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sur 508 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans l'appartement, modeste mais bien tenu, de la famille Melki, à Constantine, la joie n'est pas souvent à l'ordre du jour. Les hommes, Haïm et son aîné Abraham, ordonnent, les femmes, Rachel et sa bru Madeleine, obéissent et se taisent. le seul rayon de soleil, c'est Jacob, le dernier né de Rachel, son fils chéri, sa réussite. Lui seul sait mettre de la gaîté entre ces murs où trop souvent résonne la fureur du père. Lui seul joue avec ses nièces, Fanny et Camille, les fait voler comme un avion. Lui seul sait trouver les excuses qui évitent à Gabriel, son neveu, les corrections que trop souvent il mérite. Lui seul voit la peine de Madeleine, séparée de sa famille restée à Tunis, esclave de sa nouvelle famille malgré ses huit mois de grossesse, mal-aimée par un mari autoritaire. Brillant, beau, généreux, Jacob a 19 ans en cette année 1944. Il sort à peine de l'adolescence mais sait qu'il doit répondre à l'appel de la France qui a besoin de troupes pour chasser l'envahisseur Allemand, là-bas, loin, en Europe. Jacob va faire ses classes, devenir un homme, un soldat. du désert algérien au Débarquement de Provence, de l'éblouissement à fouler le sol français, à la peur, aux tirs, à la perte de ses camarades, le voyage de Jacob dans la France en guerre est fait de découvertes et de pertes. Juifs comme lui, français et musulmans se battent pour sauver un pays qui n'a pas toujours voulu d'eux, apprennent la solidarité, savourent la gloire du libérateur et, dans le rude hiver alsacien, se souviennent de la chaleur de Constantine, de leur famille, de leur foyer. Pendant ce temps, en Algérie, les Melki suivent les actualités, imaginent les combats de Jacob et surtout attendent son retour.


En même pas 200 pages, Valérie ZENATTI réussit à nous transporter au coeur de l'Algérie française, au coeur de la famille Melki, au coeur de la guerre. Porté par le personnage lumineux de Jacob, ce roman est pourtant un livre de femmes, celles qui attendent, celles qui se soumettent, mais qui savent aussi se révolter, lutter, s'imposer. Concentré d'amour, de tendresse et de chaleur, Jacob, Jacob évoque pourtant des épisodes douloureux pour les juifs d'Algérie : leur statut qui change avec les lois vichystes, leur incorporation dans l'armée française et, plus tard, leur fuite devant le FLN. de la France, ils connaissent l'histoire et la géographie mais leur pays, c'est l'Algérie où pourtant on leur dira qu'ils ne sont pas chez eux. Déracinés, ils ont le droit ici, grâce à Valérie ZENATTI, de retrouver un peu de leur passé, des traditions, des odeurs, des saveurs perdues mais profondément inscrites dans leurs gènes. En refermant les pages de cette histoire, pleine de force et de sensibilité, on quitte à regret les Melki mais, comme eux, on garde au fond du coeur le souvenir de Jacob qui murmurait son prénom pour ne pas oublier qu'il n'était pas qu'un matricule. Puissant et bouleversant, à lire.
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Valérie Zenatti signe avec son roman : Jacob Jacob une histoire bouleversante, qui nous émeut au-delà des frontières, d'un pays, de l'histoire d'un pays : l'Algérie.
Jacob, c'est d'abord l'histoire d'un juif pied-noir qui vit dans une pays, une ville qu'il aime : Constantine .
Il est jeune, très jeune, dix -neuf -ans quand il est enrôlé dans l'armée française en 1944. Il participe dans un premier temps au débarquement de Provence.
Comme le dit si bien Valérie Zenatti, quel étrange paradoxe :
" Il sera le défenseur d'une Europe qui avait tué ou laissé mourir ses juifs mais qui l'avait bien voulu, lui , pour la délivrer, alors que trois ans avant son incorporation on ne l'avait pas jugé suffisamment français pour l'autoriser à franchir les portes du lycée d'Aumale "
Jacob n'aura jamais vingt ans, quelle émotion en lisant ces lignes, cette incantation à laquelle il se livre, répétant son nom: Jacob Jacob pour s'endormir.

