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Critiques de Alexandre Blok (18)
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Douze

Editions Allia - Traduction d'Olivier Kachler

...

De la poésie à scander en haut d'un rocher, ou sur les épaules d'une statue, même si l'on est pas révolutionnaire pour un sou.



La traduction semble cette fois à la hauteur, bien que l'ombre d'André Markowicz plane encore au-dessus d'elle, telle une menace récente et implacable, présente à chaque fois que l'on parle de littérature classique russe… Et ce n'est pas prêt de s'arrêter, alors que l'on évoquera bientôt Pouchkine et Boulgakov… Les pro- et les anti- pourront fourbir leurs armes... ici, on préfère ne pas choisir son camp… en tout cas pour le moment…



Blok va jusqu'à nier le caractère politique de ces vers dans une note postérieure complétant cette édition, démontrant le caractère submersible par son environnement de l'intention d'auteur, voire qu'il puisse carrément se méprendre sur son oeuvre, (les) Douze étant bel et bien l'un des poèmes les plus représentatifs de cette littérature en pleine prise avec son Histoire, ou quand une oeuvre acquière une dimension à son corps défendant… rimes de barricades… vers de guerre civile…



On remarquera, en passant, que la précieuse(*) critique et auteure « colimasson »

— (*) dans le sens de sa valeur pour nous tous, n'ayant pas la chance d'en apprécier le reste, si vous m'autorisez cette délicate muflerie —

n'aime pas vraiment la poésie, et son principe de sens créé par trop de chemins détournés ( elle met Houellebecq à part… dont j'ignorai jusqu'alors la fibre poétique… ça ne doit pas être triste… ou bien si, en fait… ), alors qu'elle omet les nuages soufrés produits par Ezra Pound…

Alexandra, si tu passes par hasard par là…



Pour le reste, une magnifique petite édition incluant astucieusement les dessins originaux d'Annenkov… en version plastifiée, « retiré des collections » de la bibliothèque municipale de Vanves, c'est encore mieux… portée en poche alors que l'on part irriguer…

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Douze

Entre 8 et le 28 janvier 1918 Blok écrit avec une certaine rage « Les Douze » en douze Strophes.

Douze hommes, des Bolcheviks, avancent dans un rythme saccadé et aux sons des fusils qui pétaradent, « Trakh-tararakh-takh-takh-takh takh ! » comme une chevauchée ils partent à l’assaut. Les mots claquent de sonorités révolutionnaires, le rythme s’emballe, la cadence s’accélère les éléments se déchainent comme se déchaine la révolution.



« Le vent rôde, la neige voltige,

Douze hommes marchent.



Fusils et bretelles noires...

Partout des feux, des feux, des feux...



Cigarette aux dents, casquettes aplaties,

L’as de carreau ferait bien sur leur dos !



Liberté, liberté,

Eh, eh, sans croix !

Tra-ta-ta !

Il fait froid, camarades, froid. »

Les Bolcheviks en ont fait des douze leur étendard.



En lisant ce poème polyphonique où les voix se mêlent et s’interpellent, on sent combien le texte est heurté, combien les sonorités des mots sont importantes. Il faut le lire à voix haute, et regretter de ne pas pouvoir le lire en russe !

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Douze

C'est la Révolution, c'est la tempête, c'est le chaos. Douze soldats rouges avancent dans la nuit, dans la neige qui voltige. le Christ marche en tête, «d'une tendre démarche d'aile sur l'ouragan». Une folle énergie dans ces vers écrits en 1918, un rythme des plus puissants, un tourbillon qui nous emporte.
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Les Scythes

Blok est une grande voix de la poésie russe. On peut considérer ce poème comme un « long cri du coeur » car Blok l'a écrit en deux jours en 1918. Alors, il s'était montré très déçu de l'échec Russe au traité de Brest-Litovsk avec les allemands ; en colère il s'était indigné et avait déclaré : « Bourgeois méprisable, fringue allemand… nous avons regardé votre oeil aryen aussi longtemps que vous aviez un visage…« Nous sommes les barbares, très bien ! » La révolution bolchevique venait aussi de marquer le pays, et, Blok sera quelques années plus tard déçu . Il lance donc ce cri au « vieux monde » un appel à la paix, il est foncièrement contre la guerre :

« Venez à nous ! Sortez des horreurs de la guerre

Pour tomber dans nos bras ! »

… Camarades ! Nous serons frères !

