AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Aloysius Bertrand (100)


Aloysius Bertrand
Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux,

Dès l'aube, à mi-coteau, rit une foule étrange :

C'est qu'alors dans la vigne, et non plus dans la grange,

Maîtres et serviteurs, joyeux, s'assemblent tous.


À votre huis, clos encor, je heurte. Dormez-vous ?

Le matin vous éveille, élevant sa voix d'ange :

- Mon compère, chacun, en ce temps-ci, vendange.

Nous avons une vigne : eh bien ! vendangeons-nous ?


Mon livre est cette vigne, où, présent de l'automne,

La grappe d'or attend, pour couler dans la tonne,

Que le pressoir noueux crie enfin avec bruit.

J'invite mes voisins, convoqués sans trompettes,
À s'armer promptement de paniers, de serpettes.
Qu'ils tournent le feuillet : sous le pampre est le fruit.
Commenter  J’apprécie          320
Ondine

- " Écoute ! - Écoute ! - C'est moi, c'est Ondine qui
frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta
fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ;
et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui
contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau
lac endormi.

" Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant,
chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais,
et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le
triangle du feu, de la terre et de l'air.

" Écoute ! - Écoute ! - Mon père bat l'eau coassante
d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de
leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénu-
phars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et
barbu qui pêche à la ligne ! "


Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son
anneau à mon doigt pour être l'époux d'une Ondine, et
de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle,
boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa
un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisse-
lèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Commenter  J’apprécie          302
Il était nuit. Ce furent d'abord, – ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, – une abbaye aux murailles lézardées par la lune, une forêt percée de sentiers tortueux, – et le morimont grouillant de capes et de chapeaux.

Ce furent ensuite, – ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, – le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, – des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d'une ramée, – et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice. Ce furent enfin, – ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, – un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, – une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, – et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue. Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, – et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.
Commenter  J’apprécie          200
L’Écolier de Leyde

Il s’assied dans son fauteuil de velours d’Utrecht, messire Blasius, le menton dans sa fraise de fine dentelle, comme une volaille qu’un cuisinier s’est rôtie sur une faïence.
Il s’assied devant sa banque pour compter la monnaie d’un demi-florin ; moi, pauvre écolier de Leyde, qui ai un bonnet et une culotte percée, debout sur un pied comme une grue sur un pal.
Voilà le trébuchet qui sort de la boîte de laque aux bizarres figures chinoises, comme une araignée qui, repliant ses longs bras, se réfugie dans une tulipe nuancée de mille couleurs.
Ne dirait-on pas, à voir la mine allongée du maître, trembler ses doigts décharnés découplant les pièces d’or, d’un voleur pris sur le fait et contraint, le pistolet sur la gorge, de rendre à Dieu ce qu’il a gagné avec le diable ?
Mon florin que tu examines avec défiance à travers la loupe est moins équivoque et louche que ton petit œil gris, qui fume comme un lampion mal éteint.
Le trébuchet est rentré dans sa boîte de laque aux brillantes figures chinoises, messire Blasius s’est levé à demi de son fauteuil de velours d’Utrecht, et moi, saluant jusqu’à terre, je sors à reculons, pauvre écolier de Leyde qui ai bas et chausses percés.
Commenter  J’apprécie          170
LA RONDE SOUS LA CLOCHE


C’était un bâtiment lourd, presque carré, entouré de ruines, et dont la tour principale, qui possédait encore son horloge, dominait tout le quartier.
Fenimore Cooper.


Douze magiciens dansaient une ronde sous la grosse cloche de Saint-Jean. Ils évoquèrent l’orage l’un après l’autre, et du fond de mon lit je comptai avec épouvante douze voix qui traversèrent processionnellement les ténèbres.

Aussitôt la lune courut se cacher derrière les nuées, et une pluie mêlée d’éclairs et de tourbillons fouetta ma fenêtre, tandis que les girouettes criaient comme des grues en sentinelle sur qui crève l’averse dans les bois.

La chanterelle de mon luth, appendu à la cloison, éclata ; mon chardonneret battit de l’aile dans sa cage ; quelque esprit curieux tourna un feuillet du Roman de la Rose qui dormait sur mon pupitre.

Mais soudain gronda la foudre au haut de Saint-Jean. Les enchanteurs s’évanouirent frappés à mort, et je vis de loin leurs livres de magie brûler comme une torche dans le noir clocher.

Cette effrayante lueur peignait des rouges flammes du purgatoire et de l’enfer les murailles de la gothique église, et prolongeait sur les maisons voisines l’ombre de la statue gigantesque de Saint-Jean.

