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Critiques de Alain Finkielkraut (163)
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La Défaite de la pensée

Dans un souci de discerner les raisons de l’effondrement de la pensée en France et de dénoncer l’amalgame informe sur lequel on appose l’étiquette « Culture », A.F. nous livre ici une analyse sérieuse, honnête et d’un haut degré d’exigence sur la manière dont le système qui était censé protéger et transmettre une richesse de pensée parmi les plus brillantes de l’Humanité en est arrivé à la liquider, voire à organiser le culte de sa détestation.



Sous prétexte d’ouverture d’esprit, de tolérance et d’égalité, la culture et le savoir, qui sont indispensables à l’élévation (d’où le terme « élève ») de l’esprit, ont été cloués au pilori car générateurs d’inégalités. En les maintenant dans une bulle d’insouciance, on empêche les futurs citoyens de bien percevoir et comprendre les différents aspects et nuances d’un monde dont la complexité et la dureté grandissent sans cesse. Or, en refusant la transmission de ce savoir aux nouvelles générations, on les coupe de leurs racines et on les empêche de construire un avenir solide pour elles et la société. Couper les racines, c’est couper les ailes.



Nous vivons aujourd’hui dans l’ère du consommateur-roi, dans une « société adolescente » tyrannisée par le culte de la jeunesse et du divertissement ; une ère de frénésie compulsive qui empêche les esprits de s’ancrer dans la réalité et d’adopter des points de repère solides. Nous vivons une époque de pauvreté intellectuelle où fréquemment beaucoup de gens s’invectivent gratuitement et stupidement parce qu’ils ne font pas l’effort de se comprendre. Les idées désertent les débats qui deviennent des combats de lance-flamme dans lesquels celui qui devrait être écouté et respecté comme un interlocuteur n’est considéré que comme un ennemi à abattre. Il n’y a plus guère dans les média de discussions saines, posées, rationnelles et respectueuses desquelles pourrait surgir un peu de lumière. Car c’est le principe de tout échange : éclairer l’esprit. Au lieu de cela on assiste trop souvent à des concours de grandes gueules consternants où il n’est plus tant question de convaincre par des arguments rationnels que de persuader par l’émotion.



Il y a pour moi un gros problème avec Alain Finkielkraut ; d’ailleurs Zemmour a le même. Il devient vite ironique et sarcastique dans ses développements et on a du mal à voir clairement où s’arrête cette ironie. Le sujet lui tient tellement à cœur qu’il semble souvent se laisser emporter par l’émotion. Cela entraîne à mon sens une certaine maladresse dans son expression et me déboussole quelque peu.



Ce livre est plein de détours et de formules obscures qui me semblent manquer de cohérence et c’est très regrettable de la part d’un auteur dont les idées sont si pertinentes. Je dois avouer qu’il est plus facile de le comprendre lors des débats radio ou télé que dans ses écrits. Il est vraiment dommage qu’il n’exprime pas sa pensée plus clairement et je retiens la dernière partie comme vraiment en rapport avec le titre du livre, bien que ce qui la précède semble constituer les prémisses de sa démonstration. La conclusion, longue d’une douzaine de lignes et intitulée « Le zombie et le fanatique », donne l’essence de sa réflexion. La grande faille est que l’aspect quelque peu décousu de son ouvrage fait d’A.F. une cible facile pour les détracteurs.



Néanmoins, son effort est louable car le sujet épineux qu’il s’efforce d’analyser constitue le grand malaise de la société et déchaîne les passions. Nombreux sont ceux qui lui mettent des bâtons dans les roues, des esprits obtus et « bien-pensants », des idéologues gauchistes paranoïaques (pléonasme !?!) comme Badiou, se complaisant dans le marasme et qui, non contents de voir leur incendie idéologique ravager le pays, veulent l’attiser. Le mérite d’A.F. est de s’efforcer de mettre du sens sur le fonctionnement de notre monde à l’heure où beaucoup de représentants supposés de l’élite vident les mots de leur sens et utilisent des formules creuses pour abrutir les « masses ».



Dans les années 1980, A.F. avait déjà vu venir cette catastrophe que nous subissons de plein fouet. Il est aujourd’hui considéré comme un « pseudo-intellectuel » et mis à l’index avec d’autres esprits lucides quant à l’état du pays. Mais alors à quoi sert-il donc à un groupe (humain ou autre) de disposer de sentinelles sinon pour donner l’alerte en cas de danger ?! C’est un grand drame lorsque dans une société on ne peut (ou on ne veut) pas distinguer le porteur de mauvaise nouvelle d’avec la mauvaise nouvelle qu’il apporte. Il existe d’autres exemples de cette tendance : il n’est qu’à se souvenir de l’affiche « J’accuse » de Damien Saez et de la polémique grotesque qu’elle a suscitée à cause d’interprétations grossières émanant d’individus décérébrés. Idem pour le clip « College Boy » d’Indochine. Notre société en est arrivée à fabriquer des incultes paranoïaques qui prennent de plus en plus de place. C’est très inquiétant car l’arrogance va souvent de pair avec l’ignorance.



Paresse à penser, folie, fanatisme, angélisme, infantilisme, négation du principe de réalité : tout cela est dû en grande partie à un manque d’éducation, de morale civique et à une aversion envers les nourritures spirituelles, auxquelles se substituent sans aucune peine des egos hypertrophiés, immatures, pleins d’assurance et la croyance aveugle en des idéologies faciles, notamment politiques et de plus en plus religieuses, souvent périmées qui ont fait la preuve de leur nocivité. Une connaissance solide et structurée du monde est pourtant la base d’un esprit sain, ouvert et rationnel.



