New Teen titans : 1980-1981

Il s'agit du premier tome de la réédition de la série The new teen Titans (en abrégé TNTT). Il contient les épisodes 1 à 8, ainsi que le prologue paru dans "DC Comics presents" 26, initialement publiés en 1980, coécrits par Marv Wolfman et George Pérez, dessinés par Perez, et encrés par Romeo Tanghal. Les exceptions sont les suivantes. DC Comics presents 26 et l'épisode 1 de TNTT ont été encrés par Dick Giordano. Curt Swan a dessiné l'épisode 5. Frank Chiaramonte a encré l'épisode 3, et Pablo Marcos a encré l'épisode 6. Ce tome commence par une introduction de 3 pages rédigée par Marv Wolfman en 1998. À l'exception de 2 épisodes (6 et 7), la mise en couleurs a été réalisées par Adrienne Roy.

Alors que Robin (Dick Grayson) s'apprête à donner un coup de main à la police et aux pompiers pour un incendie dans les laboratoires STAR, il perd connaissance et a des visions d'une nouvelle équipe des Jeunes Titans, menée par lui-même, et composée de Changeling (Garfield Logan), Wonder Girl (Donna Troy), Kid Flash (Wally West), Cyborg (Victor Stone), Starfire (Koriand'r), et Raven (Rachel Roth). Il n'a pourtant jamais rencontré ces 3 derniers personnages. À la fin de l'intervention sur l'incendie, il reçoit les remerciements de Silas Stone.

Raven va bel et bien réunir ces 6 jeunes superhéros pour reformer l'équipe des Titans (ils ne se qualifient jamais de Jeunes Titans). Ils vont lutter contre une invasion extraterrestre, puis contre Ravager (Grant Wilson, employé par l'organisation secrète H.I.V.E.) et Deathstroke (Slade Wilson), contre les Fearsome Five (Doctor Light, Gizmo, Psimon, Shimmer et Mammoth), contre Trigon, et même contre la Justice League of America (Batman, Hawkman, Wonder Woman, Zatana et Green Lantern). Ils feront également la connaissance d'Arella, Terrance (Terry) Long, William Randolph Wintergreen et de Carol.

L'histoire veut que la série des Teen Titans ait concurrencé celle des Uncanny X-Men à la même époque (c'est-à-dire en même temps ou juste après la Saga du Phénix Noir) en termes de vente et de notoriété. Il s'agit donc d'une série historique de l'éditeur DC. C'est également le tandem de Marv Wolfman & George Perez qui s'occupera d'intégrer les différentes continuité de DC en une seule et unique, au cours de Crisis on infinite Earths, une maxisérie (12 épisodes) révolutionnaire pour l'époque, en termes de nombre de personnages concernés, et en termes d'impact sur toute la gamme de l'éditeur (remise à zéro de personnages comme Superman et Wonder Woman).

En commençant, le lecteur constate qu'il s'agit d'une narration fortement datée. La densité des phylactères et des cellules de texte est plus importante qu'un comics actuel. Les épisodes comprennent 25 pages au lieu de 20 pour ceux des années 2000/2010. Il faut donc 2 fois plus de temps pour lire un épisode des Teen Titans de 1980, qu'un de ceux de nos jours. Marv Wolfman se sert de cette quantité de textes pour expliquer, rappeler, et parfois même dire ce que montre une partie du dessin. Pour passer outre cette forme, il faut que le lecteur soit motivé par l'envie de découvrir une série qui a fait date dans l'histoire des comics.