Les girouettes se rouillèrent ; la lune fondit les nuées gris de perle ; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin secoué par l’orage.
Commenter  J’apprécie          150
J'escaladai ma mansarde, et là, comme j'épelais curieusement le livre énigmatique, devant la fenêtre baignée d'un clair de lune, soudain il me sembla que le doigt de Dieu effleurait le clavier de l'orgue universel. Ainsi les phalènes bourdonnantes se dégagent du sein des fleurs qui pâment leurs lèvres aux baisers de la nuit. J'enjambai la fenêtre et je regardai en bas. O surprise! Rêvais-je? Une terrasse que je n'avais pas soupçonnée aux suaves émanations de ses orangers, une jeune fille, vêtue de blanc, qui jouait de la harpe, un vieillard, vêtu de noir, qui priait à genoux! (...)

La musicienne était son unique enfant, blonde et frêle beauté de dix-sept ans qu'effeuillait un mal de langueur (...)

Ah! monsieur, ne remuons pas une cendre encore inassoupie! Elisabeth n'est plus qu'une Béatrix à la robe azurée. Elle est morte, monsieur, morte! et voici l'eucologe où elle épanchait sa timide prière, la rose où elle a exhalé son âme innocente. - Fleur desséchée en bouton comme elle! - Livre fermé comme le livre de sa destinée! - Reliques bénies qu'elle ne méconnaîtra pas dans l'éternité, aux larmes dont elles seront trempées, quand la trompette de l'archange ayant rompu la pierre de mon tombeau, je m'élancerai par-delà tous les mondes jusqu'à la vierge adorée pour m'asseoir enfin près d'elle sous les regards de Dieu!
Commenter  J’apprécie          130
Aloysius Bertrand
La Tour de Nesle

- » Valet de trèfle ! » – » Dame de pique ! de gagne ! » -
Et le soudard qui perdait envoya d’un coup de poing sur
la table son enjeu au plancher.

Mais alors messire Hugues, le prévôt, cracha dans le bra-
sier de fer avec la grimace d’un cagou qui a avalé une
araignée en mangeant sa soupe.

- » Pouah ! les chaircuitiers, échaudent-ils leurs cochons
à minuit ? Ventre-dieu ! c’est un bateau de feurre qui
brûle en Seine ! »

L’incendie, qui n’était d’abord qu’un innocent follet
égaré dans les brouillards de la rivière, fut bientôt
un diable à quatre tirant le canon et force arquebusades
au fil de l’eau.

Une foule innombrable de turlupins, de béquillards, de
gueux de nuit, accourus sur la grève, dansaient des gigues
devant la spirale de flamme et de fumée.

Et rougeoyaient face à face la tour de Nesle, d’où le
guet sortit, l’escopette sur l’épaule, et la tour du
Louvre d’où, par une fenêtre, le roi et la reine voyaient
tout sans être vus.
Commenter  J’apprécie          130
LES CINQ DOIGTS DE LA MAIN


Une honnête famille où il n’y a jamais eu de banqueroute, où personne n’a jamais été pendu.
La parenté de Jean de Nivelle.


Le pouce est ce gras cabaretier flamand, d’humeur goguenarde et grivoise, qui fume sur sa porte, à l’enseigne de la double bière de mars.

L’index est sa femme, virago sèche comme une merluche, qui dès le matin soufflette sa servante dont elle est jalouse, et caresse la bouteille dont elle est amoureuse.

Le doigt du milieu est leur fils, compagnon dégrossi à la hache, qui serait soldat s’il n’était brasseur, et qui serait cheval s’il n’était homme.

Le doigt de l’anneau est leur fille, leste et agaçante Zerbine qui vend des dentelles aux dames et ne vend pas ses sourires aux cavaliers.

Et le doigt de l’oreille est le Benjamin de la famille, marmot pleureur, qui toujours se trimbala à la ceinture de sa mère comme un petit enfant pendu au croc d’une ogresse.

Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem.
Commenter  J’apprécie          130
Je courus par la ville m’informant de M. Gaspard de la Nuit à chaque passant. Les uns me répondaient : — « Oh ! vous plaisantez ! » — Les autres : — « Eh qu’il vous torde le cou ! » — Et tous aussitôt me plantaient là. J’abordai un vigneron de lai rue sain-felebar, nabot et bossu, qui se carrait sur sa porte en riant de mon embarras.

— « Connaissez-vous M. Gaspard de la Nuit ?

— Que lui voulez-vous, à ce garçon-là ?

— Je veux lui rendre un livre qu’il m’a prêté.

— Un grimoire !