Ce n’est pas sans raison qu’A.F. est un pessimiste. Il a conscience des efforts indispensables à la reconstruction de notre Nation et voit pertinemment que nous n’en prenons pas le chemin. Si cela continue, le pays sera bientôt mûr pour une dictature ou une guerre civile. Comme toute société démocratique se fonde sur l’éducation et l’instruction, elle n’en mérite plus le nom une fois que ces deux piliers lui font défaut.



Ce livre est un jalon majeur de notre Histoire. Nous devrions nous estimer chanceux de compter parmi nos compatriotes un esprit aussi clairvoyant qu’A.F.
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La Défaite de la pensée

Avec la décolonisation, les pays occidentaux ont voulu lutter contre l'ethnocentrisme européen et le racisme en décrétant l'obligation de respecter toutes les cultures, jusqu'à faire de l'avancée démocratique un simple aspect d'une culture particulière qui a voulu imposer sa domination sur le monde.



Confondant culture et coutumes, universalité des principes de liberté et d'égalité avec les particularismes des peuples, on a fini par accepter des comportements - comme l'inégalité de traitement entre l'homme et la femme, les croyances d'un autre âge - qui s'élèvent contre la dignité humaine et cela au nom du respect des différences.



On a d'autre part abandonné la notion d'individu pour renvoyer chacun à ses origines et à son appartenance à une communauté. Ce qui anéantit toute notion d'universalisme, puisque chacun est censé véhiculer une "vision du monde" le rendant incapable de comprendre objectivement l'autre...



Prétendant que tout est culture et que toutes les cultures se valent, on a renoncé à une hiérarchie des valeurs, aux notions de beau, de bien, d'élévation, de mérite. Pour finalement devenir des consommateurs obsédés par la jeunesse, le désir d'être jeunes, de le rester, de céder au plaisir de l'instant, à l'infantilisme, vivant dans l'ignorance de l'Histoire et des anciens.



Ecrit en 1987 ce petit essai d'Alain Finkielkraut éclaire parfaitement la dérive de notre société moderne et l'échec des Lumières face à la montée de l'obscurantisme, l'univers de la marchandise étant là pour nous faire oublier que c'est chaque jour que l'on conquiert sa liberté...Et le mot de la fin, le Zombie - l'homme sans volonté - et le Fanatique, illustre cruellement notre actualité...
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L'identité malheureuse

Il y a déjà d'excellentes et synthétiques critiques de cet ouvrage sur Babelio, la mienne sera sûrement moins précise, moins agréable à lire.C'est en effet un excellent livre, constat et analyse d'une époque soi-disant méfiante à l'égard de toute idéologie, et qui s'enveloppe de toutes sortes de protections afin de ne pas voir ce qui est visible, entendre ce qui nous est corné aux oreilles, dire ce qui devrait être dit.Cette position étant en soi-`même une idéologie, celle du politiquement correct.

Ma foi, j’ai lu ce livre qui a bien fait parler de lui, considéré comme une infâmie par certains, une indignité par d’autres, un brûlot à manier avec prudence par les plus tièdes, récupéré comme peuvent l’être les livres engagés, tordu et essoré dans tous les sens. Je me suis assise à côté du pilote dans ce rallye quelque peu risqué, mais à l’arrivée, mis à part quelques passages en effet un peu verglacés où il a fallu toute la maîtrise d’Alain Finkielkraut pour éviter une sortie de route, je constate que rien dans ce livre ne justifie le barouf qui a été fait autour, sinon l’égocentrisme bien connu des intellectuels attirés par un débat croustillant.. Barrès, d’ailleurs plusieurs fois cité et commenté par A.F., en a écrit bien d’autres et il n’y a a contrario absolument aucune violence à rechercher dans L’identité malheureuse. Au contraire on pourrait presque y trouver un excès de consensualité, à force de précautions et de clarifications, de conceptualisation intelligible et d’effort pédagogique. Tout le monde ne se donne pas tout ce mal vis-à-vis du lecteur, c’est le moins qu’on puisse dire (cf un débat récent autour du dernier et très opportuniste ouvrage d’ Olivier Todd.)

En ce qui concerne la forme donc :

Ce que j’ai apprécié, dans ce livre, outre l’intelligence, la probité intellectuelle et l’écriture cristalline (c’est déjà beaucoup, mais il y a plus), c’est la courtoisie extrême de l’auteur, qui ne prend ses lecteurs ni pour des idiots, ni pour des puits de science. Pour transposer un terme, qui a fait se gausser d’aucuns, dans un de ses chapitres, je dirai qu’A.Finkielkraut a la galanterie de s’effacer derrière notre ignorance éventuelle, et de ne pas faire tout un plat de sa culture supposée.Il nous tient la porte et presque il règle les consommations. Les citations ou références ne sont jamais des cuistreries mais des petites lumières qui balisent le chemin qu’il nous propose de parcourir en sa compagnie. Si bien que ce livre grave et sérieux a été lu par moi avec plaisir et parfois jubilation, en l’espace d’une soirée d’été. Lu, et souligné, pour y revenir. Il ne faudrait pas que la galanterie tourne à la séduction tout de même.

Pour ne donner qu'une illustration d'un des thèmes forts (éducation et transmission) J'ai été particulièrement instruite par la découverte de l'idée grecque de l'aÏdos (hélas je ne fus nourrie que de latin, pas de grec), c'est à dire "la réserve, la modestie, la pudeur qui naissent, en nous, de l'intériorisation du regard de l'autre." A ne pas confondre avec la honte, qu'on a un peu vite peut-être cru pouvoir conceptualiser de façon nouvelle à partir des écrits-très estimables- d'Annie Ernaux et Didier Eribon. L'aïdos aide l'enfant à "se situer dans l'orbe de la société des hommes", ainsi il est "soucieux de l'image visible qu'il donne de lui-même et c'est pourquoi il écoute ce qu'on lui dit".(Aristote) Entrez dans une salle de classe, n'importe laquelle, et vous comprendrez que l'aïdos n'a pas le vent en poupe.

