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Citations de André Markowicz (80)


NOUS


Pauvres de nous ! Notre esprit ? — Une torche éclairant
dans la brume
Notre canot ballotté sur l’océan des douleurs ;
Notre bonheur ? — L’ignorance, le rêve, l’informe démence :
Une bougie pour l’enfant, pour le jeune homme l’amour.


//Anton Delvig
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J’ai longtemps regardé les arbres verts


J’ai longtemps regardé les arbres verts.
Le repos emplissait mon âme.
C’est toujours comme avant, pas de grandes pensées globales.
Toujours les mêmes fragments, bribes, par petits bouts.
Soit un désir terrestre qui s’allume.
Soit la main se tend vers un livre intéressant.
Soit brusquement, je prends une feuille de papier,
Mais là, le doux sommeil me cogne dans la tête.
Je m’installe à la fenêtre dans un fauteuil profond.
Je regarde la pendule, je m’allume une pipe,
Mais, tout de suite, je bondis et me dirige vers la table,
Je m’assieds sur une chaise dure et roule une cigarre ;
Je vois une petite araignée qui court sur le mur,
Je la suis, elle m’aimante.
Elle m’empêche de prendre la plume.
La tuer, l’araignée !
La flemme de me lever.
Maintenant je regarde à l’intérieur de moi,
Mais c’est vide dans moi, c’est monotone et morne,
Nulle part ne bat la vie intensive,
Tout est fade et somnolent, comme de la paille humide.
Bon, je suis passé à l’intérieur de moi
Et me revoilà devant vous.
Vous attendez que je vous parle de mon voyage,
Mais je me tais parce que je n’ai rien vu.
Laissez-moi me reposer, regarder – les arbres verts.
Alors peut-être, le repos emplira mon âme.
Alors, peut-être, mon âme s’éveillera,
Et je me réveillerai aussi, et dans moi,
La vie intensive pourra se mettre à battre.
                              (2 août 1937)

Daniil Charms, traduction d’André Markowicz (chronique du 27 Août 2014)
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Si, traduisant les poèmes du Soleil d’Alexandre, j’avais l’impression de partager un monde avec mes lecteurs, un monde dont j’avais connaissance depuis mon adolescence, avec Ombres de Chine, qui est son versant opposé et complémentaire, j’avais le sentiment d’apprendre en découvrant, grâce à, et non à cause de, mon ignorance.
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Poème d'Alexandre Pouchkine de 1823 que vous pouvez écouter, dit par André Markowicz en français et en russe, sur france-culture émission "Du jour au lendemain" du 21 octobre 2011
Tel l'enfant animé d'un espoir enchanteur,
Si je croyais que l'âme, après mille douleurs,
Emportait, échappant à la chair qui empeste,
La mémoire et l'amour vers l'abîme céleste,
J'aurais depuis longtemps quitté ce monde-ci,
J'aurais brisé la vie, idole sans merci,
Volant vers un pays de liberté, de fête,
Vers un pays sans mort, sans forme toute faite,
Où la pure pensée luit dans l'azur bleuté...
Mais je m'abuse en vain de ce rêve exalté,
Ma raison me poursuit, méprise toute ivresse :
A la mort, le néant est la seule promesse.
Quoi, rien ? ni la pensée, ni le premier amour ?
J'ai peur ! Et je retourne, avide, vers le jour,
Et je veux vivre, et vivre, et qu'une image chère
Se cache, vibre et brûle en mon âme éphémère.

Note de bas de page 170 : Inédit du vivant de Pouchkine. Ce poème, l'un des plus forts sans doute jamais écrit en russe, peut être lu comme une reprise du sonnet 66 de Shakespeare : "Tired with all these, for restfull death I cry... " Il semble que ce soit après des textes comme celui-ci ou le précédent que Pouchkine ait commencé Eugène Onéguine
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Gilgamesh pleure son ami Eabani,
Amèrement, il pleure et il fuit dans le désert :
"Je vais mourir !
Ne suis-je pas semblable à mon Eabani?
Le chagrin est un poids sur ma poitrine,
J'ai peur de la mort, et je cours, je fuis dans le désert !
Vers la puissance d'Ut-Napishtim,
fils d'Ubara-Tutu,
Je dirige ma route, j'avance en hâte.
Je suis venue la nuit vers des rochers
dans les montagnes,
J'ai vu des lions, et voilà que j'ai peur.
Je relève la tête, j'invoque le grand dieu Lune."
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André Markowicz
extrait de « Comme il vous plaira », qu’on peut encore (...?) trouver chez les Solitaires

