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Critiques de Aristote (87)
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Catégories - Sur l'interprétation - Organon I e..

Une bonne part de la philosophie aristotélicienne se retrouve contenue en puissance dans les Catégories, les fameux "genres" sont absolument déterminants dans la philosophie d'Aristote car ils conditionnent théoriquement toute sa métaphysique, d'ailleurs les Catégories sont probablement plus récentes que de nombreux autres traités aristotéliciens.

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Catégories - Sur l'interprétation - Organon I e..

Un livre ardu voir hermétique à la croisée des chemins entre la philosophie, la logique et la linguistique.



Le but de ce livre est de formaliser la structure du langage et donc indirectement comment s'organise notre pensée.



La lecture n'est pas très agréable car on est face à une longue énumération de règles et de descriptions... On a l'impression de lire une spécification technique.



En contre-partie de cette austérité, ces 2 textes peuvent se targuer d'une rigueur quasi mathématique.

Si on re-contextualise, la démarche et la méthode sont impressionnantes pour des écrits vieux de 23 siècles.



En refermant le bouquin, je me suis demandé si l'approche d'Aristote n'est pas trop centrée sur les langues indo-européennes. Je pense que s'il avait été chinois ou japonais, leur langage étant structurés très différemment du grec, ces textes aurait forcément été très différents.



Bref, je vous conseille se livre si vous êtes à la fois curieux et motivé ou juste passionné de logique ou linguistique.
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Constitution d'Athènes

Une perle pour tous historiens et amateurs d'histoire ; pour un public plus large et, de surcroît, profane en ce qui concerne la politique grecque de cette époque si reculée, c'est un peu complexe à lire, surtout qu'il y a peu d'annotations concernant des mots spécifiques au régime athénien et à son organisation. Mais cet ouvrage montre le génie d'un Aristote aussi bon philosophe qu'historien.
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Constitution d'Athènes



Après la présentation remarquable du livre par l'éditeur sur la fiche de Babelio, il est bien difficile d'ajouter une note de lecture pertinente. Commençons toutefois par rappeler que le mot "constitution" employé dans le titre n'est pas à prendre au sens moderne, étroit, de document écrit fixant les règles de la vie politique d'une communauté humaine. "Constitution", ici, sera plutôt synonyme de "institutions", au sens large, ou encore, de "régime", et de pratiques diverses de la citoyenneté. Ce qui frappe en effet, c'est que le citoyen de la démocratie, ou même de l'oligarchie, athéniennes, n'a rien à voir avec nous, sujets passifs qui votons à date fixe pour des représentants à qui nous signons un chèque en blanc, avant de retourner à notre inactivité. Non, le citoyen athénien a d'autant plus de devoirs politiques que le régime est plus démocratique : on apprend donc ici (ou bien, ce livre nous rappelle) que la vie démocratique exige du citoyen un engagement politique de tous les instants, et un sens du devoir envers la communauté que nous n'avons pas. Montesquieu rappelle à juste titre dans L'Esprit des Lois que la démocratie exige des gens la vertu, la responsabilité, le sens du devoir. On est impressionné, en lisant le texte d'Aristote, par la quantité de charges qui pèsent sur le citoyen, et sur lui seul. Loin d'être des privilèges réservés aux autochtones de sexe masculin (d'où les sottes accusations modernes de racisme, de machisme etc), ces contraintes de la vie démocratique sont nombreuses et rendent l'apolitisme impossible, sauf en régime tyrannique.



D'autre part, ce livre est étonnant car il ne se borne pas à décrire le fonctionnement des institutions athéniennes, mais les situe dans une évolution et une longue durée. Aristote fait oeuvre d'historien et n'hésite pas à inclure des documents et textes authentiques, et à expliquer par des rapports sociaux, voire des luttes de classe, les différents régimes qui se sont succédé à Athènes des origines à 322 av. J.-C. A ce titre, son analyse des réformes de Solon, puis de la tyrannie de Pisistrate, est remarquable, entre autres qualités et pour ne parler que des figures politiques les plus connues. On voit à l'oeuvre dans ce texte une méthode d'enquête et de description qui étonnera le profane par sa rigueur.



C'est à l'occasion d'une version grecque tirée de ce livre, que ma curiosité a été éveillée. La langue (quand on choisit une édition bilingue, soit dans la Collection des Universités de France, soit en poche) est d'une grande clarté, et permet aux hellénistes amateurs, très, trop amateurs, dans mon genre, de reconnaître dans le texte grec ce qu'ils ont lu dans la traduction, et de comprendre la construction des phrases. Ce n'est pas un petit plaisir.