Une conséquente bibliographie étoffe cet ouvrage pertinent au regard de la pensée et impertinent au regard de la bien- pensance.
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L'identité malheureuse

Avec son élégance de style coutumière, le philosophe nous propose un essai courageux sur l'identité de la France, qu'un certain nombre de sociologues, de politiques, d'intellectuels ou prétendus tels, de pédagogues même, s'évertuent à mettre en cause. Pour certains, la France est condamnée à un repentir perpétuel, sans espoir de rachat, non seulement pour ce qu'elle est, mais surtout pour ce qu'elle a été. Couverte d'opprobres éternels, la France n'aurait plus qu'à rentrer dans le rang ; le seul fait d'évoquer une identité nationale s'apparenterait désormais à un sacrilège. Finkielkraut nous montre avec finesse les dangers que recèle le procès en sorcellerie de l'identité nationale ; dès lors, son essai fait jaser.
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Petit fictionnaire illustré

Tout le monde sait ce qu ‘est un dictionnaire. Mais un petit fictionnaire ?

Si l’on en croit l’auteur, Alain Finkielkraut, c’est un instrument bien pratique quoique comportant, d’éditeur en éditeur, d’édition en édition, quasiment les même mots, quasiment définis de la même manière… tristesse…



Une première tentative en 1979, « Ralentir, mots valises », était restée très confidentielle. Il récidive ici, augmentant et complétant ce premier volume, pour notre plus grand plaisir ; avec un seul principe ; « Prenez un mot de la langue. Choisissez-le de préférence assez long. Oubliez le sens, pour ne vous attacher qu’à sa physionomie »…

Ça donne par exemple KANTGOUROU : philosophe australien, professant la doctrine de l’idéalisme transcendantal… et bien d’autres néologismes plus ou moins profonds…ou tirés par les cheveux…



Plaisant. Surtout quand on pense où en est arrivé, l’auteur… Enseignant à Polytechnique, animateur radio de l’émission « Répliques »… J’en passe.

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Pêcheur de perles

Je termine ce livre à l'instant, et je suis bien découragé. Non par le contenu du livre, bien au contraire, mais parce que ce sera une fois de plus Vox clamans in deserto.

Et c'est dommage, parce que c'est un livre courageux, dont l'auteur ne craint pas de prendre des coups.

Qu'on en juge: il prend la défense d'Israël (sans soutenir pour autant Netanhyahou ) de Renaud Camus, de la culture classique, condamne l'idéologie du genre, le wokisme, l'idéologie de la décroissance, le néo-féminisme et les excès de metoo#, les humoristes à gage, comme on dit tueurs à gage, des radios de service public(*), s'inquiète de la progression de l'islamisme, et dit encore bien d'autres choses encore, dont il parle mieux que je ne saurais le faire; je ne le paraphraserai donc pas.

Mais hélas, cela a été beaucoup dit ces temps-ci et la bête n'a pas reculé.

D'ailleurs ses défenseurs multiplient les anathèmes, le dernier dans l'édition numérique de l'Obs de ce jour, qui qualifie le livre de "pot-pourri de toutes les idées les plus réacs, ce qui n'est guère aimable, mais reste encore poli; tout le monde n'a pas ces délicatesses à l'égard de nous autres, pauvres réacs.

Parce que c'est à nous que ce livre fera encore le plus de bien; il ne nous convaincra pas, nous le sommes déjà, mais il nous réconfortera en nous permettant de nous sentir un instant moins seuls ; nous en avons besoin, puisque l'écrivaine franco-camerounaise Léonora Miano, dont Finkielkraut rapporte les propos, nous prévient charitablement de notre disparition en tant que peuple et en temps qu'individus, je cite :

« Vous avez peur d’être minoritaires culturellement, n’ayez pas peur de quelque chose qui va se passer, l’Europe va muter. Cette mutation peut être effrayante pour certains, mais ils ne seront pas là pour voir l’aboutissement. » Il est charmant de se voir ainsi opposer à titre d'argument sa propre finitude.

Selon Calderon, le pire n'est pas toujours certain; acceptons-en l'augure, et concluons sur cette note optimiste. Si l'on peut dire....



(*) l'expression est de moi, je ne le précise pas pour m'en vanter, mais pour ne pas attirer sur la tête de l'auteur des foudres supplémentaires
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Et si l'amour durait

On pourrait s’attendre à des recettes pour résoudre la crise du mariage dans nos sociétés modernes, un essai sur le couple à l’ère de la société de consommation, quelques conseils un peu moralisateurs, comme l’évoque le titre à première vue.

Pas du tout, Alain Finkielkraut nous livre au contraire une réflexion philosophique très intéressante sur l’amour, son instabilité, ses imperfections, mais aussi sa vocation à s’inscrire dans l’éternité, à travers la littérature.



La Princesse de Clèves renonce à vivre avec l’homme qu’elle aime pour rester fidèle à son mari qui est mort d’amour à cause d’elle : au-delà de la loi du cœur, elle donne un sens à l’amour en y renonçant.

Dans les « Meilleures intentions » de Ingmar Bergman, c’est la vérité qui est dévastatrice, qui répand le poison de la jalousie, et rend la relation amoureuse à jamais conflictuelle. Les principes religieux ou philosophiques, au nom de l’universalité de la morale, détruisent ce qu’ils prétendent sauver. L’aveu tue le couple et met en danger la famille…



Chez Philip Roth, le séducteur libertin, amoureux de l’amour, est en perpétuelle recherche de nouvelles conquêtes : enchaîné à l’éternité du désir, il l’est aussi à l’insatisfaction. Car toute relation sérieuse lui semble condamnée d’avance puisque l’amour doit mourir. Il vit déjà l’inévitable rupture. Et finalement ce qu’il fuit à travers les caprices du désir n’est-ce pas la douleur de perdre l’être aimé ?

