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Critique de jlvlivres


« Poète Chilien » de l'écrivain chilien Alejandro Zambra, traduit par Denise Laroustis (2023, Christian Bourgois Editeur, 380 p.) de l'original « Poeta Chileno » (2020) est une façon toujours agréable d'aborder la vie littéraire intense de ce pays fascinant.
Né à Santiago de Chile, et études universitaires en littérature hispanique, il part compléter une maitrise en philologie à Madrid. Il est docteur en littérature de la « Pontificia Universidad Católica de Chile », que l'on appelle plus fréquemment « la Catolica ». C'est l'une des six universités catholiques du Chili. C'est en plein centre de la ville, à deux pas de la « Plaza de Armas » et du « Mercado Central » où se trouve l'inévitable « Donde Augusto » et ses fruits de mer.
Un premier roman « La Vie privée des arbres », traduit par Denise Laroutis (2009, Éditions Payot & Rivages, 128 p.), puis « Bonsai » traduit par Denise Laroutis (2011, Éditions Payot & Rivages, 96 p.), et enfin « Personnages Secondaires » également traduit par Denise Laroutis (2012, Éditions de l'Olivier, 166 p.).
Entre temps, des critiques littéraires « No Leer » (2018, Editorial Anagrama, 320 p.) non traduites, sauf en anglais « Not to Read » (2018, Fitzcarraldo Editions, 240 p.). Il y expose sa propre théorie de la lecture et propose une sorte d'autoportrait ou d'autobiographie floue. On retrouve Natalia Ginzburg et Paul Léautaud, des machines à écrire et des ordinateurs. Un essai intéressant sur « comment se taire en allemand ». Zambra préfère parler de Nicanor Parra que de Pablo Neruda, de Mario Levrero que de Gabriel García Márquez. C'est l'un des écrivains chiliens les plus attachants de notre époque.
« C'est un miracle que nous ayons survécu à ces professeurs, qui ont tout fait pour nous montrer que lire était la chose la plus ennuyeuse du monde ». C'est quelqu'un qui parle d'un livre ou d'un auteur qui l'intéresse, comment il lit et pourquoi il écrit. Et il en rajoute une couche. « Mais l'écriture et la lecture sont des expériences totalement différentes. le plaisir de passer l'après-midi à lire était, pour moi, bien avant le désir d'écrire. Et il continue d'être plus complet, plus stable ».

Avec « Poète Chilien », on se replonge dans le Chili d'après Pinochet, dans les années 90. « C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos », prévient l‘incipit.
Dans la première partie du livre, Gonzalo Rojas, adolescent d'une quinzaine d'années, de Santiago est amoureux de la belle Carla. Il est, comme Zambra, originaire de Maipu, dans la banlieue de Santiago. Il souhaite devenir poète dans un pays qui en compte déjà un certain nombre, et de grande valeur. Ils se rencontrent dans un bar gay, drôle d'endroit pour une rencontre. Et c'est là qu'elle tombe enceinte.
Bien plus tard, Gonzalo retrouve par hasard son grand amour de jeunesse dans une boîte de nuit de Santiago. Leur attirance réciproque est demeurée intacte ; mais beaucoup de choses ont changé autour d'eux. Vicente, le garçon de Carla, a maintenant 6 ans. Il a hérité de son beau-père la passion de la poésie. « Au Chili, nous avons des supers paysages et du bon vin, mais, pour moi, personnellement, le meilleur, c'est la poésie, dit Pato. C'est le seul truc vraiment bon. C'est le seul truc pour lequel on a gagné le mondial. Deux fois le mondial, deux fois le championnat du monde. On est deux fois champion du monde de poésie, c'est le seul truc pour lequel on a la preuve qu'on est bon ».
Gonzalo écrit en secret. Comme les autres chiliens de l'époque, il est romantique, passionné de poésie, et lit à l'infini les désespoirs des autres poètes chiliens. Il se plonge dans les surréalistes, avec beaucoup de mélancolie. « Et il pensa qu'il était à seize ans la même personne qu'elle était à seize ans. Il continuait à écrire tous les jours, avec une passion disciplinée, mais il n'aimait rien de ce qu'il écrivait, ce qui aurait été la réponse courte ». Mais le courant ne passe plus entre Clara et Gonzalo.
Après une formation universitaire, Gonzalo retourne au Chili. Il n'a pas gardé le contact avec Vicente. C'est alors un jeune homme de 18 ans, qui ne veut pas suivre des études universitaires mais devenir poète. Gonzalo et Vicente vont se croiser dans une librairie à Santiago et renouer une relation comme s'il n'y avait pas eu de rupture. « Vicente a lu quelques autres poèmes de Jorge Teillier, que Carla appréciait également, même si elle était distraite par l'idée que la poésie était comme une maladie que son fils avait contractée, une maladie liée à la petite chambre, une maladie qu'elle préférait bien sûr à la sienne. Une maladie de tristesse antérieure, mais qui en tout cas l'inquiétait ».
De même Gonzalo revoit fortuitement Carla à Santiago. Vicente rencontre Pru, une journaliste américaine perdue dans Santiago. Il l'encourage à effectuer un vaste reportage sur les poètes chiliens. Et il y en a en nombre dans le pays. Ce n'est pas les noms qui manquent, entre Pablo Neruda, Luis Sépulvéda, Francisco Coloane ou encore, Isabel Allende. Sauf, que dans la société chilienne actuelle, ils luttent plus pour survivre que pour produire et se faire entendre. C'est que la société et le régime ont changé. « C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos ».
La relation père-fils va s'envenimer en une relation père_poète – fils_poète sur laquelle se greffe un conflit de générations.
Pour Gonzalo le père, la poésie est essentiellement une pratique solitaire, à prédominance masculine, romancée, apolitique et individualiste. C'est en quelque sorte la caractéristique d'une personne qui a grandi dans une époque autoritaire. de même, ses relations avec Carla sont à sens unique, en particulier, dans la gestion de leur famille. A l'opposé, pour Vicente, la poésie est plus complexe, enracinée dans la passion, la dissidence et la discussion. C'est quelque chose qui englobe des voix diverses, le tout face à une « génération d'enfants médicamentés ».
« Je suis plus jeune que mon père / Je suis plus âgé que mon fils / Et sur ma poitrine une chemise / est lavée sous la pluie ».
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