Les costumes des superhéros présentent la même marque du temps qui est passé. Dick Grayson porte encore son costume rouge vif, avec une cape jaune vif, et les jambes à l'air. Wally West est lui aussi paré de couleurs primaires, jaune et rouge, discrétion assurée. Raven et Wonder Girl sont en talons hauts, pratique pour les affrontements physiques. Les gadgets du corps de Cyborg doivent être manipulés pour pouvoir fonctionner, et son projecteur de bruit blanc revient un peu souvent. Changeling peut prendre la forme de tous les animaux possibles, sans question de conservation de masse ou de volume, de l'abeille (épisode 1) à l'éléphant (épisode 6). Les pouvoirs de Raven bénéficient d'une imprécision laissant une belle plage de liberté au scénariste pour tirer quelques effets de son chapeau... jusqu'à l'épisode 8 où le lecteur apprend qu'en fait sa forme astrale ne peut pas quitter son corps plus d'une heure (limitation qui n'était pas évoquée dans es 7 épisodes précédents).

Marv Wolfman souhaite écrire une série mettant en scène des adolescents pour parler au coeur de cible des lecteurs de comics de l'époque. Il n'hésite pas à en rajouter dans le pathos pour être sûr de se faire comprendre, que son intention passe bien la page. Ainsi chaque émotion est surjouée, les conflits émotionnels abondent y compris entre les membres du groupe. Les personnages se retrouvent à déclamer comme sur une scène de théâtre afin d'exposer leurs tourments, avec bulles de pensées explicatives.

Il faut dire que le scénariste n'y va pas avec le dos de la cuillère pour tourmenter ses personnages. La plupart se débattent dans une tragédie grecque personnelle. Raven doit se battre contre son père, conquérant tyrannique, sans l'appui de sa mère, retirée du monde. Koriand'r a été réduite en esclavage. Vic Stone s'est retrouvé avec un corps à moitié mécanique de la faute de son père, dans un accident duquel sa mère n'a pas réchappé. Donna Troy a été sauvée d'un incendie par Wonder Woman, alors qu'elle portait encore des couches, et personne d'autre n'y a survécu. C'est du lourd. Dick Grayson a vu ses parents trapézistes mourir sous ses yeux lors de leur numéro sous le chapiteau.

Marv Wolfman et George Pérez avaient pour objectif de moderniser le concept des Titans et d'en faire une équipe de personnages indépendants de leurs tuteurs habituels. Effectivement ces derniers sont rapidement évoqués pendant les courts rappels d'origine (en particulier un Bruce Wayne en train de fumer sa pipe dans son fauteuil, dans le salon du manoir Wayne). Puis on les voit apparaître pour un affrontement physique le temps de quelques pages dans l'épisode 4 (le temps de montrer que leurs protégés peuvent leur tenir tête). Pour tout le reste les jeunes assistants sont autonomes. Wolfman résout la question du QG et de son financement rapidement (en donnant les explications nécessaires dans l'épisode 7). Chaque Titan conserve sa propre vie privée, plus ou moins dissociée de l'équipe (plus pour Wally West, Dick Grayson, Donna Troy, Vic Stone et Garfield Logan, moins pour Rachel Roth et Koriand'r).

Le scénariste donne un rôle et une personnalité à chacun, avec des liens interpersonnels développés dès le début. Il n'y a pas 2 Titans qui jouent le même rôle, ou qui aient le même caractère. Derrière chaque individu, il y a une histoire personnelle qui est révélée partiellement ou qui sera révélée (dans les épisodes ultérieurs). Chaque épisode repose sur une confrontation contre un supercriminel, ou une équipe de supercriminels, mais en filigrane, le lecteur voit des thèmes apparaître. le plus évident est celui de la relation entre les parents et les enfants. Raven s'oppose à ses 2 parents qui sont séparés et ont suivi des chemins opposés. Vic Stone refuse de parler à son père alors que ce dernier fait tout pour rétablir la communication. Ravager (Grant Wilson) essaye de faire mieux que son père Deathstroke (Slade Wilson).