Et enfin chez Kundera, l’individu soumis à un régime politique absurde, à l’instabilité permanente de sa vie, peut-il vivre autre chose que de « risibles amours » ? Ce n’est peut-être que dans la mort tragique de Tomas et Térésa que l’amour trouvera enfin l’éternité.



Donc finalement ça nous donne envie de nous y replonger dans tous ces romans d’amour et même, pourquoi pas, dans cette fameuse « Princesse de Clèves » dont les sentiments nous paraissent si lointains…Car si l’amour n’est pas éternel chacun a sa réponse pour le faire durer. Et lui rester fidèle.



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L'après littérature

L’ancien « nouveau philosophe » d’après mai 68 Alain Finkielkraut est devenu un vieux philosophe pessimiste qui ne mâche pas ses mots. Il va à contre-courant des principales tendances de ces dernières années. Se basant sur les écrits de Philip Roth et de Milan Kundera en particulier, Finkielkraut dénonce la simplification à outrance de certaines polémiques telles #Me Too, la brutalité des policiers blancs a l’encontre des noirs, le néo-féminisme, l’écriture inclusive, les errances de l’écologie et j’en passe. Et je dois avouer que si l’auteur ne m’a pas convaincu sur tous les (nombreux) sujets brûlants qu’il aborde dans cet ouvrage, il m’est difficile de ne pas approuver certaines de ses prises de position. En effet, si des progrès ont été faits, des injustices dénoncées, des faiblesses montrées du doigt, le XXIe siècle a tendance à inverser ou à outrepasser certaines tendances parties d’une bonne intention. Montrer du doigt et corriger des injustices est une chose, abuser de la faille ainsi obtenue en est une autre. A force de vouloir bien faire, on peut en faire trop, tel est le message de Finkielkraut.

A chacun et chacune d’en faire ce qu’il ou elle veut de ses propos, mais ces derniers méritent en tout cas qu’on s’y attarde un instant par ces temps où il faudrait peser plus que jamais le pour et le contre de chaque polémique qui nous touche.
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Un Coeur Intelligent

Un livre intelligent

A la différence d'autres "réacs" célèbres, Finkielkraut (dont je ne cautionne pas tous les propos, loin s'en faut, mais le fait que je me sente obligé de dire cela témoigne bien du climat actuel...) me touche beaucoup. Sans doute parce qu'on sent que, bien plus que le soucis de lui, c'est bien davantage une passion admirative qui l'anime à l'égard d'auteurs qu'il n'aura jamais cessé de défendre. Et avec quel talent ! Parenthèse, la première fois que je l'ai vu à la télévision vers la fin des années 1980, il parlait de Kundera. Et le lendemain, convaincu par sa fougue je ne vous apprends rien, j'achetai pour premier roman du célèbre exilé tchèque.

Tout cela pour dire que quand il parle de littérature, je le trouve exceptionnel. Ici une courte sélection de livres exceptionnels et des chapitres courts et limpides qui donnent à réfléchir. On sent que tous les livres évoqués ici passeront entre nos mains.
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Des animaux et des hommes

C’est un livre d’entretiens entre A.F et des auteurs, penseurs, acteurs, éleveurs, philosophes entre autres.

Ces participants échangent et débattent sur les hommes et ceux que Michelet appelait « nos frères inférieurs « 

Je n’ai pas absolument tout saisi, les conversations atteignant parfois des sommets trop élevés pour moi qui n’ai pas un équipement suffisant - manque d’etudes - :

« Ce contexte apologétique « 

« Concevoir l'idée de l’ouvert proposée dans cette élégie « 

Vous voyez, ce genre de phrases.

Je vais ouvrir une petite parenthèse. Ce genre de phrases m’apprend qu’il y a une pensée grecque et voilà une des merveilles qu’offre la lecture : je vais lire d’autres livres pour essayer d’aborder la pensée grecque qui m’apprendra que...et je lirais encore d’autres livres.

Parenthèse pas très utile mais moi ça me fais plaisir de souligner que grâce à la lumière et l’eau que les livres m’apportent des pensées en germe dans ma tête peuvent fleurir. Wouaah



Mais revenons à nos moutons ou plutôt à nos porcs.

Un des passages qui m’a le plus remuée est l’interview d’Isabelle Sorente qui a écrit « 180 jours »

Cent quatre vingt jours c’est le temps qui sépare la naissance d’un porc de sa mort dans un abattoir. Ce témoignage est glaçant et pétrifiant. Je ne suis pas végétarienne, je n’ai jamais jusqu’à présent envisagé de le devenir mais voila de l’eau et de la lumière que je vais absorber et on verra.

Un autre échange passionnant concernant la tauromachie est celui entre Elisabeth de Fontenay et

Francis Wolff, spécialiste de philosophie antique, maître de conférences,etcétéra, etcétéra, etcétéras. Il a collaboré à la rédaction du document permettant d’inscire la corrida à l’inventaire général du patrimoine culturel.

Il justifie ? Explique ? Prouve ? Argumente ? que personne ne va aux arènes pour voir souffrir un animal mais pour admirer. Et quel est le plus beau des sentiments intellectuels et esthétiques ?

L’admiration.

La corrida a bouleversé sa vie affective, éthique, esthétique et conceptuelle.

Merde alors. Même si je ne suis pas pas une intello ou peut-être parce que je ne le suis pas ces argument me font grincer des dents.

Je revendique ma liberté d’une prise de conscience engagée et non narcissique parce que la vraie question n’est pas, au fond, est ce que les animaux pensent ( quoique j’en suis convaincue) mais est-ce que les animaux souffrent ?

