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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cela faisait un moment que je devais me pencher sur le sujet de l'afroféminisme. Trop longtemps ignoré par la recherche/littérature/société, j'admets moi-même avoir pris bien trop de temps à me renseigner sur le sujet alors qu'il est indispensable à la lutte féministe. Et j'insiste sur le mot indispensable, parce que le mouvement féministe ne peut avoir de sens que si toutes les femmes sont prises en compte, avec leurs histoires et revendications propres.

Pour commencer mon éducation, j'ai donc choisi bell hooks. Même si son oeuvre est centrée sur le contexte étasunien, elle donne déjà une première idée des diverses oppressions subies par les femmes noires, qui ont mené par la suite au Black Feminism, mouvement né dans les années 60-70, plus ou moins à la même période que l'afroféminisme en Europe.

Mais comment résumer en quelques phrases cet essai si important ? Cela n'est pas possible, mais je vais essayer d'en ressortir les principales idées.

Dans cet essai, l'autrice remonte à l'origine de l'assujettissement des femmes noires aux États-Unis, à savoir l'esclavage, pour montrer comment l'oppression s'est installée, physiquement, mentalement. Elle explique comment les femmes noires ont été placées dès le départ en bas de l'échelle humaine, et comment on les a forcé à y rester tout au long de l'Histoire.

Le plus fou/terrible/contradictoire, c'est qu'on a infligé aux femmes noires les pires horreurs, tout en leur reprochant. On a forcé les femmes noires à assumer des rôles d'hommes en travaillant dans les champs, tout en continuant d'enfanter, de s'occuper des enfants et du foyer, sans jamais se plaindre, sans jamais plier, pour à la fin leur reprocher d'émasculer les hommes avec leur rôle de "matriarche" (qui n'en était pas vraiment un d'ailleurs, voir chapitre 2). On a réduit leur féminité au maximum, les utilisant comme objet sexuel, pour plus tard leur reprocher de ne pas être aussi jolie que les blanches, aussi pure, aussi douce.

Et cette violence, cette oppression, vient d'abord des hommes blancs, mais elle a été perpétuée par les femmes blanches comme les hommes noirs. D'ailleurs, quand les premières revendications féministes ont éclaté, les femmes noires n'étaient jamais prises en compte. Quand les femmes blanches utilisaient le terme générique "femmes", c'était pour parler de la réalité des femmes blanches, pas des femmes noires. Et quand elle parlaient de "noirs", il était sous-entendus les hommes noirs.

Mais pourquoi les ignorer ? Pour garder un statut supérieur. Par vengeance contre les maris infidèles blancs (car il est toujours plus facile de se retourner contre les victimes que contre les agresseurs...). Par assimilation, parce que les hommes blancs étaient foncièrement sexistes et racistes, et que ce système a été perpétué sans réfléchir. Et tant d'autres raisons injustifiées...

De ce fait, les femmes noires ont vécu une double invisibilisation, une double discrimination de sexe et de race, de toutes parts. C'est pourquoi elles ont commencé à se mobiliser ensemble pour créer le Black Feminism. Car une femme noire ne peut pas choisir entre combattre le sexisme ou le racisme, les deux sont intrinsèquement liés. Et la liberté des femmes ne sera jamais acquise sans l'abolition des deux.

Ne suis-je pas une femme ? est donc une très bonne introduction à l'histoire des femmes noires étasunienne et à tous les combats quelles ont dû mener, et doivent encore mener. Cependant, comme nous le rappelle Amandine Gay dans la préface, le contexte est différent en Europe, beaucoup plus empreint par le colonialisme. Je pense donc que ma prochaine lecture sur le sujet se tournera sur le contexte français. Si vous avez des recommandations, n'hésitez pas à me les faire parvenir !
Lien : https://mangeonsleslivres.bl..
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Dans ce livre de bell hooks, on apprend la triste histoire de l'exclusion des femmes noires du féminisme blanc bourgeois au début du XXème siècle. Comment les femmes suffragettes blanches ont-elles pu empêcher les femmes noires de voter, alors même qu'elles se disaient favorables au droit de vote des femmes ? le titre du livre est donc révélateur de son contenu. On voit que la superposition de plusieurs luttes chez les militantes était extrêmement difficile... En effet, si les femmes ont lutté aux États-Unis contre le sexisme, elles ne se liguaient pas contre le racisme. Longtemps tu, car le combat féministe est notoirement connu comme noble et courageux, on se rend compte ici que oui, être féministe et raciste est possible et qu'à son origine, dans les États-Unis des années 20, il n'était pas aussi pur qu'on pouvait le croire.

