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Dominique Taffin-Jouhaud (Traducteur)Dominique Taffin-Jouhaud (Traducteur)
EAN : 9782721002570
341 pages
Editions des Femmes (24/11/1983)
4.43/5   116 notes
Résumé :
Dans Femmes, Race et Classe, Angela Davis, historienne et militante, développe une analyse critique des liens parfois conflictuels ayant existé au cours des XIXe et du XXe siècles entre féminisme et luttes d’émancipation du peuple noir. Elle démontre que les luttes ont porté leurs fruits à chaque fois qu’elles ont été solidaires. Se refusant à mettre en concurrence les différents éléments constitutifs de sa propre identité, elle affirme que les oppressions spécifiqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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[Chronique complète sur le blog].

L'autrice aborde des faits historiques allant du dix-neuvième au vingtième siècle. Elle retrace le mouvement antiesclavagiste. Même parmi les personnes blanches qui soutenaient l'abolition de l'esclavage, les idées racistes foisonnaient. Par exemple, de nombreuses femmes blanches, qui avaient soutenu le mouvement antiesclavagiste, étaient contre le droit de vote des (hommes) noirs, puisqu'elles n'y avaient pas accès.

Après l'abolition de l'esclavage, les conditions de vie des personnes noires – et notamment des femmes noires, qui étaient évidemment pauvres – ne s'étaient pas améliorées autant qu'on pourrait le penser, étant donné que de nombreux droits leur étaient encore refusés et l'éducation leur était souvent interdite.

Le mythe du violeur noir (qui dessert à la fois ces derniers mais également les femmes noires), le mouvement des ouvriers·ères, l'éducation pour les filles noires et le travail domestique sont des sujets également abordé dans cet ouvrage (qui fait près de 300 pages, en comptant les notes). Tous ces sujets sont traités parce qu'ils sont à la croisée de plusieurs oppressions : le racisme, le sexisme et le classisme.

Un ouvrage indispensable et tout à fait accessible pour mieux comprendre et lutter efficacement contre toutes les oppressions et pour les personnes qui souhaitent soutenir l'intersectionnalité des luttes. Angela Davis est une femme intéressante, et je vous invite à l'écouter en interview (vous pouvez en trouver qui ont été traduites) ou à lire ces essais.
Lien : https://anaislemillefeuilles..
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Pendant plusieurs années, ce titre, Femmes, race et classe, m'a interpellée sur le chemin des toilettes. Angela Davis trônait dans la bibliothèque de ma soeur (en l'occurrence celle en face des WC, ceci explique cela) et, quand elle a déménagé, je me suis dit que ça ne pouvait plus rester uniquement un fantasme intellectuel. Avec Une lutte sans trêve, j'ai découvert qu'Angela Davis était finalement assez facile à lire, et surtout bougrement intéressante. Alors c'est un peu satisfaite (de moi-même et de ma lecture à venir) que j'ai abordé ce triptyque de l'intersectionnalité.

Je m'attendais à une analyse contemporaine (oui, parce que j'ai beau être passée devant le livre plusieurs fois par jour pendant un an et demi, j'avais jamais lu la quatrième de couverture). Que nenni. L'autrice s'intéresse aux femmes noires (faut-il préciser pauvres ?) et décortique les liens entre la lutte abolitionniste et les revendications féministes américaines du XIXe siècle et du début du XXe. Celles-ci, vous l'aurez peut-être présumé, étaient blanches – autant les féministes que leurs revendications. À force d'exemples et de références, on comprend que les dynamiques qui animaient l'une et l'autre luttes, articulées autour de principes moraux – si tant est qu'il existe une morale raciste – et économiques, avaient des logiques somme toute assez divergentes. Ainsi, la lutte anti-esclavagiste était rarement humaniste ; les femmes blanches pouvaient s'insurger que les hommes noirs obtiennent le droit de vote avant elles ; de pseudo-arguments de protection des femmes permettaient de justifier le lynchage des noirs, etc. Bref, la réelle convergence des luttes n'était même pas à l'état d'ébauche.

Ma culture historique et politique américaine est très (très très) limitée, j'ai donc parfois eu le sentiment d'errer entre les personnalités et les dates. Mais, même avec ce léger flottement, ce fut une lecture riche et, à mon sens, elle est essentielle pour comprendre l'articulation de luttes fondamentales et éviter les écueils d'une réécriture lustrée de l'Histoire.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Dans mon entreprise de découverte des grands noms du féminisme, celui d'Angela Davis, également militante antiraciste et communiste, s'est vite imposé. Femmes, race et classe est un essai passionnant et fluide, qui offre une perspective historique à la lutte pour les droits des femmes aux États-Unis, et étudie ses liens complexes avec le racisme et le capitalisme depuis le XIXe siècle jusqu'à la fin des années 1970.

Si les femmes en général ont presque toujours été effacées de l'écriture de l'Histoire, c'est d'autant plus vrai en ce qui concerne les femmes noires. Pourtant, au temps de l'esclavage, elles ont été utilisées au même titre que les hommes pour les travaux de force. N'ayant pas le moindre droit, elles ne pouvaient pas même allaiter leurs enfants durant leur journée de travail, ce qui leur provoquait des mastites répétition. Elles subissaient le fouet, même enceintes. Enfin, en plus des châtiments administrés aux hommes, elles étaient très souvent violées.