LE VIEUX DUC
Tu vois, d’autres que nous sont malheureux,
Dans ce vaste théâtre universel,
Il est d’autres spectacles déplorables
Que cette scène où nous jouons.
JACQUES.
-----------------------------------Le monde,
Est un théâtre, tout entier, et, tous
Ne sont que des acteurs, hommes et femmes :
Tous, ils ont leurs sorties et leurs entrées,
Chaque homme dans sa vie joue bien des rôles,
Et il y a sept âges dans ses actes.
D’abord, le nourrisson miaule et vomit
Sur sa nourrice. Ensuite l’écolier,
Qui ronchonne, son sac en bandoulière,
Le front brillant d’aurore, qui se traîne
En limaçon vers son école. Ensuite,
L’amant qui, soupirant comme une forge,
Ecrit une ballade douloureuse
Sur le sourcil de sa maîtresse. Ensuite,
C’est le soldat, plein de jurons étranges,
Barbu comme un guépard, et chatouilleux
Sur son honneur, vif et prompt en querelle,
Cherchant sa bulle de savon, la gloire,
Face aux canons fumants. Puis vient le juge,
Beau ventre rond, doublé de bon chapon,
L’œil dur, la barbe à coupe bien formelle
Plein de sages sentences quotidiennes ;
Il joue son rôle ainsi. Le sixième âge
C’est Pantalon, maigre, avec ses pantoufles,
Lunettes sur le nez, la bourse au flanc,
Ses chausses de jeune homme, toujours bonnes,
Trop larges d’une vie pour ses pinceaux,
Et sa grosse voix d’homme revenue
Au grêlé de l’enfance, un son de flûte
Et de pipeau. Enfin, la scène ultime
De cette histoire étrange et agitée,
C’est l’enfance à nouveau, le pur oubli,
Sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien du tout.
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              La mort du poète (*)



Extrait 4

Mais vous, les héritiers, vous, arrogante foule
    Que l’infamie des pères couvre d’or,
    Vous dont les pieds d’esclaves foulent
Les débris des lignées accablées par le sort ;
Pressés autour du trône, assassinant, féroces,
    La Liberté, la Gloire, le Génie ‒
    Vous dont les lois protègent les négoces,
Le juge devant vous frissonne et se renie ;
Pourtant, un autre juge existe, il est terrible ‒
    C’est le Dieu de Justice, il vous attend :
A l’or et aux honneurs Il demeure insensible,
Il lit au fond des cœurs, Il a le temps.
Devant Lui, plus de fard, Il vous voit, Il vous sonde,
    Mentez encor, vous subirez Sa loi :
Vous ne laverez pas de votre sang immonde
    Le sang du poète au cœur droit.
                    Janvier-février 1837


(*) Il s’agit de Pouchkine.

//Mikhaïl Iourievitch Lermontov (1814 – 1841)
/ Traduit du russe par André Markowicz,
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Frère, au revoir ! moi aussi, je suis prêt de goûter à mon terme : c'est pour la mort que je vis, c'est pour la vie que je meurs.
Nikolaï Gnéditch
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J’ai toujours été gêné d’écrire. Pas de parler, – d’écrire. Quand je rencontre des auditeurs, ou des lecteurs, je pense qu’un contact naturel s’établit, et, dans l’improvisation de la rencontre, avec les aléas des circonstances, je me sens libre. Face à une page blanche, et devant un lecteur que je ne peux qu’imaginer, je me sens toujours comme empêché. Sans doute cela vient-il du fait que, ce que je pense, je ne le pense qu’en mouvement, – dans la confrontation, dans l’échange. Mais c’est un handicap certain, de ne pas pouvoir écrire, pour quelqu’un à qui l’on demande sans cesse d’expliquer le pourquoi du comment de ce qu’il écrit… d’être obligé de faire entrer son expression dans un cadre dont, d’une façon ou d’une autre, on sent qu’il n’est pas fait pour soi, qu’il est trop strict, trop solennel, oui – trop écrit.
J’ai découvert Facebook en juin 2013 (très tard !…) et je me suis tout de suite senti soulagé. Si je considérais l’espace d’une page blanche de Facebook non comme une page de papier, mais comme un espace de temps, comme le lieu d’un entretien avec des gens dont je pouvais avoir des échos quasiment en direct, je ne me sentais plus seul devant le vide. C’était une autre forme d’entretien oral, une conversation – évidemment écrite, mais aléatoire, sans code, sans règle établie. Dans ce lieu improbable, pour ne pas dire bâtard, j’étais capable, me disais-je, de m’exprimer. J’ai très vite décidé d’utiliser ce « réseau social » non pas pour raconter ma vie ou donner des impressions fugaces de la façon dont je passais mes jours, mais comme un instrument, en réseau – une espèce de journal, qui serait public et ne serait nullement intime. Un journal qui me permettrait, au jour le jour, de parler de ce qui me paraissait important, de telle ou telle actualité, de parler de mon travail, de mes souvenirs, de revenir sur certains de mes textes, après dix, vingt, parfois trente ans d’oubli, de parler aussi du travail que je poursuis avec Françoise Morvan et de son travail à elle, dans toute sa diversité. Je n’avais pas de plan préconçu. Il s’agissait de voir si, au bout d’un an, il serait possible de réunir ces chroniques dans un livre – un livre aux contours flous, mais qui ne serait pas qu’une suite de pages désunies.
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Le souvenir



