La légende de la Hougue

Quand vous entrez dans la galaxie, vous prenez tout droit entre Vénus et Mars, vous évitez Saturne, vous contournez Pluton, vous laissez la Lune à votre droite.
Vous n'pouvez pas vous tromper.
Vous continuez tout droit
Là, vous verrez tourner une boule, pleine de plaies, pleine de bosses.
C'est la terre. Vous n'pouvez pas vous tromper.
Vous vous laissez glisser le long du Groënland qui fait froid dans l'dos. Attention! Ça dérape...
Vous prenez à gauche par la mer du Nord, puis à droite par la Manche.
Et là, vous apercevrez la Hougue ...
Et là, le 29 mai 1692 s'est déroulée une tragique bataille navale.
L'Histoire y a retenu une victoire de la flotte néerlandaise, y a inscrit un désastre irrémédiable pour la flotte française commandée par l'amiral Tourville.
Et voilà qu'une conversation de café, qu'un exposé jeté à trac à quelques officiers de marine, qu'un petit livre bien ou mal avisé vient jeter un pavé dans la mare :
"La légende de la Hougue" écrit, en 1942 par G.de Raulin, et publié aux éditions "Baudinière".
La bataille de la Hougue ne serait donc qu'une légende ?
Il est à craindre que l'auteur de ce livre voit se dresser contre lui les historiens, les professeurs d'Histoire, et même certainement les rédacteurs de guides touristiques !
Qui est donc cet audacieux G. de Raulin ?
Son vrai nom est Gustave Joseph Henri Landrieu, commissaire de 1ère classe dans la marine à la charnière des XIX et XXème siècles.
Le fourrier que j'ai été sait que Mr le Commissaire de Marine n'est généralement pas un plaisantin.
L'affaire est donc là exposée clairement, précisément, et étayée par l'archive.
La bataille de Barfleur a été une audacieuse victoire remportée sur une flotte numériquement supérieure en nombre.
Et, les événements de la Hougue n'ont été qu'une malheureuse déroute.
L'histoire y aurait été bernée par la rumeur populaire, par des manipulateurs de budget pris à la gorge, par la volonté des britanniques de reprendre la main sur la maîtrise des océans.
L'histoire convenue, celle apprise et répétée sans discernement, comme le le bon roi Dagobert, avait mis sa culotte à l'envers.
"La légende de la Hougue", le livre de G. de Raulin l'a remise à l'endroit.
C'est ce qui le rend précieux et passionnant ...

Et si le désastre tellement commenté de la bataille de la Hougue, devant Saint Vaast, n'était qu'une légende ?
Et si la véritable bataille, celle engagée par l'amiral Tourville, quelques temps avant , s'était déroulée devant Barfleur, quelques encâblures au nord de Saint Vaast la Hougue ?
C'est ce que prétend, arguments et documentation à l'appui, G de Raulin, ex Commissaire de la Marine et plumitif à l'occasion . Je dis plumitif, car reconnaissons-le, la qualité de la prose laisse un peu à désirer, notamment par le choix d'une conversation de bistrot entre marins d'active et anciens marins pour soutenir le récit ; ajoutons à cela quelques dialogues un peu convenus, voire téléphonés…
Mais là n'est pas le propos. Pour G de Raulin, « le désastre de la Hougue n'a jamais existé ». Audacieux, non ? Oui, audacieux, surtout quand il vous arrive de poser votre sac sur l'île de Tatihou, où de nombreux vestiges sont exposés et que depuis l'enfance on vous rabâche que l'amiral Tourville s'est fait déculotter devant la Hougue…
Même « Patrimoine Normand, le magazine de la culture et de l'art de vivre en Normandie » fait écho à la légende, qui dit que Tourville « participe ensuite à la guerre de Hollande, remporte sur les
Anglais la bataille navale de Béveziers (c'est-à-dire de Pevensey, là où Guillaume le Conquérant débarqua en 1066), mais perd celle de la Hougue (1692) (Patrimoine Normand ; 18 mai 2022)
« La légende de la Hougue », un petit opus qui réhabilite (du moins à mes yeux) Anne Hilarion de Cotentin, amiral de la flotte de Louis XIV, qui fut victime de la perfidie de notre ennemi héréditaire préféré après avoir mis en déroute devant Barfleur, une flotte nettement supérieure grâce à sa science de la manoeuvre…
Un petit opus qui nous plonge au coeur de la bataille navale et qui présente les dessous méconnus de l'histoire, notamment financiers.