Pour justifier une oppression, il est commun de créer de mythes autour de la catégorie d'individus que l'on domine. Les Noirs n'ont pas échappé à cette règle. le viol des femmes noires par les Blancs, arme de domination, est en plus tourné de façon si perverse qu'il se retourne contre ses victimes. Les femmes noires étaient donc vues comme des êtres particulièrement lubriques. Encore pire, cela (additionné à l'idée que les Noires dominaient leur foyer) a entretenu l'idée que l'homme noir était dépossédé de sa virilité naturelle, et qu'il compensait ce désavantage en étant plus enclin à violer, en particulier les Blanches...

Au XIXe siècle, cependant, de plus en plus de voix s'élèvent contre l'esclavage. La lutte pour l'abolition de l'esclavage est alors grandement aidée par les femmes blanches aisées. Angela Davis pense que l'ennui et la proximité entre la cause des Noirs et celle pour les droits des femmes a poussé les premières féministes à militer contre l'esclavage et la ségrégation, comme elle dénonçaient la situation de dépendance et d'infériorité que le mariage leur procurait.
Cependant, cette union cède rapidement le pas à une hostilité entre féministes et antiségrégationnistes. Antiesclavagiste ne signifie pas antiraciste. Refusant l'urgence des autres causes, les féministes bourgeoises n'hésitent pas à s'allier à des politiciens en leur servant un discours reprenant le mythe de l'homme noir violent et stupide. Elles vilipendent les militantes (souvent ouvrières) qui considèrent la lutte contre le capitalisme plus urgente que celle pour le droit de vote. Elles refusent souvent l'intervention des femmes noires dans les débats.

Pourtant, ces dernières sont parfois les meilleures porte-parole de leurs revendications. Ainsi, Sojourner Truth, qui utilise son passé de femme esclave, jamais aidée, exploitée, dont les treize enfants ont été arrachés à leur mère, pour répondre aux hommes qui refusent le droit de vote aux femmes alors que celles-ci "ne savent pas enjamber une flaque d'eau". Elle rétorque à ceux qui utilisent la religion pour refuser de droits aux femmes que le Christ venait de Dieu et d'une femme, aucunement d'un homme. Il y a aussi Ida B. Wells qui luttera inlassablement contre les lynchages.

Après l'abolition de l'esclavage, rien n'est encore gagné pour les Noirs. La majorité reste cantonnée à des emplois mal rémunérés. Leur instruction, interdite presque partout avant la Guerre de Sécession, reste limitée. Les lynchages sont une menace permanente.
Le racisme va également diviser les militantes pour les droits des femmes dans certains combats comme celui pour le droit à l'avortement. Les femmes racisées, étant victimes de stérilisations forcées, souhaitent davantage un travail sur le contrôle des naissances, qui leur permettrait d'accueillir leurs enfants ou d'avorter dans de bonnes conditions. Pour leur part, les femmes blanches souhaitent limiter leur nombre d'enfants, et sont accusés de provoquer un "suicide de la race". Surtout si elles sont riches.
Y a-t-il une meilleure arme que la division lorsqu'on souhaite faire échouer les revendications d'un groupe ?

Un livre qui permet de comprendre que certaines alliances et luttes ne sont pas si évidentes qu'elles le semblent, et qui éclaire jusqu'à l'actualité américaine contemporaine.
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« Pour définir la place de la femme dans la société du XIXe siècle, il faut à la fois parler des femmes blanches qui travaillent sur les machines pour des salaires de misère, et des femmes noires qui connaissaient les rigueurs de l'esclavage. L'idée de « femme d'intérieur » ne reflétait que partiellement la réalité, car elle était le symbole de la prospérité économique des classes moyennes en expansion. »

Femmes, race et classe - Angela Davis @editionszulma

Un essai incontournable (que j'ai eu la chance de gagner lors d'un concours organisé par @papillonnage_litteraire que je remercie encore 😊), une oeuvre magistrale, un chef-d'oeuvre du genre 🌟

Dans ce livre incomparable, l'autrice nous parle du parcours aux Etats-Unis de l'émancipation des femmes qui se sont liées à la cause des Noirs pour l'abolition de l'esclavage, mais aussi de l'émancipation des femmes noires, peu représentées et trop peu soutenues par leurs consoeurs blanches…

« L'apostrophe de Sojouner Truth « Ne suis-je pas une femme? » était aussi une allusion au racisme des femmes blanches qui firent ensuite l'éloge de leur soeur noire. Plusieurs participantes à la convention s'étaient d'abord opposées à l'intervention orale d'une femme noire. Les opposants aux droits des femmes avaient tenté de profiter de ce racisme. »

De fait, la société de l'époque a malheureusement divisé des causes qui auraient dû être communes…

« Racisme et sexisme sont liés; les ouvrières blanches et les femmes de couleur étaient souvent dans la même situation d'oppression. »

Cependant, un combat est parvenu à rassembler les femmes de l'époque, peu importe leur origine: le droit à l'éducation!