— Comment ! un grimoire !… Enseignez-moi, je vous prie, son domicile.

— Là-bas, où pend ce pied de biche.

— Mais cette maison… vous m’adressez à monsieur le curé.

— C’est que je viens de voir entrer chez lui la grande brune qui blanchit ses aubes et ses rabats.

— Qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela signifie que M. Gaspard de la Nuit s’attife quelquefois en jeune et jolie fille pour tenter les dévots personnages, — témoin son aventure avec saint Antoine, mon patron.

— Faites-moi grâce de vos malignités et dites-moi où est M. Gaspard de la Nuit.

— Il est en enfer, supposé qu’il ne soit pas ailleurs.

— Ah ! je m’avise enfin de comprendre ! Quoi ! Gaspard de la Nuit serait… ?

— Eh ! oui… le diable !

— Merci, mon brave !… Si Gaspard de la Nuit est en enfer, qu’il y rôtisse ! J’imprime son livre. »
Commenter  J’apprécie          123
Ainsi mon âme est une solitude où, sur le bord de l’abîme, une main à la vie et l’autre à la mort, je pousse un sanglot désolé.

Le poète est comme la giroflée qui s’attache frêle et odorante au granit, et demande moins de terre que de soleil.

Mais hélas ! je n’ai plus de soleil, depuis que se sont fermés les yeux si charmants qui réchauffaient mon génie !
Commenter  J’apprécie          120
La poésie est semblable à l'amandier : ses fleurs sont parfumées, et ses fruits sont amers.
Commenter  J’apprécie          100
Devant la fenêtre baignée d'un clair de lune, il me sembla que le doigt de Dieu effleurait le clavier de l'orgue universel. Ainsi les phalènes bourdonnantes se dégagent du sein des fleurs qui pâment leurs lèvres aux baisers de la nuit.
Commenter  J’apprécie          91
A M. David, statuaire

Non, Dieu, éclair qui flamboie dans le triangle
symbolique, n'est point le chiffre tracé sur les lèvres
de la sagesse humaine !

Non, l'amour, sentiment naïf et chaste qui se voile
de pudeur et de fierté au sanctuaire du cœur, n'est
point cette tendresse cavalière qui répand les larmes
de la coquetterie par les yeux du masque de l'inno-
cence !

Non, la gloire, noblesse dont les armoiries ne se
vendirent jamais, n'est pas la savonnette à vilain qui
s'achète, au prix du tarif, dans la boutique d'un
journaliste!

Et j'ai prié, et j'ai aimé, et j'ai chanté, poète pauvre
et souffrant ! Et c'est en vain que mon cœur déborde
de foi, d'amour et de génie !

C'est que je naquis aiglon avorté ! L'oeuf de mes
destinées, que n'ont point couve les chaudes ailes de
la prospérité, est aussi crzux, aussi vide que la noix
dorée de l'Égyptien.

Ah ! l'homme, dis-le-moi, si tu le sais, l'homme,
frêle jouet, gambadant suspendu aux fils des pas-
sions; ne serait-il qu'un pantin qu'use la vie et que
brise la mort ?
Commenter  J’apprécie          90
LE FOU

Un carolus, ou bien encor,
Si l’aimez mieux, un agneau d’or.
Manuscrits de la Bibliothèque du roi.


La lune peignait ses cheveux avec un démê-
loir d'ébène qui argentait d'une pluie de
vers luisants les collines, les prés et les bois.

*

Scarbo, gnome dont les trésors foisonnent,
vannait sur mon toit, au cri de la girouette,
ducats et florins qui sautaient en cadence,
les pièces fausses jonchant la rue.

Comme ricana le fou qui vague, chaque
nuit, par la cité déserte, un œil à la lune et
l'autre — crevé !

— « Foin de la lune ! grommela-t-il, ra-
massant les jetons du diable, j'achèterai le
pilori pour m'y chauffer au soleil ! »

Mais c'était toujours la lune, la lune qui
se couchait, — Et Scarbo monnoyait sour-
dement dans ma cave ducats et florins à coups
de balancier.