Peut-être que le ton est-il légèrement ironique ? Il nous donne aussi à voir la vision de la Russie sur l'Occident :

« Nous comprenons tout — et la subtile raison gauloise,

Et le sombre génie germain.

Nous gardons le souvenir de tout — de l'enfer des rues parisiennes

Et des fraîcheurs de Venise,

De l'arôme lointain des bois de citronniers

Et des masses fumeuses dans Cologne… »



Blok appelle ces « amis-ennemis » de l'occident à la fraternité et à les rejoindre :

La Russie « regarde, regarde à toi

Avec haine et avec amour ! »



« Une dernière fois !—prends garde, vieux monde !

Au festin fraternel du travail et de la paix,

Au clair festin fraternel, — une dernière fois,

Te convie ma lyre barbare ! »



La traduction française de ce poème, en 1956, par le poète André Piot (peut-on lire dans « Persée), est d'excellente qualité : « La rime est riche, le rythme est sûr et le vocabulaire éclatant »

Mais ce n'est pas la traduction que j'ai lue et je ne pense pas qu'elle soit disponible ( ?)





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Les Douze

Alors là franchement j'ai adoré !

J'avais lu jusque là quelques traductions plus ou moins compréhensibles mais jamais jamais je n'avais été emportée par le souffle de ce poème majeur de la Révolution russe. Et puis, ce soir, j'ai écouté le poème interprété par Christian Olivier des Têtes raides. Waoh ! il s'agit de la traduction formidable et moderne d'André Markowicz. La version audio se trouve sur le site de l'éditeur. Vous m'en direz des nouvelles !

http://mesures-editions.fr/product/les-douze/
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Douze

Pour ce poème d’Alexandre Blok, comme pour 90% des poèmes en général (sauf ceux de Houellebecq), c’est toujours le même problème. Pourquoi le mec a-t-il voulu se la jouer occulte ? Franchement, ça n’attise pas le désir. « Douze » a été pertinent pendant environ un an, lors de la révolution russe. Pas besoin de notice d’assemblage au cours de cette période. « Douze », il paraît, aurait également permis à la poésie russe de se moderniser. Autant dire que nous n’aurons pas accès à ce qu’on nous certifie être rythme dément, structure versifiée tourmentée, vivacité et musicalité ronflante. Il faudra y croire. Le travail de traduction n’est pas mauvais mais enfin, ça ne vaut sans doute rien de l’original. Un siècle plus tard et dans un autre pays, « Douze » ne veut à peu près rien dire.





Ce que je préfère dans ce poème, c’est ce qu’Alexandre Blok lui-même en dit : « Ceux qui voient dans Douze des vers politiques, ou bien sont complètement aveugles à l’art, ou bien sont dans la boue politique jusqu’au cou, ou alors ils sont en proie à une grande fureur, qu’ils aiment ou qu’ils rejettent le poème ». Voilà qui me réconforte car moi, justement, j’ai rien compris de politique là-dedans. Mais le problème, c’est que j’ai pas vu grand-chose d’artistique non plus et ça, le Blok semble ne pas avoir conçu le cas de figure. En attente d’une traduction peut-être plus vivace, je laisse mon intérêt pour Blok en suspens…

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Douze

Quand je me suis décidée à relire «Les douze» je pensais l’avoir lu en français mais visiblement je l’avais lu dans l’original, et du coup, je me suis attelée à une relecture dans l’original. Avec une certaine appréhension car cela faisait bien des années que je n’avais lu un ouvrage entier dans l’original. Certes c’est un texte court, mais c’est de la poésie, pas de la langue ordinaire. Heureusement j’avais copieusement annoté mon exemplaire, ce qui m’a évité tout recours à un dictionnaire !

