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Citations de Alexis Jenni (609)


La peinture rend l’invisible évident.
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La perfection n’a pas d’effet érotique.
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L'armée en France est un sujet qui fâche. On ne sait pas quoi penser de ces types, et surtout pas quoi en faire. Ils nous encombrent avec leurs bérets, avec leurs traditions régimentaires dont on ne voudrait rien savoir, et leurs coûteuses machines qui écornent les impôts. L'armée en France est muette, elle obéit au chef des armées, ce civil élu qui n'y connaît rien, qui s'occupe de tout et la laisse faire ce qu'elle veut. En France on ne sait pas quoi penser des militaires, on n'ose même pas employer un possessif qui laisserait penser que ce sont les nôtres : on les ignore, on les craint, on les moque. On se demande pourquoi ils font ça, ce métier impur si proche du sang et de la mort ; on soupçonne des complots, des sentiments malsains, de grosses limites intellectuelles. Ces militaires on les préfère à l'écart, entre eux dans leurs bases fermées de la France du Sud, ou alors à parcourir le monde pour surveiller les miettes de l'Empire, à se promener outre-mer comme ils le faisaient avant, en costume blanc à dorures sur de gros bateaux très propres qui brillent au soleil. On préfère qu'ils soient loin, qu'ils soient invisibles ; qu'ils ne nous concernent pas. On préfère qu'ils laissent aller leur violence ailleurs, dans ces territoires très éloignés peuplés de gens si peu semblables à nous que ce sont à peine des gens.
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Dans la maison isolée que mes parents avaient fait construire en pleine campagne, je lisais furieusement, et par les interstices d'une vie réglée, je voyais la littérature me faire signe. C'est toujours ainsi que la littérature vient aux jeunes gens: comme une terre promise.
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Fragonard toujours souriant est le peintre de l'instant intense; il est le peintre du bonheur d'être; il n'est rien de plus, mais il n'y a pas grand-chose d'autre qui mérite d'être peint. (p. 166)
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Quand on a les pieds posés sur les épaules de ceux qui vous soutiennent, la différence entre être porté et piétiner tient à une tournure d’esprit.
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Voir et toucher

je veux parler des mains qui voient car nous allons dans ce monde les mains en avant. Nos mains sont nos vibrisses, nos tentacules, notre langue bifide: elles sont l'organe spontané du toucher de l'espèce humaine, au point que l'éducation des petits enfants consiste surtout à crier : " Touche pas" ! quand ils vont heureux dans la rue, heureux d'un monde surprenant qu'ils veulent absolument connaître, touchant à tout en ignorant les catégories du propre et du sale (...) (p. 53)
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J'avais travail, maison et femme, qui sont trois visages d'un réel unique, trois aspects d'une même victoire: le butin de la guerre sociale. Nous sommes encore des cavaliers scythes. Le travail c'est la guerre, le métier d'un exercice de la violence, la maison un fortin, et la femme une prise, jetée en travers du cheval et emportée.