Quant à l'actualité de ce genre de lecture, je crois qu'elle va de soi. Les médias bruissent de vains débats sur l'état de "notre démocratie".Aristote nous fournit l'occasion d'y réfléchir un peu plus à loisir.
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Constitution d'Athènes

On a de quoi se demander ce qui a pu pousser une cité à passer de la monarchie à la démocratie (sans précédent il me semble), et pour devenir en même temps la plus puissante de la Grèce et enfanter en quelques années des génies comme Socrate, Eschyle, Sophocle, et j'en passe… Ce texte attribué à Aristote n'a été retrouvé qu'à la fin du dix-neuvième siècle et il manque le début. Il commence vraiment avec le mécontentement du peuple vis-à-vis des grands propriétaires terriens à la fin du septième siècle av. JC. Entre les trop riches et les trop pauvres, Solon, qui fait partie de la classe moyenne, un riche modéré, est nommé pour faire un arbitrage, il annule les dettes et met surtout fin à l'esclavage des citoyens pour cause de dettes, sans pour autant redistribuer les terres comme l'espéraient les pauvres. Un premier pas… qui n'a satisfait personne et a mené à la tyrannie de Pisistrate, le chef des pauvres en quelque sorte, bon tyran, sorte de monarque éclairé d'après Aristote ; ce sont ses fils qui ont abusés. Une fois les Pisistratides renversés, Clisthène est amené à revoir la copie de Solon, et on peut dire que d'un point de vue étymologique c'est lui l'inventeur de la démocratie. Il crée les dèmes qui ne sont rien d'autre qu'une nouvelle division de circonscription pour casser les anciens partis et il met en place l'ostracisme pour éviter que de nouveaux Pisistrate puissent prendre le pouvoir. En – 508 commence alors le grand siècle athénien. Même si Aristote fait très peu de commentaires et reste dans le factuel, c'est visiblement l'époque qu'il considère comme la plus aboutie de la démocratie, celle qui est dominée par l'Aréopage. Elle commence à se dégrader avec les démagogues dans les années 450, pour finir dans l'oligarchie. Avant que la démocratie ne soit rétablie. Toute cette histoire tumultueuse jusqu'en – 400 est racontée dans la première partie.

Dans la seconde partie Aristote ne fait plus d'histoire mais décrit les institutions athéniennes de son temps et leur fonctionnement. C'est très détaillé mais pas franchement passionnant pour le lecteur lambda. J'en retiens que les citoyens avaient beaucoup d'obligations, ils ont acheté chèrement leurs droits avec beaucoup de devoirs. Une grande portion des citoyens devaient participer activement à la vie politique. Outre un service militaire de deux ans (l'éphébie), ils pouvaient être appelés à occuper toute sorte de fonctions au sein de la cité, et s'ils manquaient à leurs devoirs ils pouvaient être sanctionnés. Au fond, ce qui différenciaient les démagogues des démocrates (selon la vision d'Aristote), c'est qu'ils usaient davantage de la carotte que du bâton pour impliquer les citoyens. L'autre chose qui étonne, c'est la confiance qu'accordaient les Grecs au tirage au sort, et la grande place qu'il occupait aux côtés des élections. Ce sens du tragique…
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De l'âme

Livre fondateur de toutes les réflexions sur ce "quelque chose".



On ne sait toujours pas ce que c'est. On peut bien l'appeler âme.



Ôtez tout ce qui est bassement matériel à tout être vivant, il restera quelques chose.



Le concept d'âme est la réponse aux problèmes les plus complexes de la philosophie. Lorsque quelque chose résiste au philosophe dans son entreprise de rendre compte du monde, il aboutit nécessairement à un concept proche de ce qu'on appelle "l'âme".



Ce livre développe ce qu'on peut déduire de ce quelque chose, pour aussi peu qu'on en connaisse.



Aucun relent religieux dans ce cheminement. Les trois monothéismes n'ont pas le monopole de l'âme, plus généralement, les religions non plus.



Les avancées scientifiques permettront peut-être un jour de rendre totalement compte du cerveau, aboutissant à un froid matérialisme, science cadavérique ; je vomis le scalpel. Je ne suis pas certain de vouloir assister à ça. Peut-être nous faudra-t-il alors relire Heidegger pour nous rendre compte que la science ne pense pas.



