Je ressors de cette lecture perplexe, abasourdie comme on dit. Je ne sais pas si je dois l'aimer ou le détester, le comprendre ou me fermer. Et pour finir je crois que le plus beau reste encore qu'il me questionne, m'interroge sur mon rapport à la lecture, la littérature, dans son fond et dans sa forme.
Incontestablement, par sa forme et sa prose, par son élégance dans sa plume, par son phrasé haché, le roman vous séduira. Ces phrases décousues vous donneront des ailes, vous poursuivrez la narratrice, tantôt « homme-chien », tantôt « nord », vous vous fondrez dans son personnage comme on se fond dans un moule, vous deviendrez cette femme qui fuit vers le Nord, qui court vers le Nord, qui s'accroche au Nord. J'étais tellement attentive, tellement à l'intérieur du texte et du personnage…que j'en ai rêvé. Bercée par ses phrases qui n'en sont presque plus, je me suis endormie petit à petit et j'ai fini par rêver, d'être là, dans ce Nord immense et sans nuit. Autant vous dire que
le Nord du monde m'a fait son petit effet !
La narratrice fuit. Un homme, la fin d'une aventure de plusieurs années, la fin de l'amour qui la gifle la fin d'autre chose peut-être. On ne comprend pas bien ce qui la pousse à fuir mais on comprend la fuite. Ce désir de Nord. D'ailleurs et puisqu'il faut bien une direction, pourquoi pas le Nord. Peut-être même que c'est un choix que j'aurais pu faire. le Nord, le froid, la nuit et le jour sans fin, le blanc, le paisible. Cette quête de paix. On suit donc la narratrice à travers l'Europe : Lille, Bruxelles, Anvers, Meerle, la France, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne… Autant de villes qui sous ses pas, passent, durent un moment, puis disparaissent, à mesure qu'une douce folie commence à s'emparer d'elle.
Et puis brusquement : la maternité. Cet amour si grandiose qui la submerge, lui tord les tripes, doucement l'entraîne vers ce qu'elle nomme elle même « l'infamie », « la faute ». Et là je me réveille et je comprend qu'il y a autre chose que la forme, autre chose que cette plume qui t'emporte et te perd, autre chose que cette poésie brute, âpre qui t'entraîne vers
le Nord du Monde, il y a le fond. Cette femme qui de ville en ville se perd un peu plus. La déraison s'installe. Les repères se délitent. Mais les vôtres ? Les miens ? Et c'est là que le questionnement commence. Les derniers chapitres sont des envolées, des escaliers qui emportent lecteur et narratrice dans un gouffre au fond duquel… quoi ? la faute ? la morale ? l'amoral ? l'immoral ? Je pense que l'autrice a vu juste et je parlerai donc de « désaxement », de « déplacement ».
La fin arrive, comme une énième machette qui tombe et rompt les liens.
En résumé
Par le biais de son écriture, qui joue beaucoup sur le style et sur le rythme,
Nathalie Yot réussit son pari.
le Nord du Monde questionne, interroge, le rapport au corps, à la chair, au désir, mais aussi à la folie, à la perdition. Je ne savais pas quoi en penser, sur la fin. Et puis, là, au fur et à mesure de ma chronique, je peux vous le dire, ce roman, c'est un bijou.
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