Lorsque pour le mortel le jour bruyant se tait
Et la cité lassée se plonge
Dans la semi-clarté nocturne et dans la paix
Et trouve le bonheur du songe, –
A ces moments, pour moi, les heures d'insomnie
Se traînent dans un long silence :
Le serpent du remords triomphe et s'ingénie
A torturer ma conscience ;
Les rêvent bouent ; l'esprit succombe sous leur poids,
Ils se bousculent, ils l'accablent ;
Le souvenir muet déroule devant moi
Son parchemin interminable ;
Et, relisant ma vie, je tremble de dégoût,
Je me maudis et je m'indigne,
J'implore amèrement, je crois me rendre fou,
Mais je relis la moindre ligne.

//Alexandre Pouchkine
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Les dieux en soient loués ; j'ai traversé la nuit ;
J'accepte mon destin, je suis quitte avec lui.
J'ai connu la douleur et j'ai vaincu ma crainte, -
Je porterai ma vie sans murmurer de plaintes.
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Tout mais ne pas devenir fou…


Extrait 2

J’écouterais hurler la mer,
Je fixerais les cieux déserts
Et je m’enivrerais ;
Je serais libre, fier et fort
Comme le vent qui frappe à mort
Récoltes et forêts.

Mais non ! dès que tu deviens fou,
Ils viennent te jeter au trou -
Tu fais trop peur, et, tiens !
Vis à la chaîne, pauvre idiot,
Et eux, derrière tes barreaux,
Te narguent comme un chien.

Et, la nuit, j’entendrai au vol
Non pas le chant du rossignol
Non pas le vent hurlant,
Mais les cris de mes compagnons,
Les clés, les chaînes, les jurons
Des gardes somnolents.
1833


//Alexandre Pouchkine
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L’AVEU
à Alexandra Ivanovna Ossipova


Extrait 1

Je vous aime, et pourtant je peste,
Pourtant, je sais que je suis fou -
Mais quoi ? ma tocade funeste,
C’est à vos pieds que je l’avoue.
Je n’ai ni l’âge ni la tête...
J’ai d’autres soucis plus pressants,
Mais il faut bien que je l’admette,
Le mal d’amour est dans mon sang.
Vous êtes loin, - je geins, je bâille ;
Vous êtes près, - je me morfonds ;
Mais je le dis, vaille que vaille :
Ah, je vous aime, nom de nom !
Dès que résonnent dans la salle
Votre froufrou, vos pas légers,
Votre voix pure, virginale,
Muet, je n’ose plus bouger.
Vous souriez ? - béatitude !
Vous m’oubliez ? - je vois ma mort ;
Pour un long jour de solitude,
Vos doigts fins sont mon réconfort.
Quand je vous vois à votre ouvrage,
Tout absorbée, gentille, sage,
Les yeux pudiquement baissés,
C’est le bonheur qui me ravage
Et je n’en ai jamais assez !…
1826


