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sur 4124 notes
Est-ce en raison de sa fin terrible ? ou par l‘effet de perspective de ce marigot humain dans lequel elle trempe, indolente et manipulatrice, corrompue par lui autant qu'elle se plait à le corrompre ?
Toujours est- il que j'ai été surprise à la lecture de ce neuvième tome des Rougon de découvrir une Nana, la pire garce que la littérature ait jamais créé, sous un jour finalement moins noir et moins pervers que celui qu'enfant elle laissait paraître dans « l'Assommoir ».

Toute insupportable qu'elle soit, Nana, « chienne qui n'est pas en chaleur et se moque des chiens qui la suivent », ne laisse pas de marbre et porte tout le sel de ce roman inégal sur ses lascives épaules.
Autour d'elle, on suffoque à la lecture ce Paris, celui de « la Curée » dégoulinant d'argent et de luxure ; avec elle, on ricane de mépris face à la faune de ses amants qui s'en viennent chacun à leur manière jeter sur elle le prix de leur débauche ; on a pour elle, parfois, une lueur de compassion quand elle envoie tout promener et s'entiche d'un mauvais amour, ou lorsqu'un froid la saisit quand elle surprend sous un réverbère « un paquet de haillons avec une face bleuie, couturée, avec le trou édenté de la bouche et les meurtrissures enflammées des yeux », comme un futur projeté d'elle-même.

Malgré le plaisir que procure la plume de Zola, très enfiévrée dans ce roman qui comme dans « le ventre de Paris » sature les sens, je regrette quelques moments d'ennui sur certaines scènes moins réussies voire superflues dans des théâtres ou des salons bourgeois.
Reste Nana, ce personnage emblématique des Rougon Macquart, perle d'un opus qui n'est pas à mon avis le meilleur de la série.
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En 1866, Zola écrit deux articles assez virulents, prenant position contre un roman anonyme, Mémoires d'une biche russe. Selon lui, il ne présente pas réellement les moeurs de son temps. Il dira ainsi : " J'attends l'histoire vraie du demi-monde, si jamais quelqu'un ose écrire cette histoire." Cette personne, ce sera lui-même, quelques années plus tard. Il se met alors à enquêter (au grand dam de sa femme) sur ce monde particulier des courtisanes. Il veut décrire la débauche effrénée tout en la marquant au fer rouge.

C'est ainsi qu'apparaît le personnage de Nana. Fille de Gervaise et de Coupeau, elle est la figure même de la perversité. Fuyant la misère de ses parents, elle se lance sur les planches. Sans talent et sans voix, elle attire néanmoins tous les regards par sa beauté envoûtante. Elle vit ainsi de ses charmes. Elle se venge des hommes, et notamment des aristocrates, en leur révélant les infidélités de leurs femmes et en les ruinant tour à tour : Steiner, le banquier véreux, le comte de Vandeuvres, le capitaine Hugon... Elle finira par se mettre en ménage avec Fontan, un comédien mais la violence de ce dernier aura raison du couple. Nana préfèrera s'égarer dans les bras d'une de ses consoeurs, Satin. le sommet de sa réussite est atteint lorsqu'elle parvient à conquérir le comte Muffat, chambellan de l'empereur, à qui elle fera subir les humiliations les plus ignobles.

Triste figure que celle de cette femme qui assiste à la déchéance de sa société tout en voyant sa vengeance s'accomplir. On ne peut s'empêcher de faire la comparaison entre la peinture d'une courtisane et le reflet d'un monde retrouvant ses propres faiblesses en elle.

Ce neuvième tome de la fresque est encore un coup d'éclat de la part de l'écrivain. Il finit ce tome par la mort de Nana, dans une chambre sordide. La courtisane, malade et ruinée, meurt de ses frasques au moment même où on fête bruyamment dans les rues la déclaration de guerre à la Prusse. " Poème sinistre des amours du mâle" selon Zola, ce tome est une illustration flamboyante de la corruption et des vices d'une société.

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♬ Une super Nana, une super Nana... ♬
Elle promettait cette Nana que nous avons vue naître et grandir dans L'Assommoir, et elle ne nous déçoit pas !
Quelle femme pouvait-elle devenir après avoir grandi entre Gervaise et Coupeau, dans les conditions que l'on connaît ?
Une demi-mondaine, une courtisane, une cocotte... allons, cessons de tourner autour du pot : une prostituée. de luxe, certes, mais prostituée.