Alexandre Blok a écrit son poème au plus près de la Révolution, pendant qu'elle était en cours. Il cherchait à « être adéquat avec la sonorité de l'époque » et on peut sans hésiter constater qu'il y a réussi : le rythme est syncopé, plein de ruptures, de dissonances, pour nous plonger au coeur de la tempête révolutionnaire. Il y a un côté dionysiaque dans le déchaînement anarchique des 12 gardes rouges. Les mots aussi partent dans tous les sens entre slogans, formules de prière, injures, bribes d'odes solennels… C'est un déchaînement de forces élémentaires comme le vent et la tempête de neige, c'est la mort d'une civilisation, mais avec l'image mystérieuse d'un Christ invisible qui chemine avec un drapeau rouge devant les 12 assassins on peut y voir une possibilité de subordination du désordre révolutionnaire à une nouvelle organisation, de l'espoir, une promesse de naissance d'une nouvelle culture. Ce poème a provoqué l'isolement de son auteur, incompris de la plupart de ses contemporains, il a déplu à la majorité des partisans de la Révolution comme à la majorité de ses adversaires. Les uns y voyant une caricature des Gardes Rouges, les autres une caricature choquante du Christ. Malgré cette énigmatique image christique ce qui reste d'essentiel ce sont des tableaux très concrets et saisissants de naturel qui font de ce texte un poème majeur de la Révolution russe. Blok s'est éloigné des bolchéviques en fait dès le remplacement des volontaires de la Garde Rouge par l'Armée Rouge des ouvriers et paysans avec service militaire obligatoire et encadrement par des commissaires politiques courant 1918, c'est à dire très peu de temps après la publication du poème. En 1920 Alexandre Blok nota sur un exemplaire de son propre poème : « On verra bien ce que le temps en fera. Peut-être toute politique est si sale qu'une seule goutte altère le poème et gâte tout le reste ; peut-être qu'elle n'en détruira pas la signification ; peut-être, finalement — qui sait ! — s'avérera-t-elle le ferment grâce auquel on lira Les Douze dans un temps qui ne sera plus le nôtre. »
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Le monde terrible

Le monde est terrible. Terriblement beau, terriblement terrifiant. Surtout quand Aleksandr Aleksandrovic Blok l'écrit. Je ne cesse de lire et relire ces poésies trop peu connues ici, malheureusement.
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Douze

1903 marque l'entrée dans le siècle russe de deux poètes qui ne vont pas manquer de laisser leur empreinte au delà de tous les soubresauts événementiels que va connaître la Russie, malade de ne pouvoir se réformer comme frappée de paralysie, alors que tout indique qu'elle est au bout du rouleau et que ses forces vives, légion en ce temps, n'en peuvent plus malgré de vieilles promesses tsaristes. Et ce n'est pas faute d'avoir sommé le régime de bouger, ses élites les plus douées intellectuellement l'ont maintes fois rappelé à l'ordre, façon de parler bien entendu..



Alors des gens comme Biely et Blok vont se positionner comme chantres de la nouvelle poésie, à la hauteur du siècle sortant illuminé par son âge d'or et son aura pouchkinienne, étendards du monde russe désormais en marche, et tant pis si quelques grincements apparaissent dans la mécanique et dans les sorties de route indécentes voire criminelles au plan des choix politiques, la révolution aura bien lieu.



Et oui, le siècle poétique russe qui a suscité son lot d'étonnements frappés d'admiration dans le monde entier, à peine bouclé que voici clairement apparaitre deux auteurs plutôt dissemblables de tempérament d'ailleurs et se dessinent dans le paysage comme les coqueluches du monde russe cabossé comme dit par sa situation politique finissante qui ne vont pas mégoter sur la chance qui leur est donnée !



