Les enfants de l'oncle Tom

"Les blancs n'ont jamais laissés une chance ! Jamais ils n'ont laissé la moind' chance à un noi' ! Ils n'vous laissent rien à vous de toute vo' vie. Y vous prennent vot' terre ! Y vous prennent vot' liberté ! Y vous prennent vos femmes ! Et après ça, y vous prennent vot' vie."
Il se tourna vers elle hurlant "Et faut enco' que j'me fasse poignarder dans l'dos par les miens. Quand j'ai les yeux su' les blancs pou' les empêcher de m'tuer, c'est les miens qui viennent me faire un crochepied !
Il retomba à genoux dans la poussière en sanglotant ; au bout d'un petit moment il leva les yeux au ciel, et son visage ruisselait de larmes (...) "Ca n'veut pus rien di' ! Si on s'bat, faut mouri'. Si on s'bat pas, faut mouri' ! D'une façon comme d'un' aut', ça n'veut rien di'... "

Puis il fut violemment empoigné par-derrière ; il entendit le léger cliquetis du fer-blanc lorsque la tasse lui tomba des mains. Le dos de son crâne frappa la boue.
- C'est-i l'nègre ?
- Oui, c'est celui-là ! C'est le nègre !
Il était sur le dos et il vit les figures de quatre soldats blancs. Les canons des fusils étaient pointés vers sa poitrine. Le doigt du garçon blanc était pointé vers son visage.
- C'est l'nègre qui a tué papa !
Ils le saisirent par les bras et le remirent brutalement sur ses pieds. Recroquevillé, il les regarda d'en dessous, couvrant sa tête de ses mains.
- Lève les pattes, négro !
Il se redressa.
- Marche !
Il s'avança lentement dans le vague, les mains en l'air. Deux des soldats étaient devant lui, ouvrant la marche. Il sentait quelque chose de dur sur sa colonne vertébrale.
- Réveille-toi, l'nègre, et n'te change pas en lapin.
[...]
Il n'y avait plus que des figures blanches maintenant. Il pouvait à peine respirer.
- Regarde ! I-z-ont pris un cirage !
- V'nez voir ! I-z-ont un nègre !

Elle abandonna de sa vie tout ce qu'elle pouvait avant qu'ils ne la lui prennent. [...] Aiguisée, désincarnée, enfouie dans les profondeurs de son étoile, elle était absorbée par sa paix et sa force ; elle ne sentit pas que sa chair devenait froide ;froide comme la pluie qui tombait du ciel invisible sur les vivants condamnées et les morts immortels.