« La promenade au phare » est un des écrits les plus pertinents que j'ai pu lire de
Virginia Woolf. En fait, j'ai retenu 3 "gros" points qui m'ont vraiment plu et intrigué dans ce livre.
Il y a tout d'abord la dimension autobiographique. On sait, de source sûre, que
Virginia Woolf s'est inspiré de ses parents pour créer les personnages de Monsieur et Madame Ramsay.
Monsieur Ramsay est un personnage érudit certes, mais il est surtout très froid et autoritaire. Il veut aussi sans arrêt être rassuré sur son travail. Il considère les autres comme des choses que l'on peut contrôler ou qui sont là pour s'occuper de lui (notamment les femmes). Ses enfants semblent franchement le détester, et on les comprend aisément.
Quant à Madame Ramsay, elle est plus douce, et aime aider son prochain… mais pour certains, elle fait cela par vanité. C'est en lisant tout cela qu'une question se pose : y'a-t-il une limite entre la réalité et la fiction ? Est-ce que ces portraits sont fidèles à l'image que Virginia avait de ses parents ?
Le doute est encore plus fort quand on voit à quel point Lily Brescoe, une peintre, est inspirée de l'auteure. Lily n'a pas confiance en ce qu'elle fait, et ne souhaite pas que son travail soit vu par les autres.
Elle souhaite créer, mais ce moment de création est en même temps une véritable source d'angoisse. Et cela fait écho aux doutes que Virginia avait constamment sur son travail.
Le flou entre la réalité et le livre est donc très intéressant. Je pense que l'on ne saura jamais la vérité (même si le journal de V.W en parle un peu) mais c'est aussi ce qui fait le charme de ce livre.
Virginia Woolf est une figure importante du mouvement féministe, et elle le démontre une nouvelle fois dans ce livre. Madame Ramsay est la femme au foyer, assez soumise (et plutôt inculte, d'après son mari), qui s'occupe des enfants quand le père pense à son travail et à ses lectures... C'est, ironiquement, aussi une marieuse car bon, une femme doit forcément être mariée (alors que l'on ne peut pas dire que son couple soit réellement un exemple)…Pour Andrew, les femmes ne peuvent pas contrôler leurs émotions et quant à Charles Tansley, il considère que les femmes sont incapables de créer… autant dire que ça sent l'ironie à plein nez !
Dans « La promenade au phare » (et comme souvent dans les textes de V.W), les personnages se parlent peu, mais ce qui est encore plus fascinant dans ce livre en particulier, c'est que tout semble se jouer sur les apparences. Les personnages s'observent (la partie sur le dîner est d'ailleurs très intense), s'imaginent des choses les uns sur les autres, contrôlent leurs propres aspects…Tout est lié à cette idée des apparences trompeuses. Il faut garder un certain contrôle. Et, en même temps, dire les choses t
elles qu'
elles sont réellement semble être assez compliqué (par ex, le moment où les époux se retrouvent à deux). C'est une question intéressante sur les rapports humains dans notre société et la complexité des êtres.
J'ai quand même trouvé que certaines phrases sont parfois beaucoup trop longues : en effet, si on n'est pas totalement concentré, on peut vite devoir remonter jusqu'au début pour comprendre où V.W veut en venir. D'ailleurs, elle joue aussi sur la ponctuation pour nous perturber (comme des parenthèses qui s'ouvrent mais ne se ferment jamais). Il y a aussi certains passages qui sont trop « flottants » à mon goût, où l'on ne parvient pas forcément à comprendre ce qui doit être compris.
Cependant, malgré ces dernières remarques, j'estime que c'est vraiment un bon (et émouvant) texte sur de nombreux points… Il faut juste le lire loin de toute distraction, pour pouvoir saisir les éléments qui en font un bon livre !