Jacob, Jacob, par
Valérie Zenatti. Un roman court qui dessine le parcours d'une famille juive de Constantine de la Seconde Guerre mondiale à la Guerre d'Algérie.
Au centre du roman, Jacob, un jeune homme de 19 ans en 1944, appelé à libérer la France occupée par les Allemands dans l'armée du Général Delattre de Tassigny. Avant d'être soldat, Jacob est le dernier fils de Rachel et Haïm, des gens simples et pauvres, et le préféré de sa mère, celui qui serait l'honneur du clan familial, car instruit, celui fait sauter ses nièces en l'air, excuse et console son neveu rebelle, celui qui semble être d'un autre monde, au milieu d'hommes colériques et autoritaires et de femmes, ménagères soumises et illettrées, mais aimantes et attentionnées, à l'image de Rachel qui ira de caserne en caserne en Algérie à la recherche de son fils qui fait ses classes, pour l'embrasser et lui remettre des victuailles. Rachel rentrera déçue, ce qui ne l'empêchera pas plus tard d'attendre le retour de Jacob, au front en France, d'espérer des nouvelles chaque jour et de ne pas croire à celles qu'elle reçoit.
Sur le front, après le Débarquement de Provence et au cours de la libération progressive du territoire français, Jacob se comporte en valeureux, malgré la perte de ses camarades de combat. Lui dont la voix est prometteuse, chante dans un cabaret à Lyon et rencontre Léa qui lui permettra de connaître la femme et l'amour… Mais c'est la guerre et il faut se quitter et se battre…
Dans la dernière partie de ce roman qui tient un peu de la chronique,
Valérie Zenatti nous plonge dans la guerre d'Algérie, qui obligera la famille de Jacob à l'exil en France, véritable déracinement pour ces gens de culture si différente.
Voilà un ouvrage qui retrace avec tendresse la condition des Juifs pauvres et urbains d'Algérie, qui vivaient traditionnellement tout en parlant mieux l'arabe que le français, qui ont subi les lois ségrégatives de Vichy (expulsion de Jacob du lycée), mais qui ont participé à la libération de la patrie, recrutés au sein des forces des Alliés, puis qui ont connu la guerre de libération nationale algérienne, ont pleuré au moment de l'assassinat de cheikh Raymond, cet artiste juif qui chantait en arabe, et se sont massivement exilés en métropole en 1962.
Valérie Zenatti évoque avec amour Jacob, ce grand-oncle qu'elle n'a pas connu. Son écriture est dense, musicale, avec ses longues phrases qui enchainent en un phrasé très féminin, de nombreuses propositions principales et subordonnées, donnant le sentiment de tableaux très suggestifs (voit citation).
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