" Alors quand les secondes d'insomnie résonnent dans son crâne comme la scansion d'une défaite, que l'angoisse du jour qui se lèvera sur une nuit blanche étouffe sa poitrine, pour se bercer et réussir à s'endormir enfin, Jacob répète doucement son prénom : Jacob , Jacob, Jacob
Après la Provence, sa destination finale sera l'Alsace où Jacob meurt presque d'une balle perdue.
Ce livre en dit long, très long sur l'horreur de la Guerre, sur les massacres et les ruines de ceux qui restent.
Ce livre en dit long sur la bêtise humaine, sur les préjugés raciaux qui s'abat sur la vie des hommes.
Ce livre est un pavé jeté contre la haine des hommes, un baume donné à tous ceux qui doivent fuir, s'exiler dans une autre vie.

Un petit récit mais un immense roman.
Je le dédie à mon père qui a aujourd'hui 87 ans , né à Constantine, une très belle ville que je ne connais pas
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Constantine, Algérie, 1944. Jacob, le dernier né des quatre fils de Rachel et Haïm, n'a que 19 ans lorsqu'il est appelé pour défendre la France. Après quelques semaines d'entraînement, il est envoyé en Provence pour se battre aux côtés des Alliés. Tandis qu'il découvre l'horreur des combats, mais aussi la camaraderie et une autre culture, sa famille, sans nouvelles, désespère de le revoir un jour…
Dans ce court récit, Valérie Zenatti réinvente le parcours de son grand-oncle paternel, qu'elle n'a jamais connu que sur des photos, dont celle en couverture du livre. La famille Melki ne roule pas sur l'or et 3 générations s'entassent dans leur petit appartement. Haïm et son fils aîné Abraham sont cordonniers. Contrairement à ses frères, Jacob est allé au lycée et on le destine à un brillant avenir. Avec ses grands yeux noirs et son sourire charmeur, il sait chanter mieux que personne. Sa douceur et sa joie de vivre rendent presque supportable le pénible quotidien de Madeleine, la femme d'Abraham, asservie par son époux et sa belle-famille. Il est comme un grand frère joueur pour ses neveux, Camille, Fanny et Gabriel. Son départ déchire le coeur de Rachel et Madeleine ; les enfants sont déboussolés par son absence. Propulsé dans la violence de la guerre, Jacob s'accroche à ses voisins juifs comme lui, mais aussi chrétiens ou musulmans qui sont partis en même temps que lui. Dans la froide obscurité des dortoirs, incapable de trouver le sommeil, il se berce en scandant son prénom, pour ne pas céder à la peur et se rappeler qui il est : Jacob, Jacob
Avec de longues, très longues phrases, qui englobent aussi des dialogues, Valérie Zenatti décrit avec sensibilité et empathie l'apprentissage de Jacob, l'angoisse de Rachel et la résignation de Madeleine. Son écriture est lumineuse comme la ville de Constantine, éclaboussée de soleil, avec son fleuve miroitant et un pont si haut qu'il n'en finit pas. Lumineuse aussi, l'émouvante scène d'amour entre Jacob et Léa, à Lyon, qui a la fragilité et l'éclat d'un moment volé. Et nombreuses sont les références littéraires aux grands auteurs français (Hugo, Dumas…) dont Jacob est friand, parant le texte d'une poésie légère comme l'aile d'un alcyon.
Tout cela ressemble à s'y méprendre à un coup de coeur ! Si un jour je devais écrire sur les miens, partir sur les traces de mon arrière-grand-père disparu à Salonique en 1917, j'aimerais pouvoir le faire avec autant de fraîcheur et de tendresse.