Nana vend ses charmes, et Dieu sait qu'elle en a ! Elle fait tourner les têtes, elle séduit, elle rend fou.
À son contact, des fortunes et des réputations se font et se défont.
Loin de voir dans son choix de vie un avilissement, Nana y voit une fierté mais surtout une façon d'assouvir sa vengeance. À travers les hommes de la haute société dont elle se joue, elle se venge. Elle leur fait payer le prix de son enfance misérable, et le prix fort, s'il vous plaît.
Pour saisir ses motivations, il faut avoir vu la pauvreté dont elle a souffert dès son plus jeune âge et comprendre qu'elle s'est sans doute juré de ne jamais manquer de rien... quitte à user de méthodes peu catholiques.
Il faut avoir lu L'Assommoir pour bien comprendre Nana.
Elle est prête à tout pour gagner argent et pouvoir : de l'argent qui lui offre un grand train de vie, du pouvoir dont elle use avec délectation sur les hommes qui tombent entre ses griffes.
Nana veut dominer et pour cela elle est prête à utiliser toutes les armes à sa disposition, la plus redoutable d'entre elles étant son physique.
Il faut dire que Nana est tellement belle ! Pas d'une beauté élégante et distinguée, non. D'une beauté éclatante, sensuelle voire érotique.

L'entrée en matière du roman, très réussie, est similaire à celle de Son excellence Eugène Rougon dans lequel le personnage principal s'impose d'emblée, avant d'apparaître physiquement : tous parlent de lui, tout tourne autour de lui, tous les projecteurs sont braqués sur lui. Zola fait monter l'impatience du lecteur, puis fait enfin entrer en scène son personnage.
Pour Nana, il s'agit d'une entrée en scène au sens propre puisqu'elle joue dans une opérette de second ordre, ou troisième, ou plus : un navet en fait, dans lequel elle se montre autant dépourvue de talent que de vêtements... d'où son succès.
Elle joue mal, elle chante mal, mais qu'importe : il se dégage d'elle une sensualité irrésistible, surtout pour les hommes à qui elle fait tourner la tête.
Débordant d'ironie, le premier chapitre m'a ravie !

Nana est le tome de la débauche. D'une autre façon que dans La curée (ici, c'est sur un fond de volonté de revanche sociale que tout se joue), mais avec une même envie de dépeindre de façon féroce la "haute" société, Zola nous montre l'envers du décor.
Que dire de tous ces hommes du monde capables de se ruiner financièrement, moralement ou socialement pour goûter aux charmes de demoiselles fort éloignées de leur univers ? Que cherchent-ils ? le frisson de l'interdit ? Sont-ils tellement blasés de leur vie matériellement aisée qu'ils ont besoin de s'encanailler pour se sentir exister ?

À une époque où l'on n'aime pas montrer ce qui n'est pas convenable, quitte à cacher la poussière sous le tapis, Zola ne recule devant rien, abordant tous les sujets d'une façon crue et osée pour son temps. Paru en 1880, ce neuvième volume des Rougon-Macquart a beaucoup choqué.
Voici une sélection de petits mots doux relevés dans la presse de l'époque :

"Le monstre a paru. Ce n'est pas un monstre que je devrais dire, mais une monstruosité."
"Se coaliser contre cette invasion, soi-disant naturaliste, qui, par certaines souillures spéciales rappelle l'invasion des Prussiens, me paraît, pour les écrivains français, une oeuvre patriotique, nationale, nécessaire."
"Le nom de M. Zola est, depuis quelques jours, dans toutes les bouches – même celles d'égout. Il n'est plus question que de son dernier roman, Nana… C'est le scandale du moment.
Qu'est-ce que Nana ? C'est la suite de L'Assommoir.
On sait que M. Zola a un mépris de mauvais bourgeois pour le peuple. Suivant lui, le peuple est condamné à la dégradation, et ne peut se mouvoir qu'entre deux vices : l'ivrognerie et la prostitution."

C'est plutôt violent, non ?

