Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 1 : La fortune des Rougon (460)
La foule s'emplit les yeux de cette horreur, longuement, avec cette avidité des poltrons, pour les spectacles ignobles.
Quand les amoureux s'embrassent sur les joues, c'est qu'ils tâtonnent et cherchent les lèvres. Un baiser fait des amants.
Il faut absolument remarquer ceci : je ne nie pas la grandeur de l’effort de l’élan moderne, je ne nie pas que nous puissions aller plus ou moins à la liberté, à la justice. Seulement ma croyance est que les hommes seront toujours des hommes, des animaux bons ou mauvais selon les circonstances. Si mes personnages n’arrivent pas au bien, c’est que nous débutons dans la perfectibilité.
-Dossier, Emile Zola-
Ces évènements [Liés au Coup d'État du 2 décembre 1851] fondèrent la fortune des Rougon. Mêlés aux diverses phases de cette crise, ils grandirent sur les ruines de la liberté. ce fut la république que volèrent ces bandits à l'affût ; après qu'ont l'eut égorgée, ils aidèrent à la détrousser.
Quand elle avait épousé ce fils de paysan, de préférence à quelque clerc de notaire, elle avait entendu s'en servir comme d'un pantin solidement bâti, dont elle tirerait les ficelles à sa guise. Et voilà qu'au jour décisif, le pantin, dans sa lourdeur aveugle, voulait marcher seul !
Vaguement, avec leur imagination vive, ils se disaient que leur amour avait poussé, comme une belle plante robuste et grasse, dans ce terreau, dans ce coin de terre fertilisé par la mort. Il y avait grandi ainsi que ces herbes folles : il y avait fleuri comme ces coquelicots que la moindre brise faisait battre sur leur tiges, pareils à des coeurs ouverts et saignants.
La vie ardente des herbes et des arbres eut bientôt dévoré toute la mort de l'ancien cimetière Saint-Mittre; la pourriture humaine fut mangée avidement par les fleurs et les fruits, et il arriva qu'on ne sentit plus, en passant le long de ce cloaque, que les senteurs pénétrantes des giroflées sauvages.
Ce fut l'affaire de quelques étés.
Puis, quand ils furent prêts, quand ils eurent chargés leurs armes avec des précautions infinies, ils restèrent là un instant, à se regarder d'un air louche, en échangeant des regards où de la cruauté lâche luisait dans de la bêtise.
La République ne marche jamais qu'entre la prostitution et le meurtre.
Les garçons et les filles du peuple, ceux qui doivent se marier un jour, et qui ne sont pas fâchés de s'embrasser un peu auparavant, ignorent où se réfugier pour échanger des baisers à l'aise, sans trop s'exposer aux bavardages. Dans la ville, bien que les parents leur laissent une entière liberté, s'ils louaient une chambre, s'ils se rencontraient seul à seule, ils seraient, le lendemain, le scandale du pays ; d'autre part, ils n'ont pas le temps tous les soirs de gagner les solitudes de la campagne. Alors ils ont pris un moyen terme ; ils battent les faubourgs, les terrains vagues, les allées des routes, tous les endroits où il y a peu de passants et beaucoup de trous noirs. Et, pour plus de prudence, comme tous les habitants se connaissent, ils ont le soin de se rendre méconnaissables, en s'enfouissant dans une de ces grandes mantes, qui abriteraient une famille entière. Les parents tolèrent ces courses en pleines ténèbres ; la morale rigide de la province ne paraît pas s'en alarmer ; il est admis que les amoureux ne s'arrêtent jamais dans les coins ni ne s'assoient au fond des terrains, et cela suffit pour calmer les pudeurs effarouchées. On ne peut guère que s'embrasser en marchant. Parfois cependant une fille tourne mal : les amants se sont assis.