*** Jacob, Jacob a remporté le prix Libraires en Seine 2015 ***
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Jacob, jeune juif algérien vit à Constantine dans une famille modeste.
En 1944, sitôt le baccalauréat passé, il part faire ses classes, puis son régiment est envoyé en France pour combattre les allemands.
Ah ! Jacob, Jacob, Quel personnage attachant !
C'est un magnifique portrait, avec une écriture particulière.
Le texte est dense, peu aéré, on est presque essoufflé tant certaines phrases sont longues. Parfois plus de deux pages, en respirant à peine. Mais paradoxalement, c'est lumineux, ce n'est pas étouffant et Jacob en ressort rayonnant.
On tremble pour qu'il ne lui arrive rien, qu'il ne se fasse pas tuer.
Malgré la tristesse et le désespoir de la situation, Valérie Zenatti, comme une magicienne, fait vivre Jacob, par le biais de sa famille. Une famille modeste aux traditions bien ancrées, aux hommes durs, aux femmes soumises mais fortes.
On déambule dans les rues de Constantine, on poursuit les allemands, de la Provence à l'Alsace, on vit tous ensemble dans cet appartement trop petit où règne la promiscuité.
Une maîtrise parfaite de l'écriture, de la sensibilité, une force qui nous entraîne, de la poésie, c'est tout cela ce livre.
Et le refermer, c'est comme rentrer d'un voyage, c'est comme avoir connu la famille Melki, c'est garder en soi le souvenir de Jacob.
J'avais découvert Valérie Zenatti tout récemment avec « Les âmes soeurs », l'enchantement continue avec « Jacob, Jacob »
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Je découvrais cet auteur avec ce roman. Je suis conquise. J'apprécie que ce livre soit basé sur des épisodes historiques, mais aussi qu'il raconte la vie d'une famille juive modeste, dont la vie va basculer à cause d'une succession de tragédies. J'ai été intéressée aussi par l'éclairage que donne l'auteur sur les fêtes et rites traditionnels de la religion juive. de plus la plume est agréable, le roman se lit aisément sans temps morts.
Un excellent roman.
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Valérie Zenatti a le don d'enfance.

Elle peut raconter la misère, la promiscuité, les coups, la guerre, la violence, la mort, l'injustice, on entendra toujours le chant des ortolans, le grésillement des sféritès dans l'huile bouillante , les you-you des femmes dans les cours ensoleillées, le rythme fiévreux des darboukas . Elle peut nous crever le coeur de désespoir, elle a toujours une petite caresse de la main ou du mot pour apaiser notre chagrin, calmer notre révolte - comme le frôlement fourré d'une abeille sur notre front qui nous rappelle que le miel existe.

J'ai lu d'une traite Jacob, Jacob, j'ai vibré, j'ai pleuré. J'ai goûté une écriture dorée, légère, tendre, amicale, chaleureuse. J'ai adoré.

Jacob est jeune, beau, joyeux, intelligent, fraternel et adoré de tous. Il porte le nom d'un frère mort juste avant lui: Jacob,frère de Jacob. Jacob, Jacob...

Mais lui, c'est la vie même. Il vit à Constantine dans la ville aux ponts vertigineux, où, dans un melting-pot joyeux, se mêlent Juifs, Français de souche et Arabes. Malgré la misère, les pères sévères et brutaux, les mères tendres, nourricières mais réduites au silence et à l'obéissance. Et même malgré la guerre et la collaboration qui loin de la métropole interdit pourtant, un temps, aux jeunes Juifs de suivre l'école, et aux professeurs juifs d'enseigner. Un professeur juif fait en cachette l'éducation de tous ceux que le régime de Vichy a mis en quarantaine. Jacob obtient son baccalauréat, sans le moindre retard, malgré deux ans d'éviction scolaire.

Il a dix-huit ans, il est en pleine santé, il est souple, élancé, plein de force. Cela tombe bien : la guerre a besoin de chair fraîche...Il part avec trois camarades constantinois, un Juif, Un Arabe et un Français de souche participer, sous la houlette de de Lattre de Tassigny, au débarquement de Provence et délivrer une à une les villes de France où l'Allemand s'attarde: celles du Sud, puis Lyon, et enfin l'Alsace.

Le bat'd'Af' se couvre de gloire et son chant est repris par tous ces fils lointains de la France qui leur a été si peu reconnaissante. Jacob aime tant chanter, il fait chorus: "Nous sommes les Africains, nous venons de loin.." Mais la guerre n'est pas seulement une aventure glorieuse, c'est une machine à tuer, à détruire, à perdre sa belle insouciance, ses copains, et plus encore peut-être.

