Devant l'abondance de telles quantités de pluie, même les ingénieurs avaient l'air stupéfaits.Si la construction d'un barrage stoppait l'écoulement des eaux, elles s'accumuleraient, remplissant cette vallée en peu de temps.
A la seule pensée qu'ils avaient consacré au cimetière les précieuses terres plates, je me disais que la volonté de vénerer les morts du hameau devait être d'une force dépassant l'imagination.
En somme, la mort est une réalité prise en compte dès le début. Ceux qui travaillent dans un tel contexte semblent s’efforcer de devenir insensibles à la mort d’autrui. Dans la pratique, si l’on devait s’apitoyer à chaque décès, il n’y aurait pas de travail possible.
Nous partagions le point de vue selon lequel l'évacuation du hameau ne serait pas chose facile. Il est vrai que rejeter cette terre à laquelle ils s'étaient adaptés depuis quelques centaines d'années était certainement inimaginable pour eux. D'ailleurs, eux qui avaient rompu tout contact avec le monde extérieur, où pouvaient-ils aller se réfugier s'ils quittaient la vallée ?
Les dernières lueurs du soir commençaient déjà à se retirer, une traîne de lumière vive remontait à grande vitesse le long de la pente nue. Le crépuscule pesait, et du sommet des habitations s'élevaient de légères fumées qui se dissipaient dans l'air du soir.
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Mais cette vie elle aussi dans un avenir proche, allait s'interrompre complètement, cette vallée serait entièrement remplie d'eau. Ainsi au fur et à mesure que les couleurs de l'automne commençaient à s'installer, l'impression que le hameau était en ruine s'accentuait de plus en plus.
"Des lambeaux de brumes s’écoulèrent eux aussi dans la couleur des flammes, qui, teintés de rose, dessinaient sans fin des motifs inquiétants."
Ainsi fin juillet, arriva une troisième équipe forte de trois cents personnes, et dans la vallée de l'autre côté du sommet commencèrent les travaux de forage d'un tunnel pour l'acheminement du matériel, si bien que l'aspect de la vallée en était totalement transformé. La montagne par endroits était à nu, et les arbres ayant été enlevés sur de grands espaces, partout la terre et la roche étaient à vif.
La brume commençait à descendre des sommets environnants.
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Le silhouettes des habitants du hameau genoux fléchés se diluèrent comme de l'encre de Chine dans la brume.
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