En attendant, l'âme a de beaux jours devant elle. Même après ces futures découvertes, je prends le pari que quelques petits efforts d'interprétation permettront de réactualiser toute la vigueur du raisonnement d'Aristote. Un indispensable de la philosophie.
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De l'âme

Que dire d'un philosophe tel qu'Aristote ? Que je le découvre, petit à petit, et que je suis frappée par l'extraordinaire cohérence de sa pensée, par sa vision de l'homme non dualiste mais unifiée, par la clarté de son raisonnement.

Un maître à penser, oui vraiment, à déguster par petites touches pour mieux l'assimiler...
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De l'âme

Contrairement au traducteur, qui présente une riche et structurée introduction, je ne peux pas vraiment trouver de l'obscurité dans le texte, même dans les détails. Je peux en revanche affirmer qu'il comporte quelques digressions et que l'argumentation n'est pas toujours très assurée.



Ce traité combine la réflexion philosophique d'Aristote et ses connaissances de naturaliste (qui sont aujourd'hui complètement hors de propros) et il ne faut pas s'attendre – le traducteur le dit très bien – à de la psychologie. C'est de la philosophie naturelle.



Rajoutons qu'il est bon de lire le traité De l'âme sans les présupposés scolastiques afin de bien reconstituer la pensée aristotélicienne.
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De l'âme

Livre difficile traitant d’une notion abstraite, intangible difficilement accessible, menant assez vite à la notion de religion et du divin, « De l’âme » est un ouvrage sans doute plus ardu que l’Ethique ou le Politique, à relire et à méditer longuement pour commencer à comprendre la pensée profonde de l’auteur.



J’avoue sans honte que certains passages m’ont semblé peu clairs et mériteraient une relecture approfondie.



Mais au final une question me tarabuste : comment en effet démontrer l’existence d’une véritable âme ?



J’ai l’impression que Descartes (que je n’ai pas lu) et l’Église catholique ont nié la notion d’âme aux animaux et aux plantes, l’accordant simplement à l’homme.



Mais finalement ne parlaient ils pas tout simplement d’intelligence ?



Aristote lui semble plus large dans sa vision de l’âme.



L’ouvrage m’a peut être paradoxalement plus impressionné par la finesse de ses analyses biologiques du monde végétal et animal avec la conclusion que je tire à savoir que les êtres reçoivent de la Nature le niveau de complexité de leur âme nécessaire à assurer les actes permettant leur survie.
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De l'âme

Que dire des fondations de l'immense discussion autour de l'âme humaine dans l'histoire de la philosophie? Aristote est le point de départ d'une immense tradition de pensée avec son De Anima. L'hylémorphisme, l'assimilation comme clé de l'activité animée, et, surtout, la noétique... L'immensité ne se laisse pas facilement résumer.

Ce qui me reste à dire, après tant de lectures, ne se formule qu'en une question, qui en appelle plusieurs: pourquoi, Aristote, n'as-tu pas clairement identifié le statut de l'intellect humain? Pourquoi ta psychologie si complète, si claire, s'embrume-t-elle dès qu'il s'agit de parler de la fragmentation des parties de l'âme humaine? Pourquoi un discours lacunaire au sujet de l'intellect possible, agent, théorétique?

Pour faire parler les curieux... Nombre incalculable de commentaires ont vu le jour médiéval jusqu'à ce que la modernité s'autorise à laisser tomber l'aristoteles dixit. Des oubliés aux plus connus, des consensuels aux plus sulfureux, les commentaires du De anima tentent tous de répondre au silence blessant du Stagirite. Plonger ensuite dans les commentaires de commentaires, dans les attaques, les ripostes, les objections, les justifications, les polémiques... Et n'en ressortir que pour relire le De anima, par qui tout commença. Se poser la même question, encore et toujours.
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De la génération et de la corruption

Le style est le style habituel d'Aristote : peu de lexique mais du lexique bien défini, un texte concis sans métaphore, un propos synthétique mais organique. Un ouvrage important au titre qu'il constitue une référence importante dans la plupart des œuvres métaphysiques d'Aristote, sinon toutes. Il est cependant loin d'être le plus célèbre.
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Est-ce tout naturellement qu'on devient heu..