Cela n'étonnera que ceux qui croient vivre selon leur choix. Notre vie est statistique, les statistiques décrivent mieux la vie que tous les récits que l'on peut faire. Nous sommes cavaliers scythes, la vie est une conquête: je ne décris pas une vision du monde, j'énonce une vérité chiffrée. Regardez quand tout s'effondre, regardez dans quel ordre cela s'effondre. Quand l'homme perd son travail et n'en retrouve pas, on lui prend sa maison, et sa femme le quitte. Regardez comment cela s'effondre. L'épouse est une conquête, elle se vit ainsi; l'épouse du cadre au chômage abandonnera le vaincu qui n'a plus la force de s'emparer d'elle. Elle ne peut plus vivre avec lui, il la dégoûte, à trainer pendant les heures de bureau à la maison, elle ne supporte plus cette larve qui se rase moins, s'habille mal, regarde la télévision pendant le jour et fait des gestes de plus en plus lents; il lui répugne ce vaincu qui tente de s'en sortir mais échoue, fait mille tentatives, s'agite, s'enfonce, et sombre sans recours dans un ridicule qui amollit son regard, ses muscles, son sexe. Les femmes s'éloignent des cavaliers scythes tombés au sol, de ces cavaliers démontés maculés de boue: c'est une réalité statistique, qu'aucun récit ne peut changer. Les récits sont tous vrais mais ils ne pèsent rien devant les chiffres.
(P111)
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J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails.
Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue.
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Car ainsi va la terreur : elle n'a ni vérité ni justice, elle est un théâtre qui s'exhibe, elle n'est efficace qu'à se montrer, il lui faut seulement une scène et des figurants, n'importe lesquels.
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Le monde est si instable et si rapide qu'il faut être instable et rapide pour y survivre. C'est l'instabilité du cerveau qui fait sa puissance, c'est l'imprécision de la pensée humaine qui permet sa merveilleuse adaptation. Les avions de chasse, selon la même idée, sont construits de façon à être instables : il faut les manoeuvrer en permanence, ils répondent à tout, ils doivent réagir dans l'instant à toute surprise, tout danger, toute opportunité. Leur instabilité pourrait paraître un défaut, mais elle est une qualité, coûteuse mais essentielle. Les pilotes en sortent épuisés mais vivants.
Notre corps instable nous dirige au mieux dans le monde mouvant où nous avons été jetés, notre corps imparfait est notre meilleur guide dans une réalité faite de tout ce qui arrive, et donc de surprises, notre imperfection en elle-même est efficace. L'efficience dans un monde mouvant, pour nous les vivants, tient à la justesse de nos mouvements improvisés plus qu'à la performance. (p. 78-79)
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Un sentiment esthétique intense me transporta au moment où je posai ma main sur ta peau, sans rien faire d'autre, sans rien vouloir d'autre, un sentiment profond qui avait cette dimension étrange des sentiments esthétiques, qui exaltent et qui comblent, et qui continuent après avoir comblé de procurer une exaltation inépuisable.
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Nous avons semé la terreur , et nous avons récolté le pire ; tout ce qu'elle connaissait , tout ce qu'elle aimait , s'est effondré dans les flammes et l'égorgement . Tout a disparu . Elle souffre comme les princesses de Troie , dispersées sans descendance dans des palais qui ne sont pas les leurs , toute leur vie d'avant anéantie par le massacre et l'incendie . Et on lui refuse la mémoire . On lui refuse de se plaindre , on lui refuse de comprendre , alors elle hurle comme les pleureuses aux enterrements des assassinés , elle en appelle à la vengeance .
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Dans la maison isolée que mes parents avaient fait construire en pleine campagne, je lisais furieusement, et par les interstices d'une vie réglée, je voyais la littérature me faire signe. C'est toujours ainsi que la littérature vient aux jeunes gens : comme une terre promise.
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C’est notre pauvreté qui est notre richesse.
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Il faudrait 30 mots pour dire la rouille,
mais ils n'existent pas,
il faudrait les créer et surtout les employer,
alors on apprivoiserait l'oxydation du fer
et on lui trouverait de la beauté du confort,
on la trouverait accueillante et vivante cette rouille qui érode ce qui a été droit,
ce qui était bien huilé au moment du travail,
et qui maintenant parce que ça ne bouge plus
parce que ça ne sert plus à rien,
se dissout au contact de l'air
en prenant un aspect de velours,
d'une belle couleur de feuilles mortes.
p 125
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L'amour est un malentendu qui parfois se passe bien.
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Les signes dissimulés dans l'enfance ne se développent pas toujours en destin, mais ils sont les germes d'autres vies qui n'ont pas toutes été vécues, des graines dormantes dont l'immobilité ne signifie pas qu'elles soient mortes.
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Les rêveurs et les ignorants ont parfois des intuitions très profondes sur la nature de la réalité.
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Les livres naissent de ce que l'on ne sait pas dire. Si on savait, on dirait, et il n'y aurait pas de livres; on n'y penserait même pas. Mais voilà, on ne sait pas dire, et c'est une inquiétude, puis très vite un manque, et enfin un désir; et le livre vient, qui est tout entier l'effort pour dire, bien que l'on ne puisse pas. (p. 9)
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