commencé à fredonner à voix basse, puis à chanter une mélodie qui a apaisé le monstre, elle a pu lui verser sur les yeux quelques gouttes de sève d’une branche de genévrier fraîchement coupée qu’elle portait dans un petit flacon, ce qui endormit le dragon ou devrais-je dire la dragonne. Le nombre de fois qu’il m’a fallu raconter comment j’ai grimpé à l’arbre, pu saisir la toison et redescendre sans encombre et chaque fois l’histoire s’est un peu modifiée, en fonction des attentes de ceux qui m’écoutaient pour qu’ils aient vraiment peur et qu’ils puissent à la fin être vraiment soulagés. Au point que je ne sais plus exactement moi-même ce qui m’est arrivé dans ce bosquet, près de ce chêne avec le serpent, mais de toute façon plus personne ne veut en entendre parler. Le soir ils sont assis près des feux de camp, reprenant des chansons sur Jason le tueur de dragons, je passe parfois à côté d’eux, cela leur est égal, je crois qu’ils ne savent même pas que c’est moi qu’ils célèbrent par leurs chants ».
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« Je suis partie avec Jason parce que je ne pouvais plus rester dans cette Colchide perdue, corrompue. C’était une fuite. Et voilà que j’ai vu sur le visage du roi Créon de Corinthe la même expression de présomption et de crainte qu’on repérait vers la fin sur les traits de notre père Aiétès. Il ne pouvait pas soutenir mon regard pendant les rites funèbres célébrés pour toi, son fils sacrifié. Le roi d’ici ne connaît nul remords quand il fonde son pouvoir sur un sacrilège, il soutient sans sourciller le regard de quiconque. Depuis qu’Akamas m’a emmenée, traversant le fleuve dans la ville des morts où les Corinthiens riches et célèbres sont enterrés dans de pompeuses chambres funéraires. Depuis que j’ai vu ce qu’ils leur donnent pour qu’ils puissent accomplir leur chemin jusqu’au royaume des morts, et aussi pour qu’ils s’en paient l’accès, de l’argent, des bijoux, de la nourriture, des chevaux même, parfois des serviteurs, depuis lors je ne puis voir cette superbe Corinthe que comme le miroir périssable de cette cité éternelle des morts et il me semble que ce sont eux qui règnent également ici, les morts. Ou bien c’est la peur de la mort qui règne. Et je me demande si je n’aurais pas dû rester en Colchide.
Mais voilà que la Colchide me rattrape. Tes ossements, frère, je les ai jetés à la mer. Dans notre mer Noire que nous aimions et que tu aurais désiré avoir comme tombeau, j’en suis sûre. Face aux navires de la Colchide lancés à notre poursuite et sous le regard de notre père Aiétès, moi, debout sur l’Argo, j’ai jeté un à un tes ossements à la mer. C’est alors qu’Aiétès fit faire demi-tour à la flotte colchidienne, pour la dernière fois je vis ce visage familier, pétrifié de terreur. Mes Argonautes eux aussi ont été saisis par cette image : celle d’une femme qui, en poussant des cris sauvages, jette à la mer, contre le vent, les os d’un mort qu’elle avait emportés. Tu ne devrais pas t’étonner, me dit Jason, si cette image leur revient maintenant à l’esprit et s’ils ne savent plus ce qu’ils doivent penser, au point de ne pas vouloir témoigner en ta faveur. Vous me croyez donc capable, lui ai-je demandé, d’avoir tué mon propre frère, de l’avoir déchiré pour le mettre en morceaux pour l’emporter dans un sac de peau pendant ce voyage ? Il s’est tortillé, mon bon Jason. J’attends encore sa réponse. »
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C’était curieux. Ce que Chiron m’avait enseigné, la bonne médecine que Médée pratique, j’ai commencé à l’oublier. Cela ne m’est d’aucune utilité ici. Ici [à Corinthe] je dois être parfaitement au courant de ce qui se passe au palais, c’est d’une importance vitale pour nous et c’est ce qu’elle se refuse à comprendre
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Lorsque je traversai le champ où elles avaient dispersé tes membres déchiquetés, ces vieilles folles, lorsque à la nuit tombante, j’errai en larmes sur ce champ et rassemblai, pauvre frère écorché, tes restes, morceau par morceau, os après os, j’ai soudain cessé de croire. Comment pouvions-nous revenir sur cette terre sous une forme nouvelle. Pourquoi les membres d’un mort, dispersés sur ce champ, devraient-ils le rendre fertile. Pourquoi fallait-il que les Dieux qui ne cessent de réclamer de nous des preuves de reconnaissance et de soumission, nous fassent mourir pour nous renvoyer ensuite sur la terre. Ta mort m’a ouvert les yeux, Absyrtos. Pour le première fois, l’idée qu’il me faudrait un jour cesser de vivre me fut une consolation. Je pouvais abandonner cette foi née de la peur ; ou plus exactement, ce fut elle qui me rejeta
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Il est ridicule de croire qu’on va rendre les gens meilleurs en leur disant la vérité sur eux. C’est alors qu’ils perdent courage et deviennent récalcitrants, dissolus, ingouvernables ; C’est pourquoi je suis convaincu qu’il était juste, que c’était la seule décision juste, de procéder en secret au sacrifice d’Iphinoé et qu’il convient de féliciter ceux qui l’ont ordonné et ceux qu l’ont exécuté pour avoir accepté de prendre sur eux, pour nous tous, ce lourd fardeau
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D’ailleurs tu n’auras plus beaucoup de joie. Ainsi vont les choses : non seulement ceux qui doivent supporter l’injustice mais également ceux qui commettent des injustices ne peuvent prendre plaisir à la vie. D’ailleurs je me demande si le désir de détruire d’autres vies ne provient pas de l’absence de désir et de joie éprouvée dans sa propre vie
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Où vais-je aller. Y a-t-il un monde, une époque où j’aurais ma place ? Personne ici à qui le demander. Voilà la réponse
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Celui qui se sert de ses mains doit les plonger dans le sang, qu'il le veuille ou non.
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L'aveu de notre détresse, c'est par là que nous devrions commencer.
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