Valérie Zénatti file son récit, de l'après-guerre, aux fameux "événements " d'Algérie qui envoient les pieds-noirs se déraciner en métropole. Puis aux années soixante neuf...sur lesquelles le "roman" s'achève dans une boucle émouvante et inattendue que je ne dévoilerai pas et qui achève de nous bouleverser.


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Jacob , Jacob , prénom prononcé deux fois de manière incantatoire , pour que le mauvais sort s'éloigne de Jacob , le vrai , celui qui vit , qui fait sourire , donne l'espoir , oh un espoir ténu , l'espoir d'avoir un tout petit moment , même pas de bonheur , on n'en demande pas tant mais un moment de répit dans ce quotidien si dur des femmes de cette famille .
Oh Jacob , ta seule présence adoucit le quotidien , avec toi , l'obéissance absolue au mari , pére , semble plus légère .
Tu es différent des autres , tu as un côté doux , ton regard , ta voix n'est pas celle des autres hommes de la famille
Et puis toi , tu es le premier à être instruit , tu représentes l'espoir , tu seras peut être le premier à faire autre chose qu'un travail manuel répétitif , tu seras peut être le premier de la famille à être un compagnon pour ta femme et non pas le maître qui a tous les droits .
Mais Jacob , Jacob , alors tu dois vivre , revenir de la guerre , cette guerre qui nous concerne si peu , cette guerre si loin qu'elle nous parait étrange.
Pour qui vas tu te battre Jacob , pour cette patrie lointaine qui nous a si longtemps renié , il n'y a pas encore si longtemps , tu as dû quitter l'école , pas assez français nous a - t on dit ?
Pourquoi t'engages tu alors ? , parce que tu as besoin de te sentir un homme , mais tu n'as que 19 ans Jacob .
Et cette patrie crois tu qu'elle te sera reconnaissante ?
Non , nous serons toujours des étrangers , des étrangers certes qui ont le fameux papier , la carte d'identité française mais pas le bon accent , la bonne couleur de peau , ni même la bonne cuisine , la bonne religion .
Ton sacrifice a été vain ...
Un très beau roman de Valerie Zenatti , un hommage à son jeune oncle mort à la guerre , loin des siens , les mots pour lutter contre l'oubli
Des mots pour garder une trace de ce jeune homme si prometteur , ce jeune homme qui n'était pas comme les hommes rudes de sa famille , celui de la transition , celui du monde nouveau où les femmes ont enfin droit à à la parole .
Et puis la vie continue sans toi Jacob , tu es devenu une image , un peu idéalisé dans le coeur de tes proches .
L'histoire a continué sans toi , avec ses pages horribles de la guerre d'Algerie , ces pages où s'illustra ton neveu , en souvenir de toi .
Un beau roman sur un sujet que je ne connaissais pas , ou à peine , l'histoire de tous ces jeunes d'Afrique du Nord , venus libérer la France , avec pour la plupart , la mort au bout du chemin .
L'écriture de Valérie Zenatti est magique , une auteur à suivre .
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Jacob est un ange sur terre : tout le monde l'aime et l'admire. Il aurait pu avoir du mal à trouver sa place dans l'existence, vu que sa mère lui a donné le prénom d'un de ses frères mort en bas âge...mais non, Jacob a un destin à part. Juif de Constantine, il est beau et chante merveilleusement bien. Ses professeurs l'admirent et toutes les femmes de sa famille le vénèrent.
Il n'a pas besoin d'élever la voix comme le font son père, son oncle ou ses grands frères, pour être respecté par tous et faire oublier la honte d'être pauvre et exclu de ce monde.
Il faut dire que la vie n'est pas toujours facile pour ces juifs Séfarade qui vivent à Constantine et doivent travailler sans relâche pour faire vivre leur famille. Ils s'entassent à plusieurs dans des appartements insalubres et ne parlent qu'arabe tant ils sont bien intégrés à ce pays qui est devenu le leur. Mais à partir de cet été 1944, tout va changer...
Jacob est appelé sous les drapeaux, alors que le lycée se termine à peine, pour y effectuer son service militaire et il doit quitter les siens. Pourtant il avait un temps été exclu du lycée, parce qu'il était juif, suite aux lois prônées par le gouvernement de Vichy et on avait renié sa nationalité française...
Le voilà tout d'abord, parti pour faire ses classes, au fin fond du désert du Togourt. Jacob se retrouve avec des camarades de son âge, des conscrits arabes, français ou juifs...Il découvre la vie en commun, le partage et la promiscuité, auxquels il faut s'habituer, mais aussi et surtout l'amitié.
Puis, il va devoir participer à l'effort de guerre et en particulier, au débarquement en Provence et quitter sa chère terre natale...pour rejoindre les troupes de la première armée du Maréchal de Lattre de Tassigny, chargé de libérer la France.
Jacob et ses camarades vont découvrir et parcourir la France du sud au nord, de la Provence à l'Alsace et libérer les villes sur leur passage. Ils ne savent rien de ce pays et de ses coutumes, ni ce pays des leurs d'ailleurs, mais ils seront acclamés comme des héros.
La violence est partout et Jacob tuera sans réfléchir pour ne pas être tué à son tour. Il verra tomber ses camarades un à un...sans avoir le temps de les pleurer. Il découvrira la peur, la faim, la saleté et acceptera de se battre aux côtés des tirailleurs marocains lorsque son régiment sera décimé.
Mais dès qu'il a un instant, il rêve à ce qu'il fera quand il retournera chez lui, s'il ressort vivant des combats. Il traversera le pont de Sidi M'Cid, c'est sûr ! Il se mariera et aura des enfants et il découvrira l'amour...

