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Citations de Aloysius Bertrand (100)


Aloysius Bertrand
Ô printemps, petit oiseau de passage , notre hôte d'une saison qui chante mélancoliquement dans le coeur du poète et dans la ramée du chêne !

Encore un printemps- encore un rayon de soleil de mai au front du jeune poète , parmi le monde, au front du vieux chêne, parmi les bois !
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— Et l’art ? lui demandai-je.

— J’étais un jour occupé, devant l’église Notre-Dame, à considérer Jacquemart, sa femme et son enfant, qui martelaient midi. — L’exactitude, la pesanteur, le flegme de Jacquemart seraient le certificat de son origine flamande, quand même on ignorerait qu’il dispensait les heures aux bons bourgeois de Courtray, lors du sac de cette ville en 1383. Gargantua escamota les cloches de Paris, Philippe-le-Hardi l’horloge de Courtrai ; chaque prince à sa taille. — Un éclat de rire se fit entendre là-haut et j’aperçus, dans un angle du gothique édifice, une de ces figures monstrueuses que les sculpteurs du moyen-âge ont attachées par les épaules aux gouttières des cathédrales ; une atroce figure de damné qui, en proie aux souffrances, tirait la langue, grinçait des dents et se tordait les mains. — C’était elle qui avait ri.

— Vous aviez un fétu dans l’œil ! m’écriai-je.

— Ni fétu dans l’œil, ni coton dans l’oreille. — La figure de pierre avait ri, — ri d’un rire grimaçant, effroyable, infernal — mais sarcastique — incisif, pittoresque. »

J’eus honte à part moi d’avoir eu si longtemps affaire à un monomane. Cependant j’encourageai d’un sourire le rose-croix de l’art à poursuivre sa drôlatique histoire.

— « Cette aventure, continua-t-il, me donna à réfléchir. — Je réfléchis que, puisque Dieu et l’amour étaient les premières conditions de l’art, ce qui dans l’art est sentiment, — Satan pourrait bien être la seconde de ces conditions, ce qui dans l’art est idée. — N’est-ce pas le diable qui a bâti la cathédrale de Cologne ?
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L'ange et la fée

Une fée parfume la nuit mon sommeil fantastique des plus fraîches, des plus tendres haleines de juillet, — cette même bonne fée qui replante en son chemin le bâton du vieil aveugle égaré, et qui essuie les larmes, guérit la douleur de la petite glaneuse dont une épine a blessé le pied nu.

La voici, me berçant comme un héritier de l’épée ou de la harpe, et écartant de ma couche avec une plume de paon les esprits qui me dérobaient mon âme pour la noyer dans un rayon de la lune ou dans une goutte de rosée.

La voici, me racontant quelqu’une de ses histoires des vallées et des montagnes, soit les amours mélancoliques des fleurs du cimetière, soit les joyeux pèlerinages des oiseaux à Notre-Dame-des-Cornouillers.

*

Mais tandis qu’elle me veillait endormi, un ange, qui descendait les ailes frémissantes du temps étoilé, posa un pied sur la rampe du gothique balcon, et heurta de sa palme d’argent aux vitraux peints de la haute fenêtre.

Un séraphin, une fée, qui s’étaient enamourés naguère l’un de l’autre au chevet d’une jeune mourante, qu’elle avait douée à sa naissance de toutes les grâces des vierges et qu’il porta expirée dans les délices du Paradis !

La main qui berçait mes rêves s’était retirée avec mes rêves eux-mêmes. J’ouvris les yeux. Ma chambre aussi profonde que déserte s’éclairait silencieusement des nébulosités de la lune ; et le matin, il ne me reste plus des affections de la bonne fée que cette quenouille ; encore ne suis-je pas sûr qu’elle ne soit pas de mon aïeule.
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Mon bisaïeul

Les vénérables personnages de la tapisserie gothique, remuée par le vent, se saluèrent l’un l’autre, et mon bisaïeul entra dans la chambre, — mon bisaïeul mort il y aura bientôt quatre-vingts ans !