Les éditions Folio ont une collection nommée Sagesses, constituée de petits livres élégants, de 120 pages environ, nous permettant de nous familiariser avec de grands penseurs à travers un sujet donné. Extrait des Œuvres d’Aristote et publié en 2018, Est-ce tout naturellement qu’on devient heureux? se constitue de trois parties : Le Bonheur, Bonheur et bien suprême, et L’amitié. A l’heure où nous nous posons des tonnes de questions sur notre vie et l’épanouissement personnel, il est bon de revenir à ces textes fondamentaux de l’histoire de l’humanité pour tenter d’y voir plus clair. Loin d’être abstraite, la démonstration philosophique d’Aristote sur la notion du bonheur impressionne par sa lucidité et sa clairvoyance. Prenons son analyse de l’amitié qui peut se décliner sous trois formes : la vertu, l’utile et l’agréable. « Percevoir son ami, c’est nécessairement se percevoir soi-même d’une certaine façon et se connaître soi-même d’une certaine manière » nous dit le philosophe grec au terme d’une brillante démonstration explorant tous les soubassements du concept de l’amitié. Quant au bonheur, Aristote déclare « Tout homme capable d’orienter sa vie selon son propre choix doit se fixer, pour qu’elle soit belle, un certain but dans l’existence(…), et le prendre en considération pour mettre en œuvre tous ses actes. Car, assurément, ne pas avoir de vie organisée en fonction d’une certaine fin est d’une grande étourderie. » . S’en suit une éblouissante réflexion sur les trois genres d’existence qu’on peut décider de suivre : la vie du politique (la vertu), la vie du philosophe (la sagacité) ou la vie du jouisseur (le plaisir).
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Ethique à Eudème - Edition bilingue français-grec

Je ne recommanderais pas le lecture de ce livre, à part à ceux qui veulent approfondir pleinement leur compréhension de la pensée d'Aristote. La lecture est difficile (les notes ne contiennent que des explications relatives à la traduction et non pas des "aides" à la compréhension du texte) et requiert de solides bases sur la pensée d'Aristote.

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Ethique à Eudème - Edition bilingue français-grec

La traduction est relativement abordable. On arrive en général à bien suivre l'argumentation et le fil des idées d'Aristote, à l'exception de quelques chapitres particulièrement difficiles.

Les notes en fins d'ouvrage sont majoritairement des questions techniques de traduction qui n'ont d'intérêt que pour l'helléniste.

Ce qui manque principalement à cet ouvrage (peut-être est-ce le cas de tous les ouvrages d'Aristote) c'est le manque de mise en valeur des idées du philosophe. Il suffit d'avoir perdu un seul moment le fil de l'argumentation, ou encore d'avoir mal saisi une phrase pour à la fin ne pas savoir qu'elle est la conclusion de l'auteur. En fait, pour retirer effectivement quelque chose de ce livre, il faut obligatoirement être muni d'un carnet et d'un stylo pour noter les idées d'Aristote, sinon elles se retrouvent perdues au milieu des doxas, des hypothèses réfutées et des argumentations.
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Éthique à Nicomaque

Cela commence bien: " Et quel est le bien placé au sommet de tous ceux qui sont exécutables? Sur un nom, la grande majorité tombe d'accord: c'est le bonheur".



Mais vite le texte  (certes handicapé par le fait qu'il s'agit d'une reconstruction) pâtit d'analyses non exhaustives ou parfois obscures, qui laissent un gout d'inachevé. Pour autant, si l'on fait fi de cet abord difficile, le texte est une bonne invitation à la réflexion , en particulier sur le plaisir et sur l'amitié (ce dernier thème étant certes inattendu dans une éthique..)



Le plaisir est réhabilité: " les plaisirs corporels sont nécessaires, sont bons jusqu'à un certain point". Mais comme pour les vertus, Aristote insiste sur le fait qu'ils doivent être pratiqués sans excès. Et il ajoute que la "plus agréables des activités est, de l'avis unanime, celle qui correspond à la sagesse". Ou encore: "Plus loin s'étend la méditation, plus loin s'étend le bonheur".



L'amitié: "C'est la chose la plus nécessaire à l'existence".

L'amitié est scindée en trois selon qu'elle se fonde sur le plaisir (partager des plaisirs) l’intérêt (en fait une transaction de biens ou de services) ou la vertu. Il précise aussi qu'en fait, seule la troisième devrait être qualifiée d'amitié véritable.

Le chapitre sur l 'amitié sert aussi à la défense de l'amour de soi toujours sans excès...) comme étant nécessaire. L'amitié bienfaisante ("le vertueux a besoin de personnes à qui faire du bien") est antinomique avec la vie solitaire. Mais la aussi, pour cette amitié vertueuse, on peut se demander , face à l'argumentation retenue par Aristote, si elle n'est pas en fait une amitié "d'intérêt" , puisque sont mis en avant dans son cadre les éloges reçus, ou la possibilité de voir notre bonheur via les yeux de nos amis.