Comment expliquer alors qu'après s'être battus ensemble, tous ces jeunes, juifs, français ou arabes d'Algérie, qui ont su vivre pendant un siècle sans heurts, aient pu se déchirer et s'entre-tuer jusqu'à creuser un gouffre infranchissable entre les communautés ?

Valérie Zenatti nous donne ici un magnifique roman sur l'identité, le déracinement, la séparation et la mort.
J'avais déjà beaucoup apprécié son roman paru en 2005 "Une bouteille dans la mer de Gaza".
C'est dans sa façon bien à elle d'aborder les personnages de ses romans et de les faire vivre sous nos yeux, que l'auteur nous touche en plein coeur.
Elle ne nous dit jamais ce qu'on doit penser ou ressentir. Non ! ce sont ses personnages qui nous font entrer dans leur ressenti et dans leur vie quotidienne. Chaque phrase est dite juste avec les mots qu'il faut.
Jacob nous parle avec ses mots à lui, de ses rêves et de ses désirs, et c'est cette naïveté de jeune homme à peine sorti de l'enfance, cette fraîcheur et cette lucidité qui nous touchent.
Et pourtant dans ce roman, la violence de la guerre est là mais elle nous est contée avec le regard d'un "enfant".
La vie est là, à chaque page et le lecteur en sort meurtri à l'idée que le destin fasse tomber dans l'oubli, le héros de ce livre...
Car au-delà de Jacob, c'est l'histoire de l'Algérie qui nous est contée. Celle d'ados jamais sortis de chez eux qui sont partis se battre pour la France. Ils étaient juifs ou musulmans et se sont battus aux côtés de français pour libérer notre pays.
Ils ont laissé des mères éplorées et meurtries qui les ont cherché de caserne en caserne, le panier empli de victuailles, sans que personne ne les informent jamais en les regardant en face, de la destination de leur fils...sans savoir que bientôt cette foutue guerre allait précipiter leur propre exil et le départ de leur pays pour toujours.
Il faut savoir que l'auteur a construit cette histoire à partir d'une photo de famille et des souvenirs que sa grand-mère Madeleine (la belle-soeur de Jacob) lui a raconté.
Ce grand-oncle Jacob, entré dans la légende familiale parce qu'il n'est jamais revenu de la guerre où il a été tué au combat, "mort pour la France" en 1944, au coeur de la forêt des Vosges, lui a permis de s'interroger, à travers ce récit à la limite de la fiction et de l'autobiographie, sur le devoir de mémoire qui est le nôtre.
Elle qui s'est rendue sur les lieux où a vécu son grand-oncle, sa grand-mère et ses arrière-grands-parents, a su nous restituer la ville de Constantine comme si nous y étions, et nous aussi, nous pouvons être envahi par le "goût du citron sur la langue", car la mémoire est en effet ancrée dans nos papilles, dans les odeurs ou les bruits que les souvenirs racontés par nos ancêtres nous ont permis d'évoquer et qu'ils nous invitent à transmettre à notre tour...
Un livre à lire dès l'adolescence...
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Quel livre magnifique ! J'avais déjà apprécié " Les âmes soeurs", mais celui-ci est plus dense , plus fort.