Là, — c’est là, devant ce prie-Dieu qu’il s’agenouilla, mon bisaïeul le conseiller, baisant de sa barbe ce jaune missel étalé à l’endroit de ce ruban.

Il marmotta des oraisons tant que dura la nuit, sans décroiser un moment ses bras de son camail de soie violette, sans obliquer un regard vers moi, sa postérité, qui étais couché dans son lit, son poudreux lit à baldaquin !

Et je remarquai avec effroi que ses yeux étaient vides, bien qu’il parût lire, — que ses lèvres étaient immobiles, bien que je l’entendisse prier, — que ses doigts étaient décharnés, bien qu’ils scintillassent de pierreries !

Et je me demandais si je veillais ou si je dormais, — si c’étaient les pâleurs de la lune ou de Lucifer, — si c’était minuit ou le point du jour !

(Troisième livre - La Nuit et ses prestiges)
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Départ pour le Sabbat
Ils étaient là une douzaine qui mangeaient la soupe à la bière, et chacun d’eux avait pour cuiller l’os de l’avant-bras d’un mort.
La cheminée était rouge de braise, les chandelles champignonnaient dans la fumée, et les assiettes exhalaient une odeur de fosse au printemps.
Et lorsque Maribas riait ou pleurait, on entendait comme geindre un archet sur les trois cordes d’un violon démantibulé.
Cependant le soudard étala diaboliquement sur la table, à la lueur du suif, un grimoire où vint s’ébattre une mouche grillée.
Cette mouche bourdonnait encore lorsque, de son ventre énorme et velu, une araignée escalada les bords du magique volume.
Mais déjà sorciers et sorcières s’étaient envolés par la cheminée à califourchon, qui sur un balai, qui sur les pincettes, et Maribas sur la queue de la poêle.
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Le diable existe... On le voit partout comme je vous vois. C'est pour lui épiler mieux la barbe que les miroirs de poche ont été inventés.
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Ah ! l'homme, dis-le-moi, si tu le sais, l'homme, frêle
jouet, gambadant suspendu aux fils des passions ; ne
serait-il qu'un pantin qu'use la vie et que brise la mort ?
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Je marque mon jeton à ce jeu de la vie où nous perdons
coup sur coup et où le diable, pour en finir, râfle
joueurs, dés et tapis vert.
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A M. Victor Hugo

Le livre mignard de tes vers, dans cent ans comme
aujourd'hui, sera le bien choyé des châtelaines, des
damoiseaux et des ménestrels, florilège de chevalerie,
Décaméron d'amour qui charmera les nobles oisivetés
des manoirs.

Mais le petit livre que je te dédie, aura subi le sort
de tout ce qui meurt, après avoir, une matinée peut-
être, amusé la cour et la ville qui s'amusent de peu de
chose.

Alors, qu'un bibliophile s'avise d'exhumer cette œuvre
moisie et vermoulue, il y lira à la première page ton nom
illustre qui n'aura point sauvé le mien de l'oubli.

Sa curiosité délivrera le frêle essaim de mes esprits
qu'auront emprisonnés si longtemps des fermaux de
vermeil dans une geôle de parchemin.

Et ce sera pour lui une trouvaille non moins précieuse
que l'est pour nous celle de quelque légende en lettres
gothiques, écussonnée d'une licorne ou de deux cigognes.
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Fabliau



Aucun voyageur ne chemine,
Vêtu de bure ou bien d'hermine,
          Par le sentier,
Qui n'aille, chantant son cantique,
S'agenouiller au seuil gothique
          Du vert moûtier.

Le lierre, de son frais ombrage,
Du cœur embrasse le vitrage,
          Tout alentour,
Et l'on voit l'un et l'autre mage,
Et la Vierge, brillante image,
          En grand atour.