Tandis que, les deux cornes en avant, un
limaçon qu'avait égaré la nuit, cherchait sa
route sur mes vitraux lumineux.

p.99-100

Commenter  J’apprécie          80
L’office du soir
Trente moines, épluchant feuillet par feuillet des psautiers aussi crasseux que leurs barbes, louaient Dieu et chantaient pouilles au diable.
« Madame, vos épaules sont une touffe de lys et de roses. » — Et comme le cavalier se penchait, il éborgna son valet du bout de son épée.
« Moqueur, minauda-t-elle, vous jouez-vous à me distraire ? — Est-ce l’Imitation de Jésus que vous lisez, Madame ? — Non, c’est le Brelan d’Amour et de Galanterie. »
Mais l’office était psalmodié. Elle ferma son livre et se leva de la chaise. — « Allons-nous-en, dit-elle ; assez prié pour aujourd’hui ! »
Et moi, pèlerin agenouillé à l’écart sous les orgues, il me semblait ouïr les anges descendre du ciel mélodieusement.
Je recueillais de loin quelques parfums de l’encensoir, et Dieu permettait que je glanasse l’épi du pauvre derrière sa riche moisson.
Commenter  J’apprécie          80
Aloysius Bertrand
Rêveuse et dont la main balance
Un vert et flexible rameau,
D'où vient qu'elle pleure en silence
La jeune fille du hameau?
Commenter  J’apprécie          70
Ah ! l’homme, dis-le-moi, si tu le sais, l’homme, frêle jouet, gambadant suspendu aux fils des passions, ne serait-il qu’un pantin qu’use la vie et que brise la mort ?
Commenter  J’apprécie          70
Le clair de lune

Oh ! qu'il est doux, quand l'heure tremble au clocher,
la nuit, de regarder la lune qui a le nez fait comme
un carolus d'or !

Deux ladres se lamentaient sous ma fenêtre, un chien
hurlait dans le carrefour, et le grillon de mon foyer
vaticinait tout bas.

Mais bientôt mon oreille n'interrogea plus qu'un silence
profond. Les lépreux étaient rentrés dans leurs chenils,
aux coups de Jacquemart qui battait sa femme.

Le chien avait enfilé une venelle, devant les pertuisanes
du guet enrouillé par la pluie et morfondu par la bise.

Et le grillon s'était endormi, dès que la dernière bluette
avait éteint sa dernière lueur dans la cendre de la cheminée.

Et moi, il me semblait, - tant la fièvre est incohérente ! -
que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme
un pendu !
Commenter  J’apprécie          60
Les gueux de nuit

J'endure
froidure
bien dure.
(La chanson du Pauvre Diable)

- "Ohé ! rangez-vous, qu'on se chauffe ! " - " Il ne te manque plus que d'enfourcher le foyer ! Ce drôle a les jambes comme des pincette. "

- " Une heure !" - "Il bise dru !" - Savez-vous, mes chats-huants, ce qui fait la lune si claire ? "
-" Non !" - "Les cornes de cocu qu'on y brûle."

- " La rouge braise à griller de la charbonnée !" - " Comme la flamme danse bleue sur les tisons ! Ohé ! quel est le ribaud qui a battu sa ribaude ? "

- " J'ai le nez gelé !" - " J'ai les grêves rôties !" - " Ne vois-tu rien dans le feu, Choupille ? " - " Oui ! une hallebarde." - " Et toi, Jeanpoil ? " - " Un oeil. "

- " Place, Place à monsieur de la Chousserire ! " - " Vous êtes là, monsieur le procureur, chaudement fourré et ganté pour l'hiver ! " - " Oui-dà ! les matous n'ont pas d'engelures ! "

- " Ah ! voici messieurs du guet ! " - " Vos bottes fument " - " Et les tirelaines ? " - " Nous en avons tué deux d'une arquebusade, les autres se sont échappés à travers la rivière. "
Commenter  J’apprécie          50
UN REVE


J’ai rêvé tant et plus mais je n’y entends note
Pantagruel, Livre III



Il était nuit. Ce furent d’abord, - ainsi j’ai vu, ainsi je raconte, - une abbaye aux murailles lézardées par la lune, - une forêt percée de sentiers tortueux, - et le Morimont1 grouillant de capes et de chapeaux

Ce furent ensuite, - ainsi j’ai entendu, ainsi je raconte, - le glas funèbre d’une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d’une cellule, - des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d’une ramée, - et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice.

Ce furent enfin, - ainsi s’acheva le rêve, ainsi je raconte, - un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, - une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d’un chêne. – Et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.

Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente, et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d’innocence, entre quatre cierges de cire.

Mais moi, la barre du bourreau s’était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s’étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s’était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, - et je poursuivais d’autres songes vers le réveil.


1 : c’est à Dijon, de temps immémorial, la place aux exécutions.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Aloysius Bertrand (741)Voir plus

Quiz Voir plus

Oh, Antigone !

Comment se prénomme la sœur d'Antigone ?

Sophie
Hermine
Ismène

10 questions
3166 lecteurs ont répondu
Thème : Antigone de Jean AnouilhCréer un quiz sur cet auteur

{* *}