Que dire de leur genèse si l'on se dispense d'un état des lieux indispensable de faire, quand on se prend à penser que tous ces natifs de fin de siècle russes auront plutôt la malchance de naître au mauvais moment : c'est tout de même une ironie de l'histtoire à laquelle on ne peut indéniablement se soustraire, non seulement à conjuguer au temps présent mais pour l'avenir.



Je laisserai Biely ici, non pas que je l’apprécie moins , mais tout simplement que j’ai envie de parler de Blok to day et que je ne peux pas courir après deux lièvres à la fois. Biely dont j’ai déjà parlé ici fera l’objet d’un commentaire à part de ma part. À lui seul, c’est tout un programme oublié ici injustement si tant est qu’il fut un jour sous les feux de la rampe, mais ô combien déterminant dans le monde des lettres russes.
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Les Douze

Rédigé en 1918, avant que ses espoirs ne s'évanouissent, un poème vibrant de toute la force révolutionnaire dont Blok pouvait être capable.

Il apporte ici encore la preuve qu'en Russie un poète est toujours plus qu'un poète, enraciné cops et âme dans la tempête de son temps.
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POESIES



Sa poésie de jeunesse, héroïque, criant les grandes vérités ,en cascades d'images tumultueuses. Et, à l'autre extrême, poésie presque abstraite, taillée comme un diamant.

Ce n'est pas tant ce qu'il dit, ni même la manière dont il le dit , c'est le son, une musique mystérieuse et obsédante qui n'appartient qu'à lui.

La musicalité qu'un non-Russe , même s'il connaît la langue, ne ressentira jamais pleinement.
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Les Douze

Marie-Hélène Prouteau. Voici une nouvelle traduction, par André Markowicz, du poème Les Douze du grand poète symboliste russe, Alexandre Blok (1880-1921). Le poète de « l’Âge d’argent » des années 1900-1917, représentant reconnu de l’intelligentsia russe, s’est trouvé avec la révolution d’octobre 1917 pris entre des mondes qui s’opposaient avec grand fracas. Le monde d’avant qui s’écroulait et l’autre qui pointait dans la tourmente, dans le chaos et la violence.

Les Douze est un hymne à la puissance de la révolution. Alexandre Blok le compose entre le 8 et le 28 janvier 1918, dans une sorte d’hallucination de l’ouïe. C’est quasiment en medium que le poète capte la mystérieuse musique des mondes à l’œuvre dans le bouleversement révolutionnaire et dans l’univers tout entier.



Le livre est édité par les éditions Mesures animées par Françoise Morvan et par André Markowicz qui a écrit une postface éclairante. De très belle facture, le recueil comprend le texte en français puis en seconde partie le texte russe. Il est associé à un spectacle et à une musique de Christian Olivier des Têtes Raides sur la poésie de la révolution. Des dessins en noir et blanc par le collectif Les Chats Pelés – Lionel Le Néouanic et Christian Olivier- illustrent de façon épurée le « soir en noir », la « neige en blanc ». Ainsi que les figures incarnant tantôt le vieux monde, le bourgeois, la femme au manteau d’astrakan, tantôt le nouveau qui advient.

Le fil narratif du poème est l’avancée des douze personnages dans la tempête de neige à Saint-Pétersbourg qui symbolise la tourmente révolutionnaire. Véritable musique de la révolution, le poème déploie une grande polyphonie de voix. C’est dire si Les Douze s’inscrit dans l’audacieuse oralité d’un vers libre. Le narrateur du poème commente l’action, la suscite. Le lecteur se trouve pris dans ce mouvement, saisit la bêtise, le goût du profit ou du pouvoir. La violence est là qui prend une forme quasi sacrificielle avec le meutre de Katia. L’apparition du Christ, non sans ambiguité, semblerait être la prophétie de ce monde rédempteur. Quel est le sens véritable de ce poème ? Il fonctionne un peu comme le pressentiment de l’ambivalence, chez Blok, de cette révolution. Comment se situer entre l’enthousiasme suscité par la perspective d’un changement radical et la dure réalité de ce cortège de violences, de limitations des libertés et d’interdictions - dont celle qui affectera le journal des Socialistes-révolutionnaires de gauche qui avait publié Les Douze ?

