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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 1 : La fortune des Rougon (457)

Jamais Vuillet n’avait été plus heureux. Depuis qu’il pouvait glisser ses doigts minces dans les courriers, il goûtait des voluptés profondes, des voluptés de prêtre curieux, s’apprêtant à savourer les aveux de ses pénitentes. Toutes les indiscrétions sournoises, tous les bavardages vagues des sacristies chantaient à ses oreilles. Il approchait son long nez blême des lettres, il regardait amoureusement les suscriptions de ses yeux louches, il auscultait les enveloppes, comme les petits abbés fouillent l’âme des vierges. C’étaient des jouissances infinies, des tentations pleines de chatouillements.
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Ses calculs étaient faits, elle choisissait Rougon en fille qui prend un mari comme on prend un complice. Son père, en acceptant le jeune homme, ne voyait que l’apport des cinquante mille francs qui allaient le sauver de la faillite. Mais Félicité avait de meilleurs yeux. Elle regardait au loin dans l’avenir, et elle se sentait le besoin d’un homme bien portant, un peu rustre même, derrière lequel elle pût se cacher, et dont elle fit aller à son gré les bras et les jambes. Elle avait une haine raisonnée pour les petits messieurs de province, pour ce peuple efflanqué de clercs de notaire, de futurs avocats qui grelottent dans l’espérance d’une clientèle. Sans la moindre dot, désespérant d’épouser le fils d’un gros négociant, elle préférait mille fois un paysan qu’elle comptait employer comme un instrument passif, à quelque maigre bachelier qui l’écraserait de sa supériorité de collégien et la traînerait misérablement toute la vie à la recherche de vanités creuses. Elle pensait que la femme doit faire l’homme. Elle se croyait de force à tailler un ministre dans un vacher. Ce qui l’avait séduite chez Rougon, c’était la carrure de la poitrine, le torse trapu et ne manquant pas d’une certaine élégance. Un garçon ainsi bâti devait porter avec aisance et gaillardise le monde d’intrigues qu’elle rêvait de lui mettre sur les épaules.
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Et quand ils s’éloignaient, l'ancien cimetière pleurait. Ces herbes, qui leur liaient les pieds par les nuits de feu, et qui les faisaient vaciller, c'était des doigts minces, effilés par la tombe, sortis de terre pour les retenir, pour les jeter aux bras l'un de l'autre. (...) Les morts, les vieux morts, voulaient les noces de Miette et de Silvère.(...) les conseils fous que lui donnaient les grandes herbes, les supplications de l'allée entière, des tombes mal fermées brûlant de servir de couche aux amours de ces deux enfants.
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À cette époque, il s’occupait beaucoup d’histoire naturelle comparée, ramenant à la race humaine les observations qu’il lui était permis de faire sur la façon dont l’hérédité se comporte chez les animaux. Aussi, en se trouvant dans le salon jaune, s’amusa-t-il à se croire tombé dans une ménagerie. Il établit des ressemblances entre chacun de ces grotesques et quelque animal de sa connaissance. Le marquis lui rappela exactement une grande sauterelle verte, avec sa maigreur, sa tête mince et futée. Vuillet lui fit l’impression blême et visqueuse d’un crapaud. Il fut plus doux pour Roudier, un mouton gras, et pour le commandant, un vieux dogue édenté. Mais son continuel étonnement était le prodigieux Granoux. Il passa toute une soirée à mesurer son angle facial. Quand il l’écoutait bégayer quelque vague injure contre les républicains, ces buveurs de sang, il s’attendait toujours à l’entendre geindre comme un veau ; et il ne pouvait le voir se lever, sans s’imaginer qu’il allait se mettre à quatre pattes pour sortir du salon.
(Portrait du Docteur Pascal Rougon)
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La bourgeoisie, les commerçants retirés, les avocats, les notaires, tout le petit monde aisé et ambitieux qui peuple la ville neuve, tâche de donner quelque vie à Plassans. Ceux-là vont aux soirées de M. le sous-préfet et rêvent de rendre des fêtes pareilles. Ils font volontiers de la popularité, appellent un ouvrier "mon brave", parlent des récoltes aux paysans, lisent les journaux, se promènent le dimanche avec leur dame. Ce sont les esprits avancés de l'endroit, les seuls qui se permettent de rire en parlant des remparts ; ils ont même plusieurs fois réclamé de "l'édilité" la démolition de ces vieilles murailles, "vestige d'un autre âge". D'ailleurs, les plus sceptiques d'entre eux reçoivent une violente commotion de joie chaque fois qu'un marquis ou un comte veut bien les honorer d'un léger salut. Le rêve de tout bourgeois de la ville neuve est d'être admis dans un salon du quartier Saint-Marc. Ils savent bien que ce rêve est irréalisable, et c'est ce qui leur fait crier très haut qu'ils sont libres penseurs, des libres penseurs tout de paroles, fort amis de l'autorité, se jetant dans les bras du premier sauveur venu, au moindre grondement du peuple.
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Il est certaines situations dont bénéficient seuls les gens tarés. Ils fondent leur fortune là où des hommes mieux posés et plus influents n' auraient point osé risquer la leur.

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Rien n'est plus sauvage, plus étrangement grandiose, que cette route taillée dans le flanc même des collines. La nuit surtout, ces lieux ont une horreur sacrée. Sous la lumière pâle, les insurgés s'avançaient comme dans une avenue de ville détruite, ayant aux deux bords des débris de temples ; la lune faisait de chaque rocher un fût de colonne tronqué, un chapiteau écroulé, une muraille trouée de mystérieux portiques. En haut, la masse des Garrigues dormait, à peine blanchie d'une teinte laiteuse, pareille à une immense cité cyclopéenne dont les tours, les obélisques, les maisons aux terrasses hautes, auraient caché une moitié du ciel ; et, dans les fonds, du côté de la plaine, se creusait, s'élargissait un océan de clartés diffuses, une étendue vague, sans bornes, où flottaient des nappes de brouillard lumineux. La bande insurrectionnelle aurait pu croire qu'elle suivait une chaussée gigantesque, un chemin de ronde construit au bord d'une mer phosphorescente et tournant autour d'une Babel inconnue.
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Au bout d'un instant, Miette frissonna. Elle ne s'appuyait plus contre l'épaule de Silvère, elle sentait son corps se glacer. La veille elle n'eût pas frissonné de la sorte, au fond de cette allée déserte, sur cette pierre tombale où, depuis plusieurs saisons, ils vivaient si heureusement leurs tendresses dans la paix des vieux morts.
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Je voudrais simplement te voir plus heureuse, et cela dépend beaucoup de toi.
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" Le coup part, j'entends siffler la balle à mon oreille, et, paf ! la balle va casser la glace de M. le maire."
Ce fut une consternation. Une si belle glace ! incroyable, vraiment ! Le malheur arrivé à la glace balança dans la sympathie de ces messieurs l'héroïsme de Rougon. Cette glace devenait une personne, et l'on parla d'elle pendant un quart d'heure avec des exclamations, des apitoiements, des effusions de regret, comme si elle eût été blessée au coeur. C'était le bouquet tel que Pierre l'avait ménagé, le dénouement de cette odyssée prodigieuse.
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