Et je ne résiste pas au plaisir de recopier un autre "mot doux", un petit poème sobrement intitulé "À Émile Zola" :

"Malgré ta morgue doctorale,
Ordure et « Nana » c'est tout un ;
Si ton livre est de la morale,
Alors la m… est un parfum."

Si vous vous lancez dans la lecture de Nana en frissonnant d'avance, en vous délectant à l'idée de lire des lignes érotiques, vous allez être déçus. S'il a fait scandale à l'époque, le roman semble de ce point de vue très banal aujourd'hui. Lisez-le donc pour les bonnes raisons : Nana est une peinture féroce et réjouissante des moeurs de certains contemporains d'Émile Zola.

Ni bonne ni mauvaise, ni gentille ni méchante, ou un peu tout cela à la fois, Nana n'apparaît pas responsable de sa vie. Née dans le ruisseau, son seul "talent" est sa beauté provocante qui rend les hommes fous. À maintes reprises, Zola la décrit "blanche et grasse", ce qui à son époque correspond aux canons de la beauté féminine. Qu'aurait-elle pu faire d'autre que de vivre de ses charmes ?
Drôle de Nana qui brûle la chandelle par les deux bouts.
Sacrée Nana qui joue tant avec le feu qu'elle finira par s'y brûler.
Faut-il la blâmer ?
La réponse vers laquelle Zola entraîne son lecteur est non.
Ce n'est pas le choix de vie de Nana que l'écrivain dénonce, parce que de choix, elle n'en n'a pas eu.
Ce qu'il dénonce, ce sont ces hommes qui gravitent autour d'elle et qui profitent d'elle.
Même s'ils en viennent à se perdre et se ruiner, ce sont bien eux les coupables.
Le tableau est bien brossé, le texte fait mouche, le lecteur ne peut plus fermer les yeux sur la réalité.

Si je ne vous ai pas convaincus d'aller faire la connaissance de Nana, peut-être Gustave Flaubert le fera-t-il. Aussi, je lui laisse le mot de la fin.
Voici tout d'abord un extrait de ce qu'il écrivit dans une lettre à sa nièce Caroline :
"Toute ma journée d'hier s'est passée à lire Nana (de 10 h. du matin à 11 h. et demie du soir sans désemparer). Eh bien, on dira tout ce qu'on voudra. Les mots orduriers y sont prodigués, le milieu est ignoble, et il y a des choses d'une obscénité sans pareille. Tous ces reproches sont justes. Mais c'est une oeuvre énorme faite par un homme de génie ! Quels caractères ! Quels cris de passion ! Quelle ampleur ! – et quel vrai comique ! Nana tourne au mythe sans cesser d'être une femme et sa mort est michelangelesque !"
Et voici une partie de ce qu'il écrivit à Émile Zola lui-même :
"Nom de Dieu ! quelles couilles vous avez ! quelles boules !
S'il fallait noter tout ce qui s'y trouve de rare et de fort, je ferais un commentaire à toutes les pages ! Les caractères sont merveilleux de vérité. [...]
Un livre énorme, mon bon ! […]
Maintenant, que vous ayez pu économiser les mots grossiers, c'est possible. Que la table d'hôte des tribades « révolte toute pudeur », je le crois ! Eh bien ? après ! merde pour les imbéciles ! – c'est nouveau en tout cas, et crânement fait !"
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Cette jolie nana aura moins marqué mon adolescence que sa mère Gervaise dans "L'Assommoir"- parce que l'histoire est plus plate sans doute- mais bien marquée quand même ! C'est une certaine vision universelle et intemporelle du désir et du pouvoir des femmes sur les hommes (et vice-versa), une sorte de guerre des genres, qui est montrée ici. Nana se venge-t-elle indirectement de ce qu'elle a vu chez sa mère et ses 2 amants, Coupeau et Lantier ? C'est fort probable... Cette petite phrase de Zola résume tout : "Née de quatre ou cinq générations d'ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson (...) elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien".
L'adaptation ciné avec Martine Carol repasse sur TV5 Monde le 07/12/20 !
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Comment rester toujours insensible, quand on lit un roman de Zola ? Tout de suite, on est pris au piège des mots qui créent un monde toujours fantasmagorique, et d'ailleurs, Flaubert disait que "cette création est babylonienne". Il est vrai que le génie prolixe de Zoa nous emporte encore au-delà, parfois, de l'imaginable, tant les détails et les événements foisonnent, toujours peints dans la luxuriance d'un style inimitable.