La traduction d’André Markowicz est superbe. Rappelons qu’il est le grand traducteur des œuvres de Dostoïevski, d’Anton Tchekov, de Lermontov, de Gogol, de Pouchkine, entre autres.






Lien : https://terresdefemmes.blogs..
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Cantiques de la belle dame

Alexandre Blok (1880-1921) est l'un des grands poètes de langue russe. Inspiré d'abord par Vladimir Soloviev, il se rattache au symbolisme. Son poème le plus célèbre "Les douze" a été inspiré par la Révolution d'Octobre. Les vers à la Belle Dame, écrits dans les premières années du XXème siècle, sont originaux mais aussi obscurs. La dénomination de belle dame peut renvoyer à Lioubov Mendeleïeva, la jeune femme qu'il épouse en 1903 (mais ce mariage sera malheureux). Toutefois, il existe dans ces poésies une nette composante mystique, qui dépasse la destinataire supposée. Comme l'écrit le préfacier, « Blok est un voyant » dont le regard dépasse la société humaine. Dans ce recueil, il développe ses vues idéalistes dans une perspective que je trouve parfois étrange. Une partie de ces poèmes m'ont plu.
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Les Douze

Sans conteste, Alexandre Blok (1880-1921) a été l'un des plus grands poètes russes du XXème siècle. Lorsque la Révolution d'Octobre a éclaté, il n’était pas vieux et, pourtant, il n'avait plus que quelques années à vivre. A cette époque, il se mit à fréquenter les bolcheviks et plaça ses (naïfs) espoirs dans le mouvement révolutionnaire. C'est alors que, dans une transe fulgurante, il écrivit un poème assez long, intitulé "Les douze", dont l'esprit et l'écriture paraissent très innovants sur le plan littéraire. Dans ce texte très particulier, la violence révolutionnaire se traduit dans un langage rude et populaire, un rythme heurté, qui sont loin d'être "gentiment" poétiques. En contrepoint, la chute finale des "Douze" – le Christ, porte-drapeau de la patrouille bolchevique – me parait surprenante et surtout géniale. Je la mets en citation (dans une traduction dont j'ignore la fidélité au texte original, mais qui me parait belle).
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Douze

Les douze sont probablement avec L’inconnue et les Scythes l’un des poèmes les plus célèbres d’Alexandre Blok.

Un poème très singulier dans l’œuvre de ce poète qui avait déjà porté vers la perfection la mélodie de ses vers. Dans les douze Blok aborde de front le sujet de la révolution d’octobre. Ce sera la première fois mais aussi la dernière. Une révolution qui aura suscité un immense espoir en lui, une révolution qui l’aura jeté aussi dans les abimes du désespoir.

Blok n’est pas forcément du poète politique russe. La première partie de son œuvre verse plutôt dans la romance et le symbolisme bien que ces « étiquettes » soient très réductrices le concernant, tant le talent de cet auteur transcende les genres. Vers 1904, Blok et sa poésie se transforment et tendent vers des thématiques plus réalistes et politiques, sans jamais perdre de leur beauté. Blok fréquente de plus en plus les milieux révolutionnaires, il participe à la révolte de 1905. Mais comme tout génie, il est peu adapté à son temps et à ses pairs. C’est dans une ardente fièvre poétique et révolutionnaire qu’il se lance dans la rédaction des Douze après la révolution d’octobre. La révolution s’y déroule durant une tempête de neige, la tempête de l’histoire qui est en train de balayer le vieux monde. Douze soldats bolcheviks marchent « d’un pas souverain » dans les rues de Saint Petersbourg. Ils incarnent ce monde nouveau, ces nouveaux hommes. L’un d’eux, Petka, tue Katka, fille du peuple qui faisait la noce avec les bourgeois. Le poème s’achève dans la tempête de neige et l’apparition du Christ qui précède la patrouille et porte le drapeau rouge.