En résumé, ne pas se laisser décourager par la lourdeur du texte!
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Éthique à Nicomaque

Lecture difficile que ce livre fameux : la texture est serrée mais les répétitions sont nombreuses ; les glissements d’un terme à un quasi-synonyme sont multiples et font s’affronter les spécialistes ; bien des passages sont obscurs ; les objectifs ne sont pas tracés. On lit au livre I, en 1094b12 : « Nous aurons suffisamment rempli notre tâche si nous donnons les éclaircissements que comporte la nature du sujet que nous traitons », et en 1095a14 : « En ce qui regarde l’auditeur ainsi que la manière dont notre enseignement doit être reçu et l’objet que nous nous proposons de traiter, toutes ces choses-là doivent constituer une introduction suffisante ». Cependant on ne lit dans l’intervalle de ces phrases que des généralités. Les thèmes se dévoilent au fil du texte dans un va-et-vient incessant : le bien, le bonheur, les vertus, la justice, le plaisir, l’amitié. La dernière phrase de l’ouvrage est : « Commençons donc notre exposé » (1181b22). Tout cela laisse une grande latitude à l’interprétation.



L’Ethique à Nicomaque serait, disent les savants, un cahier de notes en vue de la préparation d’un traité. Les contenus et les séquences que nous lisons seraient l’œuvre de disciples, postérieurs au projet inachevé d’Aristote. Cet inachèvement expliquerait les contradictions et les va-et-vient, comme l’absence d’une définition claire et explicite de l’amitié. On a fait de l’Ethique un traité sur la vertu, ou sur la justice, ou sur l’amitié, mais ces trois entrées sont étroitement mêlées. Je l’ai lue pour l’étude de l’amitié, en ingénu, sans formation de philosophe ni d’helléniste.



Comme on l’attend chez l’antique, le texte commence par le Bien suprême. « Sur son nom, en tout cas, la plupart des hommes sont pratiquement d’accord : c’est le bonheur » (1095a15-16). Aristote fait aussitôt une réserve : « en ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s’entend plus » (1095a20). Il prédit que le bonheur « c’est la vie contemplative, dont nous entreprendrons l’étude par la suite » (1096b5), et cette étude n’intervient qu’au livre X avec celle du plaisir. On revient à la nature du bien parfait : « Le bien parfait semble se suffire à lui-même. Et par ce qui se suffit à lui-même, nous entendons non pas ce qui suffit à un seul homme menant une vie solitaire, mais aussi à ses parents, ses enfants, ses amis et ses concitoyens en général, puisque l’homme est par nature un être politique » (1097b10). Cette extension de l’individu à la Cité suggère que bien et bonheur s’accomplissent dans la politique. Suit une position obscure où Aristote glisse du bien au bonheur : « En ce qui concerne le fait de se suffire à soi-même, voici quelle est notre position : c’est ce qui, pris à part de tout le reste, rend la vie désirable et n’ayant besoin de rien d’autre. Or, tel est, à notre sentiment, le caractère du bonheur » (1097b15), et, plus loin, une définition tautologique du bonheur : « car pratiquement nous avons défini le bonheur une forme de vie heureuse et de succès » (1098b20).



La première allusion au titre de l’ouvrage vient au livre II et c’est un jeu sémantique : « La vertu est de deux sortes, la vertu intellectuelle et la vertu morale. La vertu intellectuelle dépend dans une large mesure de l’enseignement reçu […]. La vertu morale [èthos avec un êta], au contraire, est le produit de l’habitude [ethos avec un epsilon], d’où lui vient aussi son nom, par une légère modification de ethos » (1103a14-15). L’Ethika Nikomacheia va donc traiter de la vertu morale, laquelle s’apprend et s’exerce dans la pratique. Cette vertu est une médiété dans les affections et les actions : « La vertu a rapport à des affections et des actions dans lesquelles l’excès est erreur et le défaut objet de blâme, tandis que le moyen est objet de louange et de réussite, double avantage propre à la vertu. La vertu est donc une sorte de médiété, en ce sens qu’elle vise le moyen » (la mediocritas des latins). Cette approche est curieusement obscurcie par des exemples – la vertu de l’œil ou celle du cheval – qui sont étrangères à la vertu morale. Aristote poursuit vers une définition qui intègre l’action et la connaissance : « Ainsi donc, la vertu est une disposition à agir d’une façon délibérée, consistant en une médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l’homme prudent » (1107a1). Vient ensuite une liste des vertus particulières, parfois difficiles à démêler pour le contemporain : le courage, la modération, la libéralité, la magnificence, la grandeur d’âme et la justice, doublée des listes de vices correspondants, par excès et par défaut. Viennent enfin les deux livres VIII et IX sur l’amitié.



