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Citations de Alain Gerber (76)


"Votre passé ne demeure pas en arrière, il vous accompagne en tout lieu, il grandit et vieillit dans votre ombre"
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Du coup, dès qu'il est à la maison, son instrument ne le quitte plus. [...] Assise dans le salon, au rez-de-chaussée, sa mère n'en perd pas une miette. Quelques fois, à pas de loups, elle se déplace jusqu'au bas de l'escalier, afin d'écouter Boris dans de meilleures conditions. Ayant l'ouïe fine, il a fini par s'en rendre compte. D'ailleurs, il n'a pas besoin de prêter l'oreille : il devine quand elle se rapproche ainsi de lui et peut alors se payer le luxe, tel un amant romantique, de lui donner la sérénade sans qu'elle sache qu'il ne s'adresse qu'à lui. Si plus tard, à l'image de beaucoup d'êtres humains, il se lance dans la tâche désespérée de définir le bonheur, nul doute qu'il proposera cette formule : le bonheur consiste à jouer de mieux en mieux toujours du violon pour une personne qui apprécie votre jeu chaque jour davantage.
p. 136
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Là, sur le podium de ce club, il m'est apparu que cet homme qui n'avait nulle part sa place sur cette terre, sinon au bout de sa trompette, était le centre du monde, le roi du monde - et que les personnes déplacées, en fait, c'étaient nous, tous autant que nous étions.
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Mathilde serait plutôt du genre qui n'oublie pas, mais se cherche des excuses et tente de s'abuser soi- même, en se faisant des promesses de Gascon. Depuis qu'elle a passé son brevet, l'une de ses phrases favorites est : « Je me donne encore deux ans. » Se rend- elle compte que ses justifications sont déjà prêtes, dans l'éventualité où, comme d'habitude, elle abandonnerait la dernière en date de ses chimères ? D'ailleurs, plus le temps passe, plus ses projets sont raisonnables. Bientôt, ils auront moins de rapport avec ses rêves qu'avec la réalité de chaque jour.
p. 91
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« La vie n’est pas bien faite. Pourquoi les choses ne sont-elles jamais ce qu’on voudrait qu’elles soient ? Pourquoi nos désirs ne se réalisent-ils pas automatiquement, puisque c’est ce qu’on veut le plus ? » (p. 161)
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Le vrai drame peut consister à rêver trop court.
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Enfrance extrait 5


Mon père enfile son casque
garnit de vieux journaux
sa veste de cuir
range dans sa serviette
ses crayons sa gomme son stylo
son décamètre
et les plans énigmatiques
de la Reconstruction nationale
sur du papier violet
il réveille avec précaution
sa motocyclette
il fonce vers Champagney Ronchamp Lepuis-Gy
naviguant sur le verglas
dans la purée d’aurore
(…) et parfois il achète un buffet ancien
délogeant une basse-cour
ou un tas de charbon
j’y songeais à ses funérailles
nous étions trois ou quatre
sous les branches nues
sous le ciel déserté
à quelques pas seulement de ses fenêtres
‒ et donc
tout ce temps
toutes ces années du cristal de l’or vieux et des cendres
tout ce long temps sans prix
tout ce temps compté
il avait pu
contempler à loisir
le décor de son trou…
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La musique est une danse rituelle avec des guitares autour des percussions afrisaines et du tandem basse/batterie, zébrée des éclairs du sax ou de la trompette .
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Je m'appelle Leon Randolph Jackson. J'ai onze ans. Je suis noir et je suis bleu.
Noir, c'est ma couleur du dessus : la couleur de ma peau. Bleu, c'est ma couleur du dedans.
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Oh ! bien sûr je ne suis pas bleu tout le temps. L'âme, c'est comme un caméléon : ça change de couleur à tout bout de champ. Ma mère dit souvent que la vie nous en fait voir de toutes les couleurs. L'âme est capable de prendre l'une ou l'autre des couleurs de la vie. Parfois plusieurs à la fois. Ça peut faire un joli tableau quand le mélange est réussi...
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Je serai bientôt un vieil homme et lorsqu'on me demande ma profession, je continue de répondre: "écrivain". Quoique cette prétention me paraisse de jour en jour plus extravagante. (...)
Je joue à vivre la vie de ces hommes inaccessibles qui ont gagné pour de bon le droit de mettre leur nom sur des livres. (p.54)
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Nous n'oublions jamais de rire. Ça ne veut pas dire que nous cessons d'être bleus, mais au moins, on réussit à vivre avec...
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-C'est toi qu'il a choisi. Un instrument de musique, c'est comme un chien: ça reconnaît son maître la première fois qu'il le rencontre.
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« Les lapins de lune pouvaient réaliser tous les rêves, mais ils aimaient mieux pas, parce que ce serait trop beau. Alors vous deviez les prendre par surprise. » (p. 13)
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J'ai l'impression de vivre entre parenthèses, dis-je pour conclure. Au fil des années, la littérature m'a expulsé de ma propre existence. Qui accepterait de payer aussi cher la prérogative, au demeurant discutable, d'aligner des mots sur un bout de papier ? (p.34)
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On met de l'eau dans son vin, goutte après goutte, insensiblement, jusqu'au jour où l'on constate qu'il y a moins de vin que d'eau dans le verre. Encore n'est-ce que demi-mal si l'on reste assez lucide pour apprécier l'étendue des dégâts. En général, les personnes qui se transforment d'une façon à ce point radicale ne sont pas conscientes de leur métamorphose. Elles oublient qui elles ont été. Avec, circonstance aggravante, une sensation d'intime soulagement dans la plupart des cas.
p.90
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Enfrance extrait 3