La forme de ces vers est tout aussi singulière par rapport à l’œuvre de Blok. Le poète adopte un langage beaucoup plus populaire voire grossier aux yeux de certains de ses amis. Dans ce qui semble une véritable révélation pour la grandeur du peuple russe, Blok utilise beaucoup de ces quatrains très appréciés par le peuple russe d’alors (les « tchastouchki »). Les Douze ont les accents d’une chanson populaire.

La réception du poème fut très inégale. Adoré par certains, détestés par d’autres, ces vers ne laisseront indifférents personne. Beaucoup des amis de Blok le rejettent et crient à la trahison pour des raisons différentes d’ailleurs. Certains lui reprochent d’avoir abandonné la belle langue, d’autres estiment que ce poème est une injure à la Révolution (par exemple, au début du poème Blok dit que sur le dos de ces soldats le signe des bagnards, l’as de carreau, ne serait pas de trop), pour d’autres encore l’apparition du Christ comme meneur de la troupe de révolutionnaire est une incongruité peu conforme avec l’idéologie communiste. Pourtant, Blok va aussi susciter l’admiration, certains de ses vers deviennent de véritables slogans de la révolution. Même les ennemis de la révolution essaieront de se réapproprier ce poème...Bref, toujours est-il que Blok ne se remettra jamais véritablement du torrent de critiques que son poème aura suscité. Il n’écrira presque plus jusqu’à sa mort en 1921. Une mort en grande partie due à l’épuisement morale et physique.

Durant les quelques années le séparant de sa mort, Blok refusera de lire les Douze en public. Toutefois il laissera une note pleine de lucidité concernant la postérité de cette œuvre : « On verra bien ce que le temps en fera. Peut-être toute politique est si sale qu'une seule goutte altère le poème et gâte tout le reste ; peut-être qu'elle n'en détruira pas la signification ; peut-être, finalement - qui sait ! - s'avérera-t-elle le ferment grâce auquel on lira Les Douze dans un temps qui ne sera plus le nôtre. ». Le temps a donné raison au poète. Comme souvent.
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Le monde terrible

De larges extraits richement commentés de la grande « Trilogie lyrique » (1900-1916)



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/08/07/note-de-lecture-le-monde-terrible-alexandre-blok/
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Sur le bûcher de neige

D'accord avec Angelo. Traductions remarquables, soucieuses de la forme sans amocher le sens. Ce qui est tout de même rare dans les traductions de poésie étrangère, notamment du russe. Quant à l'anthologie des poésies de Blok, qui recouvre toute sa vie et va de 1898 à 1921, elle est bilingue, ce qui permet justement aux lecteurs sachant le russe (dont je suis) de vérifier que les traductions de Henri Abril, et quelques-unes aussi de Cyrilla Falk qui était la petite-fille du grand metteur en scène de Tchekhov K. Stanislavski, sont en accord merveilleux avec l'original.
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Sur le bûcher de neige

Sur le bûcher de neige -- grand choix bilingue de la poésie du grand poète russe Alexandre Blok (1880-1921), des vers sur la Belle Dame aux célèbres poème Les Douze et Les Scythes. Traductions remarquables de H. Abril et C. Falk qui restituent comme jamais le contenu sans négliger la forme, cette "musique" si essentielle chez ce poète. Ce livre est en fait une nouvelle édition très augmentée du livre "Poèmes" paru en 1994 et depuis longtemps introuvable. Bref, selon moi, un joyau pour les amateurs de poésie russe et aussi pour ceux qui souhaitent apprendre cette langue...
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