L’entrée dans le livre VIII est belle : L’amitié « n’est-elle pas une vertu, ou, tout au moins, n’est-elle pas intimement liée avec une vertu ? Rien, d’ailleurs, de plus nécessaire à la vie. Sans amis, qui voudrait de la vie, dût-il être comblé de tous les autres biens ? » (1155a5). La Boétie écrira vingt siècles plus tard dans la Servitude volontaire, avec le même enthousiasme : « L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte. Elle ne se met jamais qu'entre gens de bien et ne se cimente que par une mutuelle estime ». La suite est faite d’approches successives : l’amitié et la ressemblance ; l’amitié entre égaux ou entre inégaux ; l’amitié utile et l’amitié plaisante opposées à l’amitié parfaite ou amitié des bons ; l’amitié et la justice ; l’analogie entre les variants de l’amitié et les diverses constitutions (amitié royale ou paternelle, amitié aristocratique ou conjugale, amitié fraternelle ou démocratique) ; les devoirs de l’amitié. Tout cela se lit avec faveur. Aristote ignore le caractère singulier et imprévisible de l’amitié (« Parce que c’était lui, parce que c’était moi ») mais c’est un point de vue anachronique : la subjectivité et l’irrationnel ne sont pas dans le programme du grand ancien.



Une difficulté vient de la possibilité même de l’amitié des bons car elle requiert l’égalité dans la vertu, la fortune et l’âge, la communauté d’intérêt, et encore la vie commune (« Il n’y a rien de plus désirable que la vie d’intimité, l’amitié est en effet communion, koinônia) (11714b31-32). Une telle amitié est-elle accessible au contemporain ? Georg Simmel écrit dans sa Sociologie : « Peut-être l'homme moderne a-t-il trop de choses à cacher pour connaître une amitié au sens antique du terme, peut-être aussi les personnes, sauf dans leurs très jeunes années, sont-elles devenues trop singulières, trop individualisées pour qu’il soit possible de comprendre, d’accepter l’autre avec une réciprocité totale, ce qui demande toujours tant d’intuition, d’imagination créatrice à l’égard de l’autre. Sans doute est-ce pour cette raison que la sensibilité moderne tend plutôt à des amitiés différenciées, c’est-à-dire des amitiés dont le domaine ne concerne à chaque fois qu’un aspect de la personnalité, sans s’immiscer dans les autres ».



Le malaise vient de l’affirmation de l’amour de soi comme modèle de l’amitié, ou de l’amitié comme accomplissement de soi : « Passer tout son temps en tête-à-tête avec soi-même, le vertueux le souhaite aussi, car il y trouve du plaisir. De ses actions passées, en effet, douces sont les souvenances, et ses actions futures, il sait qu’elles seront bonnes, perspective qui elle aussi est plaisante. Et d’objets à contempler, il regorge dans sa pensée » (1166a23-26). Plus loin : « Nous pouvons donc conclure : le vertueux doit être égoïste car s’il l’est, il se rendra service à lui-même en faisant des belles actions et il sera utile aux autres » (1169a11). Certes le vertueux peut se sacrifier pour un ami ou pour la Cité, mais c’est pour affirmer sa supériorité morale : « En tout ce qui est digne d’éloges, le vertueux revendique pour soi la part du lion de beauté morale. Comme cela oui, on doit être « égoïste », comme nous venons de le dire, mais comme la masse, non pas ! ». Dans cette vision élitiste, l’égoïste vertueux, ami de soi-même, se juge lui-même méritant et garant de sa conduite, s’exposant aux excès en pensée et en action, dans sa famille et dans la cité. Par ailleurs, l’égoïsme vertueux et l’amitié de soi-même écartent l’altérité de l’amitié, ce qui est non-sens, et fait perdre les apports de la différence et de la complémentarité. Comment progresser seul en vertu, sagesse, justice ou plaisir, à moins d’être omniscient et parfait, c’est à dire un dieu ?



J’ai lu deux versions de l’Ethique. L’édition Vrin contient l’introduction, la traduction intégrale et les notes de Jules Tricot. L’édition du Livre de Poche résume les livres I à VII (près de 100 pages d’introduction et de notes par Jean-François Balaudé) et se limite au texte des livres VIII et IX sur l’amitié, dans la traduction classique de Gauthier et Jolif. Tricot fait un travail de philologue, à l’échelle du mot et de la phrase ; il « éclaire » volontiers les passages difficiles par leur traduction en latin chez Saint Thomas d’Aquin (!). Balaudé travaille en pédagogue, à l’échelle des idées, signalant les ambiguïtés et les lacunes, dénouant les fils. Peut-être une vision personnelle et un travail de vulgarisateur, mais je lui suis reconnaissant de sa clarté.



