Une page d'amour /
Emile ZolaHélène Grandjean, demeurant à Marseille, a perdu récemment son mari avec qui elle s'était mariée à l'âge de dix-sept ans : Charles a été emporté par la maladie. Douze années grises d'un mariage terne et sans secousse bien que son mari l'adorât. Une vie sans une fièvre de la chair ni du coeur, enfoncée dans les soucis quotidiens d'un ménage pauvre. Elle a perdu naguère son père que l'on avait trouvé pendu trois semaines après la mort de sa femme. Hélène a été profondément marquée par le tragique de sa vie. Souvent on peut la voir les mains croisées, dans la tranquille attitude de mère et de veuve, les yeux et les pensées perdus dans le vague…
Elle se réfugie alors à Passy aux portes de
Paris avec sa fille Jeanne. La petite prise de convulsions, Hélène consulte le Dr Deberle, un jeune médecin de trente cinq ans à la solide réputation. C'est alors que tel un coup de foudre se crée un lien secret et inavoué entre le médecin et Hélène. Chaque visite du docteur est attendue avec impatience et peu à peu il apparaît qu'ils se comprennent sans ouvrir les lèvres. C'est comme une entente absolue, intime, venue du fond de leur être, et qui se resserre jusque dans leurs silences.
Hélène est une très belle femme, grande et sculpturale dont le profil sait prendre une pureté grave de statue. Elle se lie d'amitié avec Juliette, l'épouse du docteur. Chaque mardi, Hélène reçoit à dîner M. Rambaud, le notaire, et l'abbé Jouve afin de conjurer un peu la solitude où elle vit.
Et peu à peu elle sent qu'elle a de moins en moins la force d'échapper à un aveu qui va lui faire regretter les heures où le Dr Deberle l'aimait sans avoir la cruauté de le dire, jouant tout deux en toute conscience une comédie du coeur, car alors ils ne se permettaient pas même un serrement de main, ce qui donnait une volupté sans pareille au simple bonjour dont ils s'accueillaient. Hélène, luttant entre sa maternité et son amour, doit aussi faire face à la jalousie de Jeanne qui a compris la situation et ne veut pas partager sa mère, se prenant d'une rancune tenace à l'encontre du docteur.
L'abbé Jouve à qui elle se confie, lui donne comme conseil d'épouser M. Rambaud, qui depuis six mois fait sa cour discrètement et patiente.
Un fait imprévu survient lors d'une soirée : Hélène découvre la liaison entre Juliette et Vincent Malignon : pour elle l'adultère de fait s'embourgeoisait là d'une béate façon, aiguisé d'une pointe de raffinement coquet quand on connait Juliette. Hélène va alors monter un plan machiavélique pour tenter de confondre les amants : une lettre anonyme très particulière adressée à Henri. Mais elle ne sait pas encore que cette manoeuvre va avoir indirectement des conséquences dramatiques.
Paru en 1878, ce roman de la passion, du coup de foudre et des élans irrépressibles, des états d'âme et de la fatalité se situe loin de la satire politique et sociale qu'on a connu dans Germinal ou Nana. Huitième volume de la série des Rougon Macquart, on y découvre aussi de très belles descriptions de
Paris qui occupe pratiquement la place d'un personnage. Un très bel opus exaltant la passion amoureuse.