Fabliau
Aucun voyageur ne chemine,
Vêtu de bure ou bien d'hermine,
Par le sentier,
Qui n'aille, chantant son cantique,
S'agenouiller au seuil gothique
Du vert moûtier.
Le lierre, de son frais ombrage,
Du cœur embrasse le vitrage,
Tout alentour,
Et l'on voit l'un et l'autre mage,
Et la Vierge, brillante image,
En grand atour.
C'était quand la blanche rosée
Scintille sur l'herbe arrosée
Comme des pleurs ;
Quand l'hirondeau sur notre rive
Aux premiers jours d'avril arrive,
Avec les fleurs.
Or, un beau soir qu'au presbytère
Le pasteur dormait solitaire
Près des tisons,
Il ouït une voix lointaine,
Murmurant comme la fontaine,
Sous les gazons.
La voix disait…
Regrets (extraits)
I
Lorsque, rêvant d'amour, dans l'oubli de la vie,
Nos bras s'entrelaçaient, ma main pressait ta main,
Oh ! qui m'eût dit alors qu'à mes baisers ravie,
Tu me fuirais le lendemain !
II
Ils ne reviendront plus, et faut-il te l'écrire !
Ces jours si tôt passé et passés à jamais,
Ces jours purs et sereins, tes baisers, ton sourire,
Et jusqu'à tes pleurs que j'aimais !
Les lavandières (extrait)
A Monsieur Emile Deschamps
Le soleil est arrivé au sommet de la voûte céleste ; les lavandières, penchées au bord de l'Armançon, ont cru voir tout à coup une auréole dorée se jouer autour de leurs blonds cheveux et couronner leurs têtes dans les eaux.
Et les jeunes filles qui étendent sur les herbes verdoyantes ou suspendent aux sureaux les blanches toiles, ont cru voir dans les prairies des rayons aériens voltiger comme des papillons de fleur en fleur.
La guerre (extrait)
Guerre ! que ce cri tombe du haut des trônes ou s'élève du sein des peuples, il retentira prochainement en Europe, de la Vistule au Tage. Entendez-vous ces fourmilières d'esclaves qu'écrasa le pied de Napoléon ? Les despotes, dans le secret de leurs palais, amassent des millions de soldats contre nous, et s'appellent u secours l'un de l'autre contre les envahissements de la civilisation et de la liberté.
DIJON // Ballade
extrait 2
Le reître qui pille
Nippes au bahut,
Nonnes sous la grille,
Te cassa ton luth.
Mais à la cheville
Ta main pend encor
Serpette et faucille,
Rustique trésor.
O Dijon, la fille
Des glorieux ducs,
Qui portes béquille
Dans tes ans caducs.
Ça, vite une aiguille,
Et de ta maison
Qu'un vert pampre habille,
Recouds le blason !
Aloysius BERTRAND – Gaspard de la nuit : relecture d'un chef-d'œuvre (France Culture, 1981)
L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 26 juin 1981 sur France Culture. Présences : Jean Gaulmier, Jean-Luc Steinmetz et Max Milner. Lecture : François Maistre, Pierre Mickaël, Bérangère Dautun.