//Alexandre Pouchkine
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Non, pareille à la souple vigne
Qui s'enlace sur l'olivier,
Ton étreinte l'enlacera
Peu à peu ; mais le temps s'enfuit ;
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20 JUILLET 2014
Sur un silence obligé
Vincent Nordon fait un post pour dire qu’il ne dira rien de ce qui se passe actuellement à Gaza. Je le comprends parfaitement. Et c’est justement parce qu’on ne peut rien dire, ou plutôt, parce que les choses sont organisées de telle sorte qu’on ne puisse rien dire.
Il y a, de fait, collusion entre la droite israélienne au pouvoir et le Hamas. Les deux ont besoin l’un de l’autre : plus l’armée israélienne détruit et tue (des innocents ou pas des innocents – mais, essentiellement, hélas, des innocents), plus le Hamas est fort. Une seule roquette d’un criminel fanatique du Hamas est rendue plus forte que toutes les opérations militaires israéliennes, à cause, justement, de la disproportion. Et ça va continuer, parce que personne n’a l’intention de dire au gouvernement israélien que ça suffit. L’existence du Hamas dépend de la guerre. Et, ça, pour une raison claire. La seule réponse aux fascistes musulmans est l’ouverture totale des frontières, la destruction de tous les murs, et le début d’une coopération économique. Cela, personne, n’en veut. Parce que ce pourrait être le début de la paix. Avec la paix viendrait la question de la démocratie : c’est-à-dire de savoir si une vie arabe vaut une vie juive, et ce qu’il en serait d’un État juif dans lequel les Arabes pourraient, un jour, avoir une majorité démographique. Parce que le problème est celui-là : si la démocratie est la démocratie de l’État juif, elle ne vaut, objectivement parlant, que pour les Juifs – et donc, qu’on le veuille ou non, qu’on proteste ou non, elle s’apparente à celle de l’apartheid : la démocratie pour les blancs, et pas pour les autres.
Israël ne tient que par la confusion créée par le gouvernement israélien entre Israël et les Juifs. Comme si les Juifs devaient obligatoirement, en tant que Juifs, être solidaires de la politique de l’État créé par des Juifs pour les Juifs. C’est aussi la confusion qu’entretiennent les organisations sionistes ou confessionnelles : critiquer Israël, ou tel ou tel aspect de la politique d’Israël, c’est mettre en cause l’existence même de l’Etat d’Israël, et donc être antisémite. Ce saut, ici, en Bretagne, nous le voyons tous les jours, à l’échelle infime du nationalisme breton : si je critique les nationalistes bretons, je suis anti-breton. Cette accusation est la base même de toute rhétorique nationaliste. Pour Israël, la monstruosité est que, derrière les accusations d’antisémitisme, il y a, réellement, la longue histoire des persécutions anti-juives, et le génocide hitlérien. Le fait d’utiliser la tragédie de l’hitlérisme pour se laver de toute critique dans l’ici-et-maintenant est, au sens strict du terme, désarmant. C’est exactement le but : on ne devrait pas pouvoir critiquer un État qui entretient Yad Vashem, et qui a accueilli à sa naissance un tel nombre de survivants de l’Holocauste. Si on le critique, on paraît, tout de suite, criminel. Et Israël peut donc continuer d’appliquer des punitions collectives pour des faits individuels, c’est-à-dire de faire ce que faisaient les bolcheviks, et, hélas… pas que les bolcheviks.