Lorsque le lecteur découvre cette série, il découvre également un artiste avec un parti pris graphique bien marqué. George Pérez donne l'impression de réaliser des cases pour lesquelles il a pris tout son temps, afin d'y mettre le maximum d'information. Chaque endroit dispose de caractéristiques qui ne sont pas génériques. Lorsqu'il représente la demeure luxueuse de Garfield Logan, le lecteur peut détailler l'architecture de chaque aile du bâtiment, ainsi que la pelouse, l'escalier menant à la piscine, le muret en pierre, les chaises, les tables et leur parasol, et bien sûr le matelas flottant (tout ça en une case dans l'épisode 2, page 13). Quand une séquence revient sur la jeunesse de Donnay Troy sur Paradise Island, le lecteur voit des bâtiments construits sur le modèle de ceux de la Grèce antique. Lorsque Vic Stone se confie à son entraîneur, le stade comprend des gradins, une piste de course, une barre pour le saut en hauteur une statue d'athlète, un matelas (de forme un peu bizarre) pour réceptionner les chutes. le lecteur peut également détailler l'ameublement de la chambre de Wally dans un pavillon de banlieue. Pour faire bonne mesure, Pérez représente une coupe de la tour des Titans (page 9 de l'épisode 7).

Ce degré de détails se retrouve également sur les costumes des personnages, que ce soit le nombre d'étoiles sur celui de Wonder Girl, ou les éléments métalliques sur le corps de Cyborg, ou encore le nombre d'attaches sur la tunique rouge de Robin. le lecteur attentif constatera que George Pérez accorde une attention toute aussi soutenue à la féminité de ces dames, sans se montrer trop racoleur. Il y a bien sûr Koriand'r et Donna Troy en maillot de bain riquiqui dans l'épisode 2. Il y a la conception du costume de Raven, avec ses talons hauts, et sa robe fendue des 2 côtés jusqu'aux hanches. le costume de Shimmer est ajouré de bien étrange manière, soulignant ainsi sa peau nue par petites touches. En termes de conception visuelle, il n'y a que Trigon avec sa double paire d'yeux qui ne fait pas vraiment terrifiant. le lecteur peut apprécier l'investissement dans les détails de tout ordre de Pérez en comparant ses dessins avec ceux de Curt Swan pour l'épisode 5. Il faut aussi rendre justice à l'encrage de Romeo Tanghal qui prend soin de mettre en valeur chaque trait de Pérez, dans toutes les cases.

Outre sa densité, la narration graphique de George Pérez est remarquable par son attention aux détails, et sa force. de temps en temps, le lecteur peut encore détecter l'influence de Jack Kirby (l'impact des coups portés), ou de John Buscema (dans la manière de dessiner certains visages). Il sait mettre en oeuvre les conventions graphiques des récits de superhéros, que ce soit les énergies crépitantes, ou les manifestations pyrotechniques des superpouvoirs. À chaque page, il adapte son découpage de case en fonction de l'action à représenter. Il est tout aussi à l'aise pour les scènes en civil, apportant le même soin à choisir les vêtements des personnages principaux et des figurants.

La découverte de ces premiers épisodes a dû être un choc pour les lecteurs de l'époque. Les auteurs mettent en scène une équipe de jeunes (identification plus facile pour les lecteurs), prenant leur autonomie, affrontant des adultes, faisant de leur mieux pour trouver leur identité malgré leur (très) lourde ascendance. Effectivement le scénariste est un peu bavard, les dessins peuvent devenir un peu trop denses. Il y a quelques sauts dans l'intrigue qui laissent songeur. Pourquoi est-ce que l'organisation HIVE ne réapparaît pas après le deuxième épisode ? À quoi a servi l'affrontement contre la Justice League ? Pourquoi les Fearsome Five n'achèvent pas les Titans quand ils gisent inconscients devant eux ? Il y a une ou deux notions dépassées, comme l'idée de réussir à utiliser 90% de son cerveau, au lieu des 10% (valeur communément admise à l'époque, ayant été prouvé erronée depuis). Ce recueil s'adresse au lecteur qui veut approfondir sa culture comics. S'il est rebuté par le mode narratif un peu pesant, 3 étoiles. S'il arrive à s'en accommoder, 4 étoiles pour la découverte de ce que cette série pouvait avoir de si singulier.