« L'histoire de leur lutte commune pour le droit à l'éducation atteignit son apogée lorsque les femmes blanches et les femmes noires menèrent la bataille pour l'alphabétisation du Sud de l'après-guerre. »

Et pourtant, si elles devaient choisir entre la cause des femmes ou celle de la race, trop de femmes blanches ont fait le mauvais choix… ce qui joua en leur défaveur à toutes, peu importe leur couleur de peau.

« Il ne s'agissait pas tant de préserver les droits des femmes ou de perpétuer leur combat pour l'égalité politique que d'assurer le règne des Blancs à n'importe quel prix. »

Une oeuvre incontournable dont j'ai noté la moitié en citations qui m'ont touchée, émue, bouleversée, que j'aurais aimé vous partager ici; mais, dans l'impossibilité de le réaliser, je ne peux que vous encourager à lire ce formidable essai de l'incroyable Angela Davis 🌟

Que la lumière soit! ✨
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Cet ouvrage fondamental lie avec brio et clarté les systèmes patriarcal, raciste et classiste, en traçant l'histoire des femmes, des noir-e-s et de leurs luttes aux Etats-Unis du XIXème siècle aux années 1970. Si c'est dans l'alliance entre femmes noires et blanches qu'ont été remportées les premières victoires contre le système esclavagiste et le patriarcat, à l'inverse quand le racisme s'installa dans le mouvement pour le vote des femmes, instaurant l'idée que les femmes (blanches) devaient passer avant les noirs (hommes... les femmes noires étant alors "oubliées"), la puissance de ces premières luttes se perdit. L'auteure pose le problème de l'instrumentalisation persistante du viol à des fins racistes : les violeurs vilipendés sont toujours noirs, les victimes blanches... et les femmes noires violées ignorées. Elle montre enfin que les femmes blanches et noires n'étaient pas du tout dans les mêmes situations par rapport à la maternité (cas de stérilisations forcées, etc.), ce qui explique le "peu" de femmes noires impliquées dans la lutte pour l'avortement.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il y avait beaucoup de naïveté politique dans son analyse des derniers moments de la guerre ; elle se montrait plus vulnérable que jamais à l’idéologie raciste. Dès que l’armée unioniste eut triomphé de ses opposants confédérés, Elizabeth Stanton et ses collègues exigèrent du Parti républicain une récompense pour les efforts accomplis pendant la guerre : elles réclamaient le droit de vote, comme si un traité avait été conclu ; comme si les féministes avaient lutté contre l’esclavage en visant ce droit.

Bien évidemment, les républicains n’apportèrent aucun soutien aux suffragettes après la victoire de l’Union. Ce refus émanait moins des hommes que des politiciens liés aux intérêts économiques dominants de l’époque. Dans la mesure où la guerre entre le Nord et le Sud avait pour but de renverser la classe esclavagiste sudiste, elle profitait essentiellement à la bourgeoisie nordiste, c’est-à-dire aux jeunes capitalistes enthousiastes qui avaient trouvé leur credo politique au Parti républicain. Les capitalistes du Nord cherchaient à contrôler toute l’économie de la nation. Leur lutte contre l’esclavagisme du Sud n’englobait ni la libération des Noirs ni celle des femmes.
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Et leur myopie historique les empêche de comprendre qu'en dépeignant le Noir comme un violeur, on invite ouvertement le Blanc à faire usage du corps de la femme noire. Cette fiction du violeur noir a toujours renforcé son complément : l'impudeur prétendue des femmes noires. Une fois que l'on a accepté que les Noirs ont une sexualité bestiale et des besoins irrépressibles, la race entière est investie de la même bestialité.
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Dès les premiers temps de l'esclavage, les femmes noires ont avorté seules. De nombreuses femmes esclaves refusaient de faire naître des enfants dans un monde de travaux forcés qui n'avait pas de fin, synonyme pour les femmes de chaînes, de fouet, et de viols quotidiens.
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Il serait abusif de considérer cette institutionnalisation du viol comme l'expression du refoulement sexuel du maître, hanté par le spectre de la féminité blanche : cette explication est beaucoup trop simpliste. Le viol était une arme de domination, une arme de répression dont le but secret était d'étouffer le désir de révolte des femmes et démoraliser leurs maris.
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Consciemment ou inconsciemment, leurs déclarations ont facilité le retour du mythe galvaudé du violeur noir. Et leur myopie historique les empêche de comprendre qu'en dépeignant le Noir comme un violeur, on invite ouvertement le Blanc à faire usage du corps de la femme noire. Cette fiction du violeur noir a toujours renforcé son complément : l'impudeur prétendue des femmes noires. Une fois que l'on a accepté que les Noirs ont une sexualité bestiale et des besoins irrépressibles, la race entière est investie de la même bestialité. Si les Noirs regardent les femmes blanches comme des objets sexuels, les femmes noires doivent certainement accepter avec plaisir les attentions sexuelles des hommes blancs. Dans la mesure où les femmes noires sont considérées comme des femmes de mauvaise vie et des putains, leurs protestations contre le viol perdent tout crédit.
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