La réponse est oui et l’admirable admiration de F.Wolff m’a vraiment whathefucké.
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Pour rendre la vie plus légère

La préface de cet ouvrage , écrite par Mona Ozouf est magnifique, quelle belle plume possède cette femme historienne et philosophe , c'est limpide et prometteur d'une lecture enrichissante ...

Raison pour laquelle je lui ai attribué 3 étoiles .



Seulement je n'ai pas retrouvé dans les chapitres suivants le même plaisir et j'ai été, osons le dire , déçue car il s'agit de la transcription d'entretiens menés par Alain Finkielkraut avec pour la plupart un autre interlocuteur et je me suis sentie totalement à l'extérieur des débats , peut-être cette formule écrite est plus difficile à appréhender qu'à l'écoute ... Le fait aussi de ne pas connaitre les textes débattus ou par hyperspécialisation de sujets comme les œuvres de George Eliot ne m'ont pas permis d'apprécier la hauteur des propos . Il n'y a souvent pas de fil conducteur pour le lecteur alors que certains sujets évoqués m'intéressaient comme : Y a t'il une écriture féminine avec Geneviève Brisac ou Traité de savoir-vivre à l'usage de toutes les générations...



Cela m'aura donné envie tout de même de lire Henry James que je connais peu et d'oser me lancer dans les ouvrages de Mona Ozouf, une grande dame et dont les propos m'ont touché par leur grandeur et leur sincérité .



Je remercie NetGalley et les Éditions Stock



#Pourrendrelaviepluslégère #NetGalleyFrance
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Un Coeur Intelligent

Un Coeur intelligent est un livre qui donne envie de lire ou de relire d'autres livres et dans ce sens il atteint son premier objectif. Mais c'est aussi un essai qui va plus loin. Alain Finkielkraut tente de nous montrer pourquoi il aime les romans qu'il a regroupés dans ce "livre de livres" et ce n'est pas toujours évident d'analyser ses émotions littéraires. Chaque livre est résumé puis brièvement pesé sur la balance des plaisirs du philosophe et cet essai devient une réflexion personnelle et vagabonde sur chaque ouvrage retenu, il se dessine alors l'image de l'apport de la littérature dans la vie de chacun; à la fois impalpable et indispensable, allant bien au-delà de simples histoires, contes ou fables , mais faisant intimement partie de notre existence. De plus, chaque chapitre se termine par une bibliographie mettant chaque livre en rapport avec de proche compagnons littéraires, ce qui enrichi d'autant l'ouverture vers d'autres univers romanesques. Le seul petit bémol serait peut-être le choix du titre qui pourrait faire penser à un roman facile et sans intérêt à des lecteurs potentiels et pressés.

Inutile de dire que je vais bientôt dévorer la dernière parution de l'auteur qui s'annonce comme une sorte de suite à cet essai: Et Si L'Amour durait (un titre pas très engageant, mais bon!).
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L'identité malheureuse

Alain Finkielkraut expose le bouleversement que connaît l'Europe et la France en particulier depuis quelques décennies, depuis son enfance notamment (né en 1949) avec la vision pessimiste mais certainement réaliste qu'on lui connaît (donc surtout à ne pas lire lors d'une baisse de moral car cela vous achève !), Il reprend des thèmes qui lui sont chers : conception de la Nation, laïcité, voile, école, immigration, nouvelles technologies, perte de valeurs, culture, relativisme absolu dont beaucoup étaient déjà exposés en 1985 dans "la défaite de la pensée".

L'Europe contemporaine est prisonnière de son passé et en particulier d'Auschwitz et de la colonisation. Elle a renoncé à l'universalisme des Lumières, ne croit plus en son identité. A force de dire "plus jamais ça", elle ne voit pas le présent et les dangers du communautarisme et se croit toujours dans les années 1930..Elle est partisan du "Romantisme pour autrui" (le Romantisme ayant entraîné au XIX° siècle le Nationalisme), de l'orgueil identitaire sauf pour elle-même.

L'école qui intégrait en refusant les particularismes en enseignant l'histoire, la langue, la littérature, offrait "la France en partage" n'assure plus son rôle en se complaisant dans la démagogie, la culture est dénigrée. Il évoque la notion grecque d'aïdos, modestie, pudeur dans la vie en société qui tend à disparaître.
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La Défaite de la pensée

Bien que les Lumières aient proposé avec pertinence le principe de dépassement de l'humain par la mise en oeuvre de sa capacité critique, de sa volonté de sortir du cadre des préjugés et de son exigence à devenir, il semble au contraire que la posture majoritaire soit aujourd'hui de considérer que c'est la société qui fait l'homme plutôt que l'homme qui fait la société. L'abandon de cette exigence se retrouve dans l'éternel débat entre "Volksgeist" allemand initiée par Herder à la fin des Lumières, traduit en français par "génie de la nation" à la manière de Bonald ou de Maurras (nous pourrions ajouter de Burke en Angleterre) et "principe d'adhésion" du citoyen à une société tel que prônée par la révolution de Sieyès et repris par Renan et De Maistre. C'est au XIXème siècle, lors du renoncement aux Lumières par le romantisme que l'opposition se fait la plus forte, résumée par l'annexion de l'Alsace-Lorraine : Strauss en Allemagne oppose l'évidence des racines germaniques des alsaciens tandis que Renan défend la volonté des Alsaciens eux-mêmes à rester français. Entre temps, la classification des humains sur des critères biologiques est née. En France, l'affaire Dreyfus marque la victoire du principe universaliste, mais de justesse. La suite du XXème siècle se déroule par la victoire des conceptions "biologique" et "sociale" de l'humain (Vacher de la Pouge, Marx) plutôt qu'agissant sur elle. Ce serait le principe de contrition des européens décolonisateurs qui, en associant à tort la promotion d'un principe de pensée élévateur et l'orgueil de s'en croire les détenteurs (qui aboutit seul à la violence et au racisme, mais non le principe lui-même), ont décidé de déclarer l'abolition de toute promotion de la pensée au profit d'une égalité des modes d'être, c'est-à-dire de l'exercice des préjugés propre à chaque culture. Les "cultures" sont depuis des viviers de préjugés dans lesquels la posture intellectuelle ambiante, déclarée jusque dans les textes de l'UNESCO, nous force de plonger et de nous en enorgueillir.

