Si les premières pages font écho à la rumeur de la dictature chilienne des années quatre-vingt, entre répression politique, enlèvements et arrestations arbitraires,
Personnages secondaires est avant tout un texte intimiste traversé par le désir du narrateur devenu adulte de comprendre son passé et la place occupée par ses parents sous le régime de Pinochet.
Il n'y a pas de regard tendre et mélancolique sur cette enfance nébuleuse dont il garde des images fuyantes, des réponses évasives de ses parents ou encore des expressions figées sur les visages des adultes. Sa mémoire lui réfléchit des images lointaines qui lui paraissent même étrangères, notamment lorsqu'on lui a confié à neuf ans la mission de surveiller un voisin.
Devenu écrivain, il se décide alors à écrire un roman pour donner réalité à ses impressions d'enfant et à son imaginaire qui refuse une vie ordinaire. Il tente se réapproprier ce passé qui semble lui échapper.
Avec une plume nonchalante, désabusée, parfois muette sous le poids des questions sans réponse, le narrateur fouille sa mémoire et tente de reconstituer la vérité avec difficulté : enfant il ne comprenait pas tout de cette dictature invisible mais percevait les peurs et savait plus de choses qu'un enfant de son âge devrait savoir, une fois adulte il comprend tout mais finalement ne sait pas grand-chose de ce passé difficile à fouiller, à démêler et à ordonner.
Complexe, l'ensemble ressemble à la patiente reconstitution d'une lettre déchirée, une lettre qui libérerait le narrateur d'un passé qui le hante. Pour autant, le thème de la résilience est séduisant. Il est même inédit en s'attardant sur des enfants qui ont grandi sous la dictature sans la comprendre, qui ont reproduit les attitudes des parents sans savoir pourquoi, se sont construits avec le sentiment de danger imprécis et permanent même si les parents n'étaient que des petites gens qui vivaient en marge des tensions politiques. La construction narrative épouse parfaitement la matière, une mémoire voilée, désordonnée, indocile.
Mais le traitement qui est en fait par l'auteur manque d'épaisseur, le texte s'apparente davantage à une vague recherche existentialiste, à un désenchantement égocentré de l'écrivain. On s'enlise dans un sentiment de vide qui affadit ce livre…oui en l'absence de réelle profondeur, tout dans ce roman est évanescent, tout glisse et tout s'oublie rapidement.