On lit cela, puis on lit aussi le statut de la femme noire à la période de l'esclavage, qui, décrite à tort par les historiens comme une prostituée, n'en était pas une puisqu'elle ne recevait pas d'argent pour ça et ne donnait pas son consentement pour aux activités sexuelles. Ainsi, la naissance de "mulâtres" est en fait le résultat de viols commis par milliers, centaines de milliers, par des "maîtres esclavagistes" blancs, mulâtres qui furent considérés comme des esclaves et travaillèrent leur vie durant, sans recevoir d'argent, pour des gens qui avaient le même patrimoine génétique qu'eux, à cinquante pour cent près. L'histoire des États-Unis est incroyablement odieuse, et il faut vraiment tout au long de la lecture se reprendre pour ne pas être désespéré. Un ouvrage essentiel en ce qu'il dévoile une page de l'Histoire demeurant une omerta pour beaucoup, en ce qu'elle remue de traumatisant, et de cruel.
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Première lecture de l'année 2020 et de la décennie. Un seul mot : waouh !

D'abord cet ouvrage est un classique du Black Feminism. Bell Hooks a vulgarisé avec brillo des concepts très complexes rendant cette oeuvre très facile à lire, très fluide car elle voulait que ce livre puisse être lu par toutes les générations, à tout moment.

Ce livre est sorti en 1981 et n'a été traduit qu'en 2015, et ce grâce aux nombreuses femmes en francophonie qui s'élèvent pour rétablir les choses que nous devons savoir et comprendre en tant que femmes de toutes origines.

Je tiens particulièrement à souligner l'excellent travail de Amandine Gay qui a préfacé le livre. En la lisant j'ai vraiment compris quelle était la définition de préface. C'est ouf ! Elle a tellement bien replacé la lecture de ce livre dans notre contexte d'afro-descendante évoluant en francophonie.
Une ex-ce-llente préface !

Je ne m'y attendais pas, mais ce livre contient des passages difficiles à lire. À certains moments je devais faire des pauses telles des minutes de silence tellement que la souffrance subie par la femme noire reste inouïe...

Bell Hooks nous donne des excercices simples mais qui corrigent notre pensée à jamais. Elle place certains textes ou faits où on ne voit pas forcément le sexisme ou/et le racisme, puis prend le même passage et le corrige...là tu te dis : mince comment ai-je pu rater cette insulte faite envers les femmes noires ?

Elle n'épargne personne, hommes blancs, femmes blanches, Martin Luther King, Malcolm X etc. Elle t'ouvre les yeux sur toutes les oppressions subies et les erreurs commises également par les femmes noires en acceptant certains faits ou discours et qui nous ont encore plus enfoncées.

Ce livre est non seulement une analyse simple claire et nette ! Mais aussi une critique sévère et salée envers le patriarcat et le féminisme des femmes blanches. J'aime le ton et l'audace de Bell Hooks, de la dynamite.

Ce livre m'a donné envie de relire Un féminisme décolonial de Françoise Vergès. Je pense que mon esprit en saisira encore mieux la portée.

Ne suis-je pas une femme, un MUST READ puissance 1000.
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Ne suis-je pas une femme ? 1981 (traduction : 2015)

Cet ouvrage a été publié dans la collection sorcières chez Cambourakis. C'est dans cette même collection qu'avait été publié Sorcières, sages-femmes et infirmières dont je vous parlais dans l'article "lectures féministes 2018".

"Ne suis-je pas une femme ?" est le premier essai que je lis en écriture inclusive et je n'ai eu aucune difficulté à le lire.

Voici comment il est présenté en 4ème de couverture :

« Ne suis-je pas une femme ? », telle est la question que Sojourner Truth, ancienne esclave, lança en 1851 lors d'un discours célèbre, interpellant féministes et abolitionnistes, sur les diverses oppressions subies par les femmes noires : oppressions subies par les femmes noires : oppressions de classes, de race, de sexe,. Héritière de ce geste, bell hooks décrit dans ce livre paru en 1981 aux Etats-Unis les processus de marginalisation des femmes noires. Elle livre une critique sans concession des féminismes blancs, des mouvements noirs de libération, et de leur difficulté à prendre en compte les oppressions croisées.

Un livre majeur du « Black Feminism », un outil nécessaire pour tou-te-s à l'heure où, en France une nouvelle génération d'Afroféministes prend la parole. »

Bell hooks est une auteure et activiste féministe contemporaine . Elle enseigne l'anglais, l'histoire afro-américaine et les études féministes dans différentes universités.

Je vais ici aborder la préface et vous présenter un extrait de l'ouvrage.