Un flot de mots m'a submergée dès les premières phrases, j'ai suffoqué un peu et je suis remontée à la surface très vite , me laissant porter par les vagues de ce récit familial, dont les dernières pages nous expliquent de façon émouvante comment il s'est imposé à l'auteur, au regard d'une photo, qui a déclenché l'envie de raconter, et d'imaginer aussi Jacob.

Jacob, jeune homme sensible et plein de vie, juif vivant à Constantine." le dernier de la famille, le plus jeune", le chéri de sa mère Rachel.Il quitte le cocon familial pour s'enrôler dans l'armée française, en 1944.Il connaitra les horreurs de la guerre, en France, en compagnie de deux copains algériens.L'auteur imagine son regard encore ingénu sur les choses, sa sensibilité à la nature, son endurcissement ensuite, ses incompréhensions.Et surtout sa nostalgie, sa souffrance de ne plus avoir d'identité propre " Ici, je ne suis le fils de personne, on ne m'appelle plus Jacob, on m'appelle Melki, ou soldat Melki."

Parallèlement à son parcours de soldat en France, on suit la famille en attente de nouvelles.Une mélopée s'élève, celle de Rachel qui part à sa recherche et apprend qu'il est maintenant en Provence.Son destin s'achèvera dans l'Est, à Thann...

J'ai beaucoup aimé ce style ample, qui déroule l'histoire de manière imaginative et débridée, comme si l'émotion débordante ne pouvait se contenir et se répandait à travers les phrases.J'ai ressenti fortement cet afflux d'images, de sensations.Certaines notations sont vibrantes de vérité, notamment quand " dans une vision de fièvre" Jacob s'imagine revenir à Constantine mais personne ne le reconnait.Le quotidien de la guerre écrase aussi la douceur.Jacob " voudrait se souvenir d'un poème, il en a appris tant par coeur, mais depuis qu'ils sont dans le Hoggar,la mémoire des poèmes s'est enrayée". Il se souviendra d'un poème de Victor Hugo, lors de sa rencontre touchante et éphémère avec Louise, ils le réciteront ensemble .

Valérie Zenatti redonne vie à ce membre de sa famille et elle le fait avec éclat et sensibilité, avec audace et inventivité.Elle nous restitue un homme au charme prenant, dans toute son intensité.Merci à elle, merci pour lui.
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De l'Algérie à l'Alsace...


Valérie Zenatti écrit sur les traces de Jacob Melki, son grand-oncle. Il est le benjamin d'une famille juive modeste de Constantine. En 1944, il est un lycéen brillant et promis à un bel avenir. Mais la France a besoin de soldats pour achever sa libération. Alors elle oublie qu'elle a retiré la citoyenneté française aux Juifs d'Algérie sous Pétain. Maintenant il lui faut coûte que coûte des recrues et la France« le juge suffisamment français pour porter l'uniforme de son armée ».

Il quitte donc Constantine et sa famille pour rejoindre à la caserne de recrutement ses camarades du lycée d'Aumale -Bonnin, Ouabedssalam, Attali- qui représentent les différentes communautés de l'Algérie d'alors. Ils partent pour la France où ils vont débarquer en Provence avant de remonter vers l'Alsace.

Pendant ce temps, en Algérie, la famille Melki suit les actualités, imagine les combats de Jacob et surtout attend son retour.

Un texte si dense qu'on est presque essoufflé tant certaines phrases sont longues mais emporté par l'écriture lyrique et poétique de l'auteure, on ne peut pas lâcher ce livre.
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