Ausi, si les sociétés humaines deviennent égales les unes aux autres sans autre critère que l'égalité des préjugés, cela signifie que l'humain redevient "animal" ou "zombie", un être biologique incapable de dépasser la "livrée" dont il est revêtu à la naissance et dont, loin de vouloir se débarrasser, il s'emmitoufle (nous pourrions compléter cela par la phrase de Barrès : "revêtons nos préjugés, ils nous tiennent chaud"). N'aspirant plus à engager l'homme à devenir, les sociétés contemporaines encourageraient au contraire l'homme à être ce qu'il a toujours été, à considérer sa petite personne comme un aboutissement ultime de la perfection de l'histoire humaine et à se contenter de l'oppression qu'il opère lui-même sur sa propre pensée. De là, la défaite de la pensée face au préjugé, qui fait de l'homme non pas un principe actif, mais un mode d'être au monde, un mode plat, sans envergure, sans perspective et, parce qu'il renforce les préjugés, ne présage pas d'avenir meilleur que la haine, le racisme, l'exclusion, la désagrégation des sociétés humaines et tout ce qu'un refus de dépassement de soi par une réflexion personnelle rejette : l'élévation de l'esprit, la dialectique entre des pensées nourries, l'aspiration à une société meilleure, bref, tout ce que proposaient les Lumières.





En reprenant Renan, Strauss, Barrès, Maurras, Herder, Finkielkraut pose la question de l'essence du lien entre des "communautaires", de ce qui compose un peuple, une communauté humaine. Il engage à réfléchir à ce que doit être une communauté humaine aujourd'hui, et à ce qu'elle doit aspirer à devenir. On est convaincu par la problématique qui s'inscrit dans ce conflit "Kultur"-"Civilisation", "esprit national"-"plébiscite de tous les jours", "identité locale"-"universalisme", "droit du sang"-"droit du sol", "valeurs ancestrales"-"valeurs universelles", "communauté chaude"-"patriotisme constitutionnel", etc. C'est effectivement parfaitement d'actualité à une époque où certains partis politiques prétendent préparer l'avenir de la société (française, mais dans beaucoup d'autres pays aussi) en l'alourdissant du poids de ses "racines", de son "identité" sans évoquer de projets d'avenir. La problématique de la manière dont nous devons nous sentir "vivre ensemble" et de cette "communautés de valeurs" balance donc bien toujours entre la référence à une origine commune et à un destin commun. Finkielkraut rappelait que l'esprit des Lumières était exactement contraire : être humain, c'était, pour les philosophes, créer, inventer, abattre les préjugés. Le texte est à rapprocher de la thèse défendue par Ortega y Gasset dans "La révolte des masses" il y a près d'un siècle, où, là aussi, c'est la platitude de la pensée, le contentement personnel et le refus de développer une réflexion personnelle qui explique "la défaite de la société" (Ortaga y Gasset écrit dans les années 1930). Ce rapprochement accrédite la valeur de la problématique, puisque déjà défendue voilà un siècle, sans pour autant résoudre la question.

Malheureusement il manque un dernier chapitre à l'essai de Finkielkraut. En effet, les Lumières avaient un adversaires à abattre : l'arbitraire, identifié sous la double forme du pouvoir (la monarchie) et de la foi religieuse (l'église). Pour appliquer un principe critique, il faut encore avoir identifié l'adversaire. Malheureusement, Finkielkraut ne le nomme pas. Les temps ayant changé puisque ce ne sont plus une poignée organisée de penseurs qui peuvent construire l'avenir, mais des centaines de millions de personnes, il reste à organiser cette communauté d'envergure, avec toutes les différences (d'origine et d'aspiration) qu'elle comporte. En outre, se pose la question de savoir si l'on est autorisé à défendre un principe universel sous la forme d'une dichotomie des groupes humains. Le ton est en effet virulent et semble installer l'idée qu'il y aurait ceux "qui ont tout compris" et ... les autres. L'universalisme du principe s'émousse par la violence du propos... On reste donc un peu sur sa faim, convaincu de la véracité du principe, sans indication de ce à quoi il faut l'appliquer. Mais si un essai brille par son expression et sa capacité à germer chez celui qui le lit, "La défaite de la pensée" est excellent. Les mots courent, les phrases virevoltent, la pensée s'envole et tourbillonnent : c'est un grand ménage de printemps. L'essai est bref, mais on interrompt si souvent la lecture pour y insérer ses propres réflexions inspirées par lui qu'elle s'étale finalement, et l'après-midi passe. Vient l'heure de l'apéritif et l'on se sent prêt à affronter une vie nouvelle, même s'il nous reste à inventer la manière de l'aborder (n'était-ce pas justement le propos de l'auteur ?...)
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La sagesse de l'amour

Cet ouvrage de 1984 d'Alain Finkielkraut, philosophe et essayiste, est surtout intéressant par sa thématique, trop souvent négligée -et je partage ce point de vue avec l'auteur- chez les philosophes majeurs de ces derniers siècles en occident. S'inspirant de Lévinas, mais aussi de la littérature de Proust, Henri James ou Flaubert, il réinterroge le rapport amoureux dans le contexte hédoniste et individualiste de la fin du XXème siècle, en l'élargissant au rapport à autrui.