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Éthique à Nicomaque

J'ai acheté l'Ethique à Nicomaque pour 9,50€ à la Fnac. Pourtant, un ouvrage comme celui-ci a une valeur infiniment supérieure à celle inscrite au-dessus du code barre.



Avant de parler du texte en lui-même, je mentionnerai la qualité du livre édité chez VRIN, pour son apparat critique extraordinaire et son rapport qualité/prix exemplaire.



Entrons dans le vif du sujet. L'Ethique à Nicomaque est un manuel de morale composé par un Stagirite à l'intelligence divine au IVe siècle avant Jésus-Christ. Autrement dit, un des plus grands génie de l'humanité vous livre ses meilleurs conseils pour vivre une vie bonne ; cela explique mon propos d'introduction.



Pour Aristote, la finalité de la vie est l'eudaimonia, le bonheur, qui peut être défini comme l'épanouissement maximal de l'homme dans la droite règle, le développement paroxysmique du Bien chez un être, et la prospérité totale dans la Vertu. Et il se trouve que l'eudaimonia peut justement être atteinte par la pratique répétée de la Vertu, afin d'en faire une seconde nature. Pour pratiquer la Vertu en visant le Bien, il suffit d'entraîner et d'alimenter son intellect par l'étude et l'expérience.



Voilà la recette de la vie bonne. Il se trouve que ma vision du monde correspond exactement à celle d'Aristote, exprimée dans les principes ci-dessus. Je ne pouvais donc pas mieux tomber, et la pensée de ce philosophe fut une très belle découverte pour moi.

Malgré tout, j'ai encore quelques points de désaccord avec Aristote, notamment concernant le libre arbitre (Aristote estime que le principe de notre action réside en nous, et qu'il est impossible d'ignorer ce que nous sommes et ce qui nous détermine (livre III, 2) ; avec Spinoza, je réfute). Autre bémol : la langue d'Aristote est froide, laconique, prosaïque et scolaire. Pas de littérature, peu de figure de style. Sur l'amitié, le texte d'un Montaigne m'a semblé infiniment plus éloquent grâce à la dimension littéraire et poétique.



PS : Mention spéciale pour les chapitres 7 et 8 du livre IV, dressant un portrait de l'homme magnanime, en d'autres termes de l'homme vertueux idéal, selon Aristote et a fortiori dans la pensée grecque. J'ai aimé tracé des parallèles entre ce portrait et la pensée de Nietzsche ou le personnage de Cyrano dans la pièce de Rostand, et aussi constater quelle formidable rupture le message de Jésus a provoqué face à cette vision de l'homme.

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Éthique à Nicomaque

J’aurais mis le temps à lire ce classique de la philosophie. Il y a deux raisons à cela. La première était que je voulais le lire lentement pour pouvoir avoir le temps de méditer dessus. La seconde est que son caractère répétitif et méticuleux est, comment dire, ennuyeux.





Il est certains que Aristote étudie chaque concept avec minutie et sous tous les angles. Et parfois on a plus l’impression que son œuvre relève de la création d’un dictionnaire, donner les bonnes définitions aux mots qui doivent décrire des concepts, que de philosophie. Il est plus que probable qu’il tente de manière systématique de mettre de l’ordre dans les idées de son temps. Aristote est un naturaliste de la pensée : classer, nommer puis décrire (ou l’inverse).





Ce sont donc des textes très long. Je n’imagine pas le prix du papyrus à l’époque. A force sa pensée devient une sorte de mélodie où on reconnaît des structures qui reviennent assez régulièrement. Je pourrais appeler cela des « méta-idées », des modèles d’analyse et de description des idées. Un exemple d’une méta-idée récurrente : à toutes choses « mesurables » ou « ordonnables » il y a un « moins », un manque, un peu, un défaut, un « hypo », et un « plus », un beaucoup, un excès, un « hyper », et entre les deux un « milieu », un suffisant, un « équilibre ». Toutes les notions sont passées par ce crible.





Appliquer à l’éthique, et ce que j’en retient pour mon bénéfice, est que la vertu (la recherche du « bien ») est un équilibre entre le peu et le trop : la satiété entre la diète et la gloutonnerie. La vertu est désirable et désiré car elle permet d’apporter la satisfaction dans sa vie, des plaisirs (mesurés) et le bonheur.





La vertu peu s’apprendre, par l’exercice quotidien, par l’experience, l’introspection raisonnée, l’apprentissage du vrai (la science au sens savoir le vrai, la réalité). Avec ce savoir qui s’accumule, et sa discipline, nous saurons reconnaître le bien et bénéficier de ce bien.