C'était quand la blanche rosée
Scintille sur l'herbe arrosée
          Comme des pleurs ;
Quand l'hirondeau sur notre rive
Aux premiers jours d'avril arrive,
          Avec les fleurs.

Or, un beau soir qu'au presbytère
Le pasteur dormait solitaire
          Près des tisons,
Il ouït une voix lointaine,
Murmurant comme la fontaine,
          Sous les gazons.

La voix disait…
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Une fée parfume la nuit mon sommeil fantastique des plus fraîches, des plus tendres haleines de juillet, — cette même bonne fée qui replante en son chemin le bâton du vieil aveugle égaré, et qui essuie les larmes, guérit la douleur de la petite glaneuse dont une épine a blessé le pied nu.

La voici, me berçant comme un héritier de l’épée ou de la harpe, et écartant de ma couche avec une plume de paon les esprits qui me dérobaient mon âme pour la noyer dans un rayon de la lune ou dans une goutte de rosée.
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C’est pour te suivre, ô bel Alcade, que je me suis exilée de la terre des parfums, où gémissent de mon absence mes compagnes dans la prairie, mes colombes dans le feuillage des palmiers.
Ma mère, ô bel Alcade, tendit de sa couche de douleurs la main vers moi ; cette main retomba glacée, et je ne m’arrêtai pas au seuil pour pleurer ma mère qui n’était plus.
Je n’ai point pleuré, ô bel Alcade, lorsque le soir, seule avec toi et notre barque errant loin du bord, les brises embaumées de ma patrie traversaient les flots pour venir me trouver.
J’étais, disais-tu alors dans tes ravissements, ô bel Alcade, j’étais plus charmante que la lune, sultane de sérail aux mille lampes d’argent.
Tu m’aimais, ô bel Alcade, et j’étais fière et heureuse : depuis que tu me repousses je ne suis plus qu’une humble pécheresse qui confesse en pleurant la faute qu’elle a commise.
Quand donc, ô bel Alcade, sera-t-elle écoulée ma source de larmes amères ? Quand l’eau de la fontaine du roi Alphonse ne sera plus vomie par la gueule des lions.
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La guerre (extrait)
Guerre ! que ce cri tombe du haut des trônes ou s'élève du sein des peuples, il retentira prochainement en Europe, de la Vistule au Tage. Entendez-vous ces fourmilières d'esclaves qu'écrasa le pied de Napoléon ? Les despotes, dans le secret de leurs palais, amassent des millions de soldats contre nous, et s'appellent u secours l'un de l'autre contre les envahissements de la civilisation et de la liberté.
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Les lavandières (extrait)
A Monsieur Emile Deschamps

Le soleil est arrivé au sommet de la voûte céleste ; les lavandières, penchées au bord de l'Armançon, ont cru voir tout à coup une auréole dorée se jouer autour de leurs blonds cheveux et couronner leurs têtes dans les eaux.
Et les jeunes filles qui étendent sur les herbes verdoyantes ou suspendent aux sureaux les blanches toiles, ont cru voir dans les prairies des rayons aériens voltiger comme des papillons de fleur en fleur.
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Oh ! La terre, - murmurai-je à la nuit, - est un calice embaumé dont le pistil et les étamines sont la lune et les étoiles !
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La chambre gothique

- Oh ! la terre -murmurai-je à la nuit- est un calice embaumé dont le pistil et les étamines sont la lune et les étoiles !
Et les yeux lourds de sommeil, je fermai la fenêtre qu'incrusta la croix du calvaire, noire dans la jaune auréole des vitraux.
Encore -si ce n'était à minuit- l'heure blasonnée de dragons et de diables ! - que le gnome qui se saoule de l'huile de ma lampe !
Si ce n'était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né !
Si ce n'était que le squelette du lansquenet emprisonné dans la boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou !
Si ce n'était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, et trempe son gantelet dans l'eau bénite du bénitier !
Mais c'est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise !
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Enfance et poésie ! Que l'une est éphémère et que l'autre est trompeuse !
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LA SALAMANDRE

Il jeta dans le foyer quelques frondes de
houx bénit, qui brûlèrent en craquetant.
CH. NODIER. — Trilby.