Nana est sans doute plus à plaindre qu'à blâmer, elle qui était la fille de Gervaise et de Coupeau, dans l'Assommoir. Toute petite elle connut la faim et la misère. Il fallait bien qu'elle mordît dans la vie de toutes ses dents, et qu'elle transformât en or la boue de son enfance.

Incroyable atmosphère, que celle de ce milieu d'artistes qui nous fait même revivre, à ses débuts, les opérettes d'Offenbach. Incroyable Comte Muffat, transformé en petit animal domestique, se traînant à ses pieds pour plaire à sa maîtresse, elle qui le piétine, en minaudant. Incroyables hommes, tous subjugués par la beauté et l'espièglerie, tantôt perfide, tantôt affectueuse de Nana, de l'adolescent Georges Hugon, enfant adorable, encore dans les jupes de sa mère, au banquier Steiner le plus aguerri. C'est pratiquement toute une frange de la société qui est brossée de façon impitoyable et juste, sans aucune intention de caricature.

Ce roman, c'est le naufrage, de toute une société déjà en décomposition au moment où commence l'histoire. Nul ne sera épargné, jusquà la femme fidèle du Comte Muffat, prenant un amant, pour oublier les frasques de son mari, ruiné à cause de Nana, et qui reviendra ce qu'il était, avant de connaître la dévoyeuse : un dévot repentant.

C'est réellement un livre aux milles rebondissements, aux longues descriptions propres à l'époque, de ces tableaux qui ont fait de Zola ce qu'il est à tout jamais : le plus grand peintre du réalisme, d'une société qui est malade, et qui trouve rarement le bon remède pour guérir.

Nana est le roman de la démesure. A la différence de l'Asssommoir, il comporte des scènes érotiques et souvent joyeuses, car la bonne humeur de Nana illumine ce roman en demi-teinte. Il y a toujours une morale, qu'on le veuille ou non : la démesure, l'égarement, le mépris des conventions et du respect d'autrui, toutes les hypocrisies finissent par faire sombrer l'individu dans la déchéance, et la Mort arrive, faisant de la plus belle fille de Paris une pauvre épave, atteinte de la petite vérole. Oui, comme dit Rose, "elle est bien changée", en la voyant sur son lit, en train de mourir.

Un roman éblouissant, que l'on relit, en y découvrant toujours des trésors oubliés ou passés inaperçus, roman qui a donné lieu à une série télévisée, il y a une vingtaine d'années, avec dans le rôle de Nana la sympathique Véronique Genest.

Je ne peux que recommander ce livre, qui me paraît, malgré tout, dynamique et d'un pittoresque non point pesant, mais sarcastique et humoristique. Avec Zola, on ne s'ennuie jamais.
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Quelle cocotte cette Nana ! Je l'ai quitté il y a quelques semaines dans L'assommoir et je la retrouve, magnifique et attirante dans ce roman.

Zola dresse un portrait de cette jeune femme très maligne, utilisant le seul pouvoir qu'avaient les femmes dans cette période, sa beauté. Car pour être belle, elle doit l'être, entraînant à ses pieds tous les hommes de tout milieu. Fous d'elle, ils seront prêts à mettre en péril leurs mariages, leurs réputations et leurs biens-être.

C'est un roman riche sur le monde du théâtre, des influences, de la prostitution et du monde équestre. du coup, on s'éloigne un peu du milieu plus modeste dont Zola est expert.
Mais la lecture est toujours aussi plaisante, j'ai beaucoup aimé la parole donné à Nana et ses ambitions.