Dans la préface, Amandine Gay parle de l'importance de la recherche afro féministe états-unienne et des scissions qu'il y a pu avoir chez les féministes françaises entre les afro féministes et les autres. A. Gay est auteure et réalisatrice française. Elle a notamment réalisé « Ouvrir la voix » un documentaire sur les afro-descendantes en France et Belgique.

Voici d' autres ouvrages majeurs de blackfeminism des années 80 évoqués en préface :

Angela Davis : Women, race and class, 1981

Patricia Bell-Scott, Gloria T Hull et Barbara Smith : All the women are white, all the blacks are men, but some of us are brave : black women's studies, 1982

Audre Lorde : Sister outsider : essays and speeches, 1984Des afro féministes françaises ont pourtant marqué les années 70 mais ne sont malheureusement pas assez connues. Ces dernières années, l'afro-feminisme français s'est développé sur les réseaux sociaux. Elle cite de nombreux sites dont : https://mrsroots.wordpress.com/ et http://manychroniques.blogspot.com/.

Amandine Gay parle de son expérience personnelle, des impressions qu'elle a ressenties en lisant cet ouvrage et a quel point elle a pu s'y identifier. Elle évoque aussi le racisme vécu lorsqu'elle intègre Sciences Po et pourquoi elle a quitté Osez le féminisme.

D'après Amandine Gay, Bell hooks avait vraiment la volonté d'être la plus accessibles pour toutes, comme si sa mère était son « auditoire idéal ». Cela se ressent vraiment dans son écrit et c'est ce qui m'a énormément plu !

Cet ouvrage m'a vraiment marqué. Des passages sont, certes, difficiles à lire (notamment sur la condition des esclaves noires dans les bateaux qui allaient vers les Etats-Unis) mais très puissants. Elle témoigne des représentations et des attendus sur les femmes noires etats-uniennes.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Un style précis, une analyse pointue et exigeante, une acuité sur les problèmes dans les approches historiques. bell hooks a écrit là un monument. mes premières pages sont noircies de notes qui renvoient au texte tellement il y a d'apports, de réflexion et de pertinence. une lecture et relecture toujours nécessaires pour que continuent de vivre ses messages. [rest in power | 15/12/2021]
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bell hooks, avec un style accessible et très fluide, évoque des sujets complexes avec une pertinence rare. En effet, l'autrice ne se contente pas d'aborder l'oppression sexiste en se cantonnant aux nombreuses oppressions commises par les hommes blancs.


Elle évoque l'oppression classiste et raciste des femmes blanches au sein des mouvements féministes, l'oppression sexiste des hommes noirs au sein des mouvements pour les droits civiques, et démontre les conséquences de tels comportements, trop souvent dissimulés. Elle s'attèle également à déconstruire avec justesse les stérétotypes racistes/classistes/sexistes qui contribuent à perpétuer l'oppression subie par les femmes noires.


En se refusant à cloisonner les luttes et à hiérarchiser celles-ci, bell hooks s'inscrit dans ce que l'on ne nommait pas encore l'intersectionnalité. de ce fait, Ne suis-je pas une femme ? est un très bon complément au brillant Femmes, Race et Classe d'Angela Davis - et inversement. En interrogeant les limites internes au mouvement féministe, l'autrice permet de faire avancer un combat qu'elle estime miner par les différentes oppressions qui y subsistent et par le manque de reconnaissances de ces oppressions.


Le choix d'une écriture simplifiée ne sacrifie aucunement la profondeur des analyses, et si certaines affirmations manquent de sources pour solidifier l'argumentaire, l'ensemble demeure d'une acuité saisissante tant il n'est pas qu'un travail universitaire exogène aux luttes qu'il décrit, mais également un témoignage précieux d'une militante noire prônant le féminisme, l'anticapitalisme et l'antiracisme.


Ne suis-je pas une femme ? est une oeuvre fondamentale et d'une extrême utilité tant les constats dressés dans l'ouvrage sont hélas d'une triste actualité plus de quarante après sa parution.

9/10
Lien : https://www.senscritique.com..
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Un livre absolument précieux, qui m'a bien remis à ma place de minorité privilégiée en tant que blanche.
C'est simple à lire, extrêmement documenté, riche, si riche, qui parle du sexiste (des hommes blancs, des hommes noirs, des femmes blanches), ainsi que du racisme (des mêmes trois précédemment cité.e.s), du patriarcat, de tous ces schémas si ancrés aujourd'hui auprès de tou.s.tes.
Vraiment, j'y ai trouvé un intérêt immense.
bell hooks n'accuse pas, elle partage ses études, ses constats.
Bonne lecture les ami.e.s.
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