— « Grillon, mon ami, es-tu mort, que tu
demeures sourd au bruit de mon sifflet, et
aveugle à la lueur de l’incendie ? »

Et le grillon, quelques affectueuses que
fussent les paroles de la salamandre, ne ré-
pondait point, soit qu’il dormît d’un magi-
que sommeil, ou bien soit qu’il eût fantaisie
de bouder.

« Oh ! chante-moi ta chanson de chaque
soir dans ta logette de cendre et de suie,
derrière la plaque de fer écussonnée de trois
fleurs de lys héraldiques ! »

Mais le grillon ne répondait point encore,
et la salamandre éplorée tantôt écoutait si
ce n’était point sa voix, tantôt bourdonnait
avec la flamme aux changeantes couleurs
rose, bleue, rouge, jaune, blanche et vio-
lette.

« Il est mort, il est mort, le grillon mon
ami ! » Et j’entendais comme des soupirs et
des sanglots, tandis que la flamme, livide
maintenant, décroissait dans le foyer attristé.

« Il est mort ! Et puisqu’il est mort, je veux
mourir ! » Les branches de sarment étaient
consumées, la flamme se traîna sur la braise
en jetant son adieu à la crémaillère, et la
salamandre mourut d’inanition.

p.113-114
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— Vous êtes poète ? me répondit-il en souriant. »

Le fil de la conversation s’était noué : maintenant, sur quelle bobine allait-il s’envider ?

— « Poète, si c’est poète que d’avoir cherché l’art !

— Vous avez cherché l’art ! Et l’avez-vous trouvé ?

— Plût au ciel que l’art ne fût pas une chimère !

— Une chimère !… et moi aussi je l’ai cherché ! » s’écria-t-il avec l’enthousiasme du génie et l’emphase du triomphe.

Je le priai de m’apprendre à quel lunetier il devait sa découverte, l’art ayant été pour moi ce qu’est une aiguille dans une meule de foin…

— « J’avais résolu, dit-il, de chercher l’art comme au moyen-âge les rose-croix cherchèrent la pierre philosophale ; l’art, cette pierre philosophale du XIXe siècle !

» Une question exerça d’abord ma scolastique. Je me demandai : Qu’est-ce que l’art ? — L’art est la science du poète. — Définition aussi limpide qu’un diamant de la plus belle eau.

» Mais quels sont les éléments de l’art ? Seconde question à laquelle j’hésitai pendant plusieurs mois de répondre.
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Octobre

Les petits Savoyards sont de retour, et déjà leur cri interroge l’écho sonore du quartier ; comme les hirondelles précèdent le printemps, ils précèdent l’hiver.

Octobre, le courrier de l’hiver, heurte à la porte de nos demeures. Une pluie intermittente inonde la vitre offusquée, et le vent jonche des feuilles mortes du platane le perron solitaire.

Voici venir ces veillées de famille si délicieuses quand tout au dehors est neige, verglas et brouillards, et que les jacinthes fleurissent sur la cheminée à la tiède atmosphère du salon.

Voici venir la Saint-Martin et ses brandons, Noël et ses bougies, le jour de l’an et ses joujoux, les Rois et leur fève, le Carnaval et sa marotte.

Et Pâques enfin, aux hymnes matinales et joyeuses, Pâques dont les jeunes filles reçoivent la blanche hostie et les œufs rouges !

Alors un peu de cendre aura effacé de nos fronts l’ennui de six mois d’hiver, et les petits Savoyards salueront du haut de la colline le hameau natal.

(Sixième livre - Silves)
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