Encore un roman fascinant de la part de ce grand auteur !
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J'avance tranquillement dans cette oeuvre phare qu'est Les Rougon-Macquart... Mine de rien, j'en suis déjà presqu'à la moitié !! Et je m'en délecte toujours autant... Même si quelques opus étaient forts que d'autres, c'est toujours un plaisir de retrouver la plume de Zola, riche en description et de lire tout l'amour qu'il porte à ses personnages, même si il peut être très dur avec eux quelques fois. Ici, c'est Nana, personnage féminin tout en complexité, en finesse, elle aspire à de belles et grandes choses, la Nana... Mais, à trouver vouloir, on fini souvent par perdre tout. le destin s'acharne, les aspirations sont déchues... Elle est désirée, voulue, et elle se lance, à corps perdu, sans des relations qui la font souffrir... Elle se donne, corps et âme... Un beau personnage féminin. Nana ne laissera personne indifférent. Et au suivant...
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Le miroir aux alouettes
est bien trop beau pour être vrai ...

Mais comment résister,quand l'on a faim, une faim terrible qui vous tenaille le ventre, et qu'une idée, seule, vous tient et vous entraîne : manger !

Au début, il s'agit de la faim bien réelle de ceux qui n'y mangent pas, justement, à leur faim. Ainsi Nana, s'échappant de chez elle, s'offrant, à quinze ans, sur une borne routière, pour quelques pièces, ratrappée par son père, qui la rosse. S'échapper, aussi, du froid, de la saleté, de la violence... On s'enfuit dès qu'on peut, comme on peut, où on peut...De bal de barrière en tripot, à la rue, aussi, lent apprentissage des hommes et de la façon de les tenir. Appétits qui se rencontrent...

Oh, à ce stade, l'on mange à sa faim, plus ou moins, à cette faim littérale du moins. Mais d'autres faims vous agitent. On peut gagner de l'argent en tenant un petit rôle dans un théatre, se faire des clients qui paient mieux, qui reviennent ! de spectacle en spectacle ... la haute bourgeoisie, l'aristocratie même viennent s'encanailler, en prenant des airs de sainte nitouche. Des Oh! et des Ah ! Miroir étrange, que celui du spectacle, et de ses suites, ou les unes font semblant d'aimer, et les autres affectent une respectabilté de pacotille, mince couverture, feuille de vigne vermoulue qui doit recouvrir la faim, vicieuse, ardente, qui les pousse. Ainsi le mensonge et la faim sont les deux constantes, qui affectent tant le haut que le bas de cette société. Faim jamais assouvie, mensonge éternellemnt soutenu, l'un va avec l'autre, est la condition de l' existence de l'autre.

Le monde du spectacle est le foyer des ces oppositions qui se rencontrent sans pouvoir se résoudre, et Nana est la personne qui concentre ces tensions en elle. Arrivée au sommet de son métier de courtisane quasi illetrée, elle engorge de véritables capitaux, menant un train de princesse, pourtant, elle n'a jamais un sou vaillant. Elle se veut mère aimante, mais visite son enfant - en nourrice - quand elle se souvient en avoir un, l'étouffe alors de caresses, puis disparaît. Elle exige une véritable fidélité de ses amants payants, mais se fait culbuter par tout ce qui bouge, et s'ennuie mortellement quand elle n'est pas occupée avec un homme. Dévore des paquets de pralines et grignote quelques radis au souper. Jamais couchée avant l'aube, ou levée avant onze heures, éternellement épuisée, sentant un vide intérieur angoissant dès qu'elle se retrouve seule ... La faim, toujours la faim ... mais de quoi donc ?

Autour d'elle, ces dames qui jalousent ses succès et lui volent ses amants ( elle n'est pas en reste). La coterie de flambeurs qui vendent forêts et châteaux dans l'insousiance totale, puis essayent de se refaire en épousant une riche héritière, s'ils en trouvent une. Quelques pervers tels que Chouard, vicieux à l'aune même de ce monde là, guettant les fillettes et les fonds de culottes. Quelques dévots. Un ou deux nigauds à dépuceler. Aucun saint, point d'héros. La faim et le mensonge, et rien que cela, pour tous. Quelle drogue cherchent ils donc ?

Pour Zola, ce roman structuré en palais des glaces est la dénonciation foudroyante d'une sociéte - celle du second empire - qu'il juge pourrie de fond en comble. Une société qui s'éffondre avec la défaite de Sedan. Gageons qu'il estimait qu'une politique plus juste saurait en recréer une bien meilleure. Je ne partage cet optimisme que modérément.