Autrui, avant tout, nous confronte, car il n'est pas simple objet. Ce rapport renvoie à la dialectique hegelienne du maître de l'esclave: par son regard, autrui me dépossède de moi-même ; mais d'un autre côté, il me libère de mon enchaînement à l'être. de plus, il est pourvu d'un visage. Celui-ci , au coeur de l'aventure amoureuse, se laisse approcher mais jamais saisir complètement.Il m'oblige ainsi à sortir de moi-même, et à progresser. Ainsi, selon lui, la passion elle-même serait le moteur puissant d'une véritable recherche éthique.

S'appuyant ensuite sur Proust, il s'interroge sur l'amour véritable et durable. D'abord il suppose a priori -qu'on le soit ou non- le renoncement à être aimé en retour ; de plus, son rapport avec le beau -référence aux classiques grecs- est très contestable : la passion rend aveugle, et l'amant dégrisé ne retrouve le sentiment du beau qu'une fois la passion épuisée ; enfin, même au sein du huis clos conjugal, l'autre nous échappe et la solitude reprend ses droits. Ainsi, la passion amoureuse est une lutte

éperdue pour remplir sa différence et, malgré la souffrance générée e tle renoncement à rester totalement libre pour le monde, l'amoureux tient à ses chaînes autant qu'elles lui pèsent. Citant Claudel, FInkielkraut nous donne à penser que l'offrande de soi et l'expérience d'autrui est peut-être le seul moyen de nous le faire "entrer dans les chairs", de prendre conscience de "la secrète affinité entre conscience amoureuse et conscience éthique."

S'ensuit une réflexion sur deux chapitres autour de la perte du sacré dans le monde contemporain, de la confrontation à autrui et des dérives individuelles et sociétales que ces deux éléments peuvent impliquer.

Je m'en tiendrai pour ma part aux deux conclusions relatives à l'Amour, que je porte en citations de l'ouvrage sur le site. Elle me semblent parfaitement synthétiser l'essai. De plus, j'ai moins apprécié la suite de l'ouvrage, plus sociale et politique, n'adhérant pas aux vues assez conservatrices de l'auteur. La première partie recèle par contre de véritables pépites, s'appuyant sur des références littéraires enrichissantes. Le côté intellectuel de l'ouvrage ne nuit pas à la lecture, quoiqu'il nuise à la force de conviction... Alain Finkielkraut disserte avec justesse, mais doit régulièrement invoquer Proust, Barthes ou Henri James pour introduire le rennseti, le sentiment... indispensable, il me semble... au vu du sujet.
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L'identité malheureuse

Est-il encore possible d'hériter et de transmettre ? Témoin de son temps, passeur d’éducation, Alain Finkielkraut a l‘outrecuidance d’aller à rebours d’une certaine idée de la modernité bien pensante pour fouiller son « identité malheureuse ». Non, tout ne se « vaut » pas et la culture ne doit pas être le parent pauvre de notre présent. Au risque de heurter les nouvelles valeurs du « politiquement correct » - le respect, l’égalitarisme, l’universalisme, les nouvelles technologies - Finkielkraut se livre à un exercice intellectuel brillant et sain, souvent risqué, parfois scabreux, mais toujours courageux et salutaire.
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Pêcheur de perles

C’est un très beau livre que j’ai lu deux fois pour en retirer toute la richesse. L’auteur , inspiré par des citations ( les perles) de grands penseurs du monde occidental dont il est familier , aborde les problématiques essentielles de notre monde contemporain et ne comprend pas l’acharnement mis en œuvre pour détruire notre civilisation.

Le livre commence de façon surprenante par le récit d’un chagrin d’amour dont l’auteur s’est affranchi en n’écoutant que lui-même.

Puis le problème de la fin de vie est abordé avec beaucoup d’émotion et de réalisme dans le prolongement de la pensée de Houellebeck à ce sujet, non sans quelques réserves. L’écrivain fustige ensuite l’abandon des règles de politesse , le wokisme , le refus de la sélection à l’école car ces nouveaux concepts sont destructeurs, se retournant contre ceux qu’ils sont censés protéger.

Nous sommes ici amenés à réfléchir à toutes ces évolutions sociétales,éclairé par ce grand et bel esprit qu’est Alain Finkielkraut. Merci



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La seule exactitude

Je croyais que j'allais lire Alain Finkielkraut, et je me rends compte que je le relis, car j'avais déjà rencontré ces essais, réunis ici en volume, grâce au magazine internet (et "papier") Causeur. C'est une bonne chose que ces textes soient réunis dans un livre, car la presse est éphémère, et internet encore plus. C'est écrit avec un tel soin que seul le livre donne le temps de savourer une belle prose, et de méditer un peu au-delà de l'instant. Le temps écoulé donne une autre dimension aux événements qui furent l'occasion de ces réflexions. Il permet de mesurer, sur une année, les grandes tendances de l'opinion et de la politique. Cet ouvrage est donc nécessaire et précieux.
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Pêcheur de perles

C’est le premier livre d’Alain Finkielkraut que je lis, tant son personnage médiatique avait eu le don, jusqu’ici, de m’irriter. Non pour ses idées, mais pour la véhémence un peu ridicule qu’il montre souvent sur les plateaux de télévision, véhémence qu’il semble garder en son privé, et qu’il décrit au chapitre consacré à sa rupture amoureuse : cela « ne méritait pas que je monte sur mes grands chevaux et que je crois bon d’afficher ma sensibilité supérieure aux malheurs du monde ». Dont acte.

Etrange construction que celle de ce livre. Après un premier chapitre où l’auteur s’emploie à prouver qu’il partage l’illusion si commune à tous de vivre une relation amoureuse semblable à nulle autre, il enchaine sur quatre chapitres de bonne tenue philosophique, mais où il abuse du para-discursif. Diantre, pourquoi tant de mots ? Il sort une citation toutes les 3 lignes.