Les troupeaux frileux
les bœufs éberlués
entre les grilles des préfectures
ripant sur le pavé
grimpés sur le trottoir au grand scandale des assassins
armés d’un bâton
buveurs de café bouillu
l’odeur du sang des bêtes
à l’emplacement de futurs cinémas
derrière le brouillard et le pâle
du faubourg des argentés
sur le chemin des Perches
que le vent repousse au fond de ses ornières
un vent de fer et de dimanche raté
loin des désirs absolus

La rue des jeudis héroïques
de sabres et d’arbalètes
traversée par un mur
que couronnent
des tessons d’existence
le haut des plus hautes tombes
les chapeaux noirs des affligés
les plumets noirs des chevaux de corbillard
arborant le monogramme d’un défunt présomptueux
à qui en pénitence
on n’a même pas laissé son alliance et sa montre
sa tabatière son culbutot
et par-dessus la voix du bronze
absente
monocorde
qui ne connaît pas un mort d’un autre
ni celui qu’on regrette
ni celui qui voulut qu’on épinglât
sa médaille sur un coussin violet

(…)

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Voici donc un homme mûr qui jouit des bénéfices de l'amour (sur son tempérament, par exemple) sans en distinguer la cause. Et voilà une toute jeune femme qui, faute d'expérience, faute de lucidité, profite de cette amour comme de l'air qu'on respire : sans y prêter attention. Leur bien-être est à la mesure de leur aveuglement, et sans doute lui doit-il beaucoup.
p. 69
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Ce pourrait être un mirage né de la chaleur. La route qui vibre là-bas. Les façades qui ondulent. La lumière en fusion. L’air vitrifié. L’haleine brûlante des murs. La végétation pétrifiée, ou coulée dans le bronze. L’empreinte des mules et des attelages incrustée dans le sol pour l’éternité. Et cet immobile bourdonnement du silence.
En haut de la rue, devant moi, près de la pompe à essence squelettique, la poussière miroite et scintille comme une lame de schiste. Même les chiens errants ont gagné leurs retraites. Ils attendent la fin de la torpeur. Même les oiseaux.
La cloche de la paroisse a sonné trois coups à l’instant précis où j’ouvrais ma porte avec précaution, en retenant mon souffle.
Clouées au pied des choses, les ombres ont des bords acérés. Le ciel incandescent grésille sur les terrasses. Il coule le long des murs. Un étincellement liquide abolit leurs couleurs. Les bleus lavés. Les ocres pâles. Les jaunes languissants. Les bistres exsangues. Les vieux roses éteints des anciens palais, d’où les élégances et les raffinements ont été bannis pour toujours.
Les lames des jalousies projettent contre les jambes des dormeurs des hachures de clarté. Des hommes aux aisselles gluantes, huilés d’une sueur malsaine, reçoivent la luxurieuse caresse de la sieste. Certains sont jetés en travers d’une femme qui garde les yeux grands ouverts au fond de la pénombre.
Après l’épicerie-garage, placée sous l’invocation des saints Jean-Baptiste et Christophe, la pente s’adoucit jusqu’aux cabanes d’argile qui marquent la limite orientale du village. Ensuite vient l’esplanade. Les souffles du soir et du matin, les vents de mer et de montagne y ramassent en monticules erratiques la poussière (cette cendre terre d’ombre que l’on voit ici). Ailleurs le sol est à vif.
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Mais une fois que j'ai été allongé dans le noir et que j'ai entendu, venant du Café Paradis, l'écho de la chanson si douce et mélancolique avec laquelle, chaque soir, Buddy Joe annonçait le début du spectacle, j'ai versé en silence un océan de bleu : toutes les larmes que j'avais gardées prisonnières au fond de moi depuis le jour où j'avais compris que le noir n'est pas une couleur comme les autres.
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