Il fait aussi une théorie de l’amitié (qu’il serait bien d’être enseigné dès le plus jeune âge, afin d’être plus lucide). En résumé, Aristote distingue l’amitié par intérêt, l’amitié par sympathie et l’amitié association (la vrai amitié) [la traduction de Saint-Hilaire que j’ai lu n’utilise pas tout à fait ces termes : j’ai choisi des termes un peu plus moderne]. Si Aristote avait été l’Asimov de l’antiquité : il aurait pu écrire une saga du style « les robots » avec ses propres « trois lois de l’amitié » et toutes ses conséquences surprenantes et paradoxales.





Dans son étude de l’amitié, il aborde un cas de figure qui a beaucoup résonné en moi : l’amitié de soi-même, s’aimer soi-même. Il dit que l’être vertueux ne peu qu’être ami avec lui-même : heureux et fière de contribuer au bien commun et à son bien. Il ne dit pas qu’il faut s’aimer soi ou contribuer à son bien propre au dépens des autres (ce qui est la vrai définition de l’orgueil), mais que son action pour le bien des autres ne peu qu’apporter le sentiment heureux du « bien accompli ».





Je me suis remémoré un événement de ma vie enfant. A l’époque, les cours de catéchisme étaient obligatoires (oui, on ne vie pas dans un monde parfait, pas même dans le passé - ce n’était pas mieux avant). Le prêtre m’avait demandé devant mes camarades si je faisais de bonnes actions. Je n’étais certes pas un saint, mais j’avais le sens du partage et de la compassion avec mes camarades et mon entourage. J’ai donc exprimé avec fierté que je le pensais. Il m’a alors rétorqué que c’était un grand péché que celui de l’orgueil. Car dans le sens religieux (chrétien) croire pouvoir faire le bien aussi bien que Dieu, son égal, indépendamment de lui, est une mauvaise pensée, pire un péché mortel.





Je n’étais pas foncièrement croyant à l’époque, mais le contexte et l’entourage constituaient une forte pression (j’ai même été servant de messe, plus pour faire sonner les cloches de l’église que pour adorer une statue en bois sur une croix). Mais la remarque du prêtre m’a laissé dans un abimes de perplexité : comment faire le bien et ne pas tirer une satisfaction personnelle. Je ne demandais pas un intérêt, un paiement en bonbons, pour chacune de mes bonnes actions. Je voulais seulement éprouver de la satisfaction à apporter plaisir ou réconfort à un semblable. Si je devais éprouver de la culpabilité pour mes mauvaise actions, mes disputes, mes moqueries ou mes coups de poings, pourquoi devrais-je rien éprouver quand je faisais le bien, voire culpabiliser et me détester si j’éprouvais cette satisfaction. Certes du haut de mes 10 ans, je ne rationalisais pas encore autant, mais je sentais qu’il y avait une tromperie.





Avec les années, j’ai pu que ne confirmer cette conviction profonde que la religion, vendant le bien et le bonheur, n’enseignait que la peur et la détestation de soi. Elle ne veut pas des gens libre (de penser) qui peuvent construire avec raison les conditions de leur bonheur. Elle veut de la soumission.





Je crois fermement qu’Aristote n’aurait jamais accepté d’être chrétien, ou de se soumettre à la volonté d’une quelconque religion (d’ailleurs ne dû t’il pas faire Athènes sous la menace d’une accusation d’impiété). Il voulait des gens libre de penser et d’agir, muni d’une éthique pour vivre dans une communauté.



Bel leçon Aristote, mais tu aurais pu être plus synthétique…
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Éthique à Nicomaque

On connait l'Aristote logicien. Mais voilà un ouvrage d'éthique qui correspond davantage à l'image populaire de la philosophie grecque : on y parle d'amitié, de bonheur, de vertu, de justice, de finalité (et celle-ci doit être bien étudiée pour comprendre Aristote pour lui-même). Ces traitements sont très actuels aujourd'hui où les rapports sociaux ont pourtant considérablement évolué. Un bon indice : Aristote y étudie bien des concepts fondamentaux.
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Éthique à Nicomaque

Ouvrage de référence dans lequel je viens régulièrement piocher. Vertus, justice, plaisir, bien, bonheur, amitié, recherche d'un juste équilibre, etc... tous ces thèmes sont traités de manière extrêmement didactique et approfondie.

Une grande cohérence se dégage de l'ensemble.

A classer dans la catégorie des livres essentiels.

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