Suivent huit chapitres où il cherche à justifier -avec succès- la réputation de vieux c..rispé d’extrême droite tressée par ses adversaires. (Un Camelot du Roi, écrit-il). S’ajoute à cela deux chapitres inclassables, le 11 où il règle ses comptes avec les humoristes et la bien-pensance de France Inter, et le 13 qui m’a fait l’effet d’un mauvais cours de Terminale sur le Contrat Social de Rousseau. (Le philosophe, pas l’écologiste).

Le résultat est inégal. J’ai adoré les chapitres sur la mort et l’éducation, sans oublier l’idée européenne présentée avant tout comme une aventure culturelle. « Où que vous soyez au monde, vous êtes européen quand vous êtes en train de lire » (Cynthia Ozick).

Sur la mort, il livre des paroles fortes sur l’angoisse qui s’ajoute aujourd’hui à la peur de la mort. La fin de la vie nous terrifie, mais la fin de vie aussi. Chacun est amené à se demander s’il restera lui-même dans ses dernières années, ou s’il connaitra « l’immense chagrin de se savoir en état de destruction mentale » (Rezvani).

Sur l’éducation et le concept de méritocratie républicaine, il montre combien la pédagogie compassionnelle et réparatrice née de la lecture des « Héritiers » de Bourdieu est à l’origine de l’effondrement du niveau scolaire actuel. L’Education Nationale est devenue une fabrique du narquois pour des êtres humains qui naissent libres, égaux et bacheliers. Forcément bacheliers.

Ensuite, il s’emploie à dézinguer avec un plaisir manifeste le wokisme, la cancel culture, le féminisme faux-nez de l’appétit de pouvoir, le trans devenu le « Messie du Je », il dégaine son Renaud Camus et piétine Sandrine Rousseau et Greta Thunberg. Il endosse avec jubilation les habits du Grand-Papa Ronchon de Michel Serres, faisant passer ce dernier, au passage, pour un thuriféraire béat de la société actuelle, ce qui, si mes souvenirs de lecture de « C’était Mieux Avant » sont fidèles, est inexact. Il jubile, et on peut se réjouir avec lui à chaque formule assassine : « Cours magistral, autrefois c’était un pléonasme. Aujourd’hui c’est un oxymore. »

Mais mon plus grand reproche est qu’il reste au niveau du constat. Typique, le dernier chapitre où il liste longuement tout ce qui était mieux avant. Mais sans jamais se demander comment nous en sommes arrivés là. Il cite la phrase de Jaime Semprun : « A quels enfants allons-nous laisser notre monde ? » Ces enfants qui adhèrent à tous les « ismes » délétères qu’il dénonce, sont le produit de l’éducation et des valeurs transmises par sa génération et celle qui a suivi, c’est-à-dire la mienne. Si je partage souvent son constat, ce qui importerait vraiment, aujourd’hui, serait de comprendre où nous avons merdé. Pour que les générations futures fassent leurs propres erreurs et ne recommencent pas les nôtres. Qu’avons-nous fait ou pas fait, qu’aurions-nous dû faire autrement pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans un monde plus respirable que celui que nous leur transmettons ? Il me semble que c’est la seule question valable, et Finkielkraut, tout à son archéophilie, se garde bien d’y répondre.

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L'après littérature



Finkielkraut est un philosophe né en 1949. Comme beaucoup des jeunes étudiants de l'époque, il a fait "Mai 68", du côté des jeunes revendicateurs. Mais avec le temps il s'est éloigné, non pas pour devenir un conservateur mais pour devenir un philosophe libre de penser ce qu'il veut sans s'attacher à des idéologies ou des modes. C'est ce qui me plaît en lui.



Ceci étant dit, on peut mieux comprendre ce livre. Les chapitres s'enchaînent avec logique mais ils peuvent être lus indépendamment les uns des autres comme une série d'articles.



Il se lance dans une critique des incohérences de la société actuelle et de certains mouvements, la plupart dans la mouvance dite woke : néoféminisme, colonialisme, antiracisme, politiquement correcte, #MeToo et #BalanceTonPorc, la "gauchitude", ...



Il ne manque pas de raconter une anecdote dont on a entendu parler par ailleurs : une militante néoféministe très remontée contre lui à cause de son soutien à Roman Polanski lui a accusé de faire l'apologie du viol. Les dires de la militante étaient tellement déplacés que Finkielkraut a renchéri avec une exagération pour faire comprendre que ce que l'interlocutrice disait était une bêtise : "Après avoir appelé à la généralisation du viol, j'ai fièrement déclaré que, tous les soirs sans exception, je soumettais ma femme à cette torture exquise". Si sur le coup personne n'a bronché, les politiciens du Parti Socialiste et France Insoumise ont voulu faire de la récupération politique. Si d'un côté Finkielkraut parfois part "au quart de tour" (c'est du Finkielkraut tout craché et je le comprends), cet incident montre un peu l'ambiance où l'on vit avec les contraintes à liberté d'expression et le politiquement correct.



Tout au long du livre il fait référence à ses auteurs préférés, souvent Milan Kundera, Philippe Roth, Octavio Paz, ... Si accessoirement il fait comprendre que la littérature d'aujourd'hui ne vaut pas ou plus celle de ses auteurs classiques, je ne suis pas sûr que ce point soit suffisant pour justifier le titre du livre. C'est plus une critique à la société moderne qu'une critique à la littérature d'aujourd'hui (et à l'art aussi).



C'est un livre que se lit très facilement et avec plaisir. On peut ne pas être d'accord avec ses opinions mais Finkielkraut fait partie de ces philosophes dont la lecture en vaut la peine.
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