Mais la monstruosité n’est pas que celle d’Israël, loin, très loin de là. La résurgence de l’antisémitisme à travers le monde, et en France – avec, en parallèle, la montée de l’islamisme intégriste -, voilà ce à quoi nous sommes confrontés maintenant. Entre les fous furieux, assassins en puissance, en keffieh ou non, qui crient « Mort aux Juifs » dans les rues de Paris pendant des manifestations qui prétendent être solidaires de la Palestine, et les crétins israéliens qui regardent tomber les bombes sur Gaza comme on regarde un feu d’artifice, ou cette députée d’extrême-droite qui dit à la Knesset qu’il faut tuer toutes les mères de Gaza, parce qu’elles engendrent des terroristes (et qui le dit sans qu’il y ait de suite judiciaire à ce qu’elle dit) – que dire ? que faire ?
Une fois encore, même si ça ne sert à rien, proclamer le principe fondamental de la laïcité, de la non-appartenance identitaire comme seule base possible de la vie en commun. Rester, sans trop d’espoir, sur les rives de Babylone, en se rappelant la blague juive la plus courte qui existe : « C’est un Juif qui rencontre un autre Arabe… » Et se taire, les poings serrés de rage.
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André Markowicz
 Le roman n’existe que pour cela, ­finalement, que pour semer le trouble, ­égarer, emporter, faire ­tournoyer, tournoyer, tournoyer,­attraper des éclairs, et, à la fin, après plus de mille pages de cyclone, par ­une ­espèce de bouffonnerie indifférente, pas même grinçante, non, grotesque, ­abandonner le lecteur, essoufflé, avec rien. ­Possédé
(Préface des Démons de Dostoïevski)
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La traduction d’Eugène Onéguine, c’est, oui, de loin, de loin, de loin, la chose la plus importante que j’aie faite de ma vie – et je ne dis pas que l’intégrale de Dostoïevski, ce n’est rien du tout… Et je ne peux pas expliquer pourquoi, parce que, soit on comprend, soit on ne comprend pas. Je le dis souvent : une fois qu’on est entré dans Onéguine, qu’on a, non pas « compris » (il n’y a rien à comprendre, pas de sens caché, rien – tout est à la surface), mais « senti », alors, vraiment, votre vie change, et vous vivez dans ce sourire, ce sourire d’une tristesse infinie, mais dont émane une lumière étonnante : quelque chose d’intime (je veux dire que ça parle à chacun de nous différemment, selon sa vie, son enfance, ses propres souvenirs) et de totalement universel. Et, je le redis, léger. Et je repense, une fois encore, à cette phrase d’Alexandre Blok, en 1921, avant de se laisser mourir : « Notre mémoire conserve depuis l’enfance un nom joyeux : Pouchkine. Ce nom, ce son emplit de nombreux jours de notre vie. Les sombres noms des empereurs, des chefs de guerre, des inventeurs d’armes de destruction, des bourreaux et des martyrs de la vie. Et, à côté d’eux, ce nom léger : Pouchkine. »
Cette légèreté-là, c’est ce qui fait que j’aime si fort la langue russe, et la Russie (et que je suis tellement blessé par son histoire).
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D’où vient le sentiment de malaise que fait naître Gogol ? De la certitude où il était peut-être lui-même d’avoir écrit le Diable, et pas un diable métaphorique mais le vrai Néant, le Rien qui devient tout – le Rien qui se déploie, et qui rigole, et qui vous laisse, seul, démoli, réduit à lui. Du Révizor au Mariage, en passant par Les Joueurs, du Nez au Manteau jusqu’au Portrait – la même force vide qui vous vampirise. Cette force, elle éclate dans Les Âmes mortes. Et pas seulement parce qu’il s’agit de morts qu’on peut vendre parce qu’ils ne coûtent pas cher, vu qu’ils sont morts, mais qu’on peut vendre parce qu’ils sont encore vivants aux yeux de l’administration. Non, ce n’est pas le sujet qui est en cause. Il y a dedans, par-delà les passages comiques, les scènes d’anthologie, derrière une invention verbale proprement géniale, quelque chose qui vous ronge – un sentiment, oui, comme de possession par quoi ? par un regard terrifiant, sans compassion aucune, sans pitié sur les hommes et particulièrement sur ceux qui se démènent, tremblent et se haïssent sur cette étendue plate, immense, et insauvable qu’on appelle la Russie… L’image de la troïka qui fend l’espace et de l’ivresse du voyage rappellent dans l’Odyssée de Tchitchikov « Les Démons » de Pouchkine – qui donnent leur titre aux Démons de Dostoïevski : Un tournoiement entre les monstres vides.
Alexandre Blok, mourant en 1921, l’avait écrit : « Elle nous a bouffés, notre brave mère patrie russe, comme une truie ses porcelets… » – Gogol, sidéré lui-même par l’ampleur du désastre qu’il reflétait, s’est, sans métaphore aucune, au sens le plus concret du terme, retourné dans sa tombe.
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Si Pouchkine n’avait écrit, de toute sa vie, que ce qu’il a écrit au cours de ces trois mois d’isolement fiévreux, il serait déjà l’écrivain le plus important de son siècle en Russie
dit André Markowicz !
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              La mort du poète (*)



Extrait 3

Et le découronnant, ils mirent des épines
  Sur ces lauriers qui paraissaient l’orner :
  Et la douleur de mille pointes fines
    Brûlait son front illuminé ;
Les infâmes ragots d’arrogants imbéciles
Souillèrent de venin ses heures ans issue –
Il est mort assoiffé de vengeance stérile,
Plein du dépit secret de ses espoirs déçus.
    Les sons divins ont su se taire,
    Nous aurons beau les rappeler ‒
Il n’a plus qu’un abri, la sombre et froide terre,
    Ses lèvres pour toujours scellées.
                    Janvier-février 1837


(*) Il s’agit de Pouchkine.

//Mikhaïl Iourievitch Lermontov (1814 – 1841)
/ Traduit du russe par André Markowicz,
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