Le monde de Nana existe t-il encore en tant que tel ? Comment savoir ? Mais quand on entend que certain prince anglais, ami d'Epstein, n'ose plus se montrer au Royaume Uni, pas même entouré de gardes du corps... Quand on se souvient d'un ministre francais, de certains navires, de quelques oeuvres d'art, et d'une amie précieuse...En vacances l'on peut voir de l'autoroute une petite principauté qui n'a pas volé, sans doute, les plaisanteries de Coluche .. On ne peut pas savoir, mais on se demande ...
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J'ai enfin lu "Nana" ! Pour moi, ce livre signifiera "Longtemps".

D'abord parce que cela fait des années (depuis le collège) que je veux le lire. le diminutif de mon prénom est Nana et aussi loin que je me souvienne, beaucoup de gens m'appelle comme ça. Donc quand j'ai découvert qu'un grand livre de la littérature française portait mon nom, j'ai décidé de le lire. Et cela m'a pris très longtemps...

Et un jour, voilà que je me lance. Ce n'était sans doute pas le bon moment car je l'ai souvent abandonné pour de multiples raisons pour le reprendre plus tard. Donc en ce qui concerne ma lecture, cela m'a pris très longtemps...

Et pendant ma lecture, j'ai découvert des chapitres entiers de descriptions, de détails, de réflexions, et là j'ai trouvé que cela durait très longtemps...

Donc, je suis contente d'enfin avoir lu ce livre mais j'en garde une satisfaction mitigée.
Certes, la satire sociale, sociétale et religieuse est grandiose et on sent bien que Zola a mis ses tripes sur la table. Mais les longues parties descriptives m'ont lassée et ont même émoussé mon plaisir.
Un bon livre que je n'ai pas su apprécié comme je l'aurais du. Il y a parfois dans la vie des rendez-vous manqués qui laissent un petit gout de regret...
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Nouvelle incursion dans la lignée des Macquart, avec cette fois Anna Coupeau, dite Nana, la fille de Gervaise et de Coupeau. Nana, c'est celle qui, bien qu'enfant, avait déjà tous les vices selon le voisinage des Coupeau ; c'est celle que l'on apercevait au milieu des noces de plus en plus terribles de ses parents dans L'Assommoir, jusqu'à leur déchéance, traînant de plus en plus souvent dans les rues telle un Gavroche au féminin, pour éviter la misère, les remontrances, les coups ; c'est celle qui nous apparaît, dans un premier chapitre nous décrivant déjà avec férocité le milieu du théâtre de boulevard parisien, sous les traits d'une Vénus de vaudeville qui fait se pâmer d'un désir bestial toute la gente masculine, peu importe sa condition sociale.

Car Nana, plus qu'une actrice, est une cocotte, qui gravira les échelons de la renommée dans son milieu, jusqu'à devenir LA cocotte, celle qui mettra Paris à genoux en devenant la maîtresse des plus fortunés, celle qui fera ainsi les modes, devenant paradoxalement fréquentable, celle qui ruinera et poussera à la mort un certain nombre de ses amants, celle qui, enfin, parviendra, par l'intermédiaire de son sexe – comme le décrit si bien Zola -, à modeler le monde qui l'entoure à tous ses désirs. Jusqu'à, bien sûr, sa déchéance typiquement zolienne, qui ne rendra sa chute de son piédestal parisien qu'encore plus rude et ironique.

Ainsi, dans ce neuvième roman de la série, le romancier nous peint sans vergogne, dans un entremêlement des corps, dans une profusion de nourriture et de boissons poussant à l'indigestion – comme un rappel au Ventre de Paris ou à L'Assommoir -, ou encore d'argent, de billets de gage, d'emprunts, qui circulent de main en main, le milieu des courtisanes, quasi fusionnel avec celui du théâtre, dont Nana sera justement la charnière exemplaire. Rien ni personne n'est épargné – courtisanes, amants, acteurs et actrices, journalistes… – et le ton du romancier devient plus encore acerbe que dans les tomes précédents, faisant poindre, dans chaque description, dans chaque scène, dans chaque évènement, toute l'hypocrisie et la démesure ayant cours dans ces univers qu'il connaît bien.

Pour une relecture, elle fut tout autant appréciable que la précédente. Toujours un plaisir de redécouvrir des tomes lus il y a fort longtemps !
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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