Recueil de lettres envoyées par une Écossaise à son entourage combinées avec des pages de son journal intime,
Une Odeur de gingembre esquisse les contours politiques, sociétaux et culturels de trois puissances dans la première moitié du XXème siècle : l'empire britannique orchestré par le roi Edouard VII, la Chine dirigée par l'impératrice douairière Cixi, et le Japon aux mains de l'empereur Meiji.
Cette fresque historique se déroule à travers le regard de Mary Mackenzie qui, à l'aube de ses vingt ans, en 1903, embarque à bord du Mooldera, quittant Édimbourg pour partir épouser un riche militaire anglais en poste à Pékin. La jeune femme emporte dans ses bagages une vision naïve du monde, qu'elle décortique au fur et à mesure des kilomètres parcourus et des jours passés loin de son Écosse natale.
Dissimulant au fond de son coeur une graine d'émancipation et de féminisme qui ne demande qu'à éclore, Mary passe ses premières années asiatiques en Chine, et relate tant la solitude qui l'étreint dans sa "maison du mur au dragon" que sa fascination pour les fastes de la cour. Son récit d'un thé offert par l'impératrice douairière dans son palais d'été constitue d'ailleurs l'un des nombreux épisodes succulents de ses pérégrinations. Malheureuse dans son mariage, et enfermée dans le carcan protocolaire des colons européens, la jeune Écossaise - de la même trempe que la célèbre Rose interprétée par Kate Winslet dans Titanic - voit ses obligations d'obéissance et de bienséance mises à rude épreuve lorsqu'elle fait la connaissance du comte Kenturo Kurihama, militaire et aristocrate japonais. Un événement vient alors bousculer sa vie à tout jamais, et l'emmène à Tokyo, où ses sentiments seront confrontés au sens de l'honneur et du devoir japonais.
Le choix d'un format épistolaire est remarquable en ce qu'il laisse au lecteur un rôle actif. Quel plaisir de décrypter les non-dits, de lire entre les lignes, de deviner les faits qui se cachent derrière la pudeur dont se parent les mots de la narratrice ! Si sa candeur de départ prête à sourire, on est bien vite surpris par sa lucidité, sa soif d'indépendance et son besoin de rencontrer "l'autre". Aiguisant au fil des pages ses critiques envers les systèmes politiques et religieux, elle évolue tout autant que Tokyo, dont les descriptions transportent le lecteur au coeur d'une capitale fourmillant de pousse-pousse, puis traversée par le tramway, ainsi que par les premiers signes d'industrialisation et d'autarcie.
Une immersion mémorable dans l'Asie du début du XXème siècle, un voyage inoubliable dans non pas 24 heures mais 40 années de la vie d'une femme, exceptionnelle de surcroît.
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