Avec Tiphaine Samoyault, Michel Deguy, Guillaume Métayer, Claude Mouchard, Martin Rueff & Luc Champagneur
Depuis 1977, la revue Po&sie ne cesse de traduire et de réfléchir sur la traduction « impossible-possible » de la poésie. Elle a saisi l'occasion de la publication des livres de Tiphaine Samoyault (Traduction et violence, le Seuil, 2020) et de Guillaume Métayer (A comme Babel, traduction, poétique, éd. la rumeur libre, 2020) pour revenir sur les tâches des traductrices et des traducteurs. Elle a donc consacré trois numéros à cette grande affaire : Traduire/Celan et Et, en traduisant, traduire. Des textes théoriques (Antoine Berman, Michel Deguy, Marc de Launay, Robert Kahn, Jean-Pierre Lefebvre, Jean-Luc Nancy) ; un dialogue avec Tiphaine Samoyault, mais aussi un grand nombre de traductions inédites (un immense dossier turc, mais aussi Lermontov) ou de retraductions (Arioste, Eliot, Goethe, Milton entre autres) composent ce bouquet dense.
À lire Les trois derniers numéros de la revue Po&sie aux éditions Belin : Traduire/Celan (2020, n°4) et Et en traduisant, traduire (2021, n°1 et 2).
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Parler de traduction, c’est parler des œuvres, de la vie, du destin et de la nature des œuvres ; de la manière dont elles éclairent nos vies ; c’est parler de la communication, de la transmission, de la tradition ; c’est parler du rapport du Propre et de l’Étranger ; c’est parler de la langue maternelle, natale et les autres langues ; c’est parler de l’être-en-langues de l’homme ; c’est parler de l’écriture et de l’oralité ; c’est parler du mensonge et de la vérité, de la trahison et de la fidélité ; c’est parler du mimétique, du double, du leurre, de la secondarité ; c’est parler de la vie du sens et de la vie de la lettre ; c’est être pris dans un enivrant tourbillon réflexif où le mot traduction lui-même ne cesse de se métaphoriser.
Populariser l'original n'est pas le vulgariser. Amender une oeuvre de ses étrangetés pour faciliter sa lecture n'aboutit qu'à la défigurer et donc, à tromper le lecteur que l'on prétend servir. Il faut bien plutôt, comme dans le cas de la conscience, une éducation à l'étrangeté.
Il est ensuite apparu que toutes les théories de la traduction élaborées à l’époque romantique et classique en Allemagne constituent le sol des principaux courants de la traduction moderne occidentale, qu’il s’agisse de la traduction « poétique », telle qu’elle se manifeste chez un Nerval, un Baudelaire, un Mallarmé, un S. George ou un W. Benjamin, dont l’origine est manifestement à chercher dans l’« Athenäum », ou des grandes re-traductions effectuées en Allemagne au XXe siècle, qui peuvent se réclamer de Humboldt ou de Schleiermacher.
[...] son intraduisibilité (comme son intangibilité) constitue sa vérité et sa valeur. Dire d’un poème qu’il est intraduisible, c’est au fond dire que c’est un vrai poème. De fait, dans tous les domaines de l’écrit, l’intraduisibilité est tendanciellement vécue comme une valeur. […] Tout écrit tient […] à préserver en lui une part d’intraduisible : très élevée pour la poésie, réduite, mais réelle, dans un texte technique ou juridique. L’intraduisibilité est l’un des modes d’auto-affirmation d’un texte.
la traduction n’est « ni calque, ni (problématique) reproduction mais attention portée au jeu des signifiants »