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EAN : 9782020380560
141 pages
Seuil (30/11/-1)
4.29/5   7 notes
Résumé :
"Parler de traduction, c'est parler des oeuvres, de la vie, du destin et de la nature des oeuvres ; de la manière dont elles éclairent nos vies ; c'est parler de la communication, de la transmission, de la tradition ; c'est parler du rapport du Propre et de l'Etranger ; c'est parler de la langue maternelle, natale, et des autres langues ; c'est parler de l'être-en-langues de l'homme ; c'est parler de l'écriture et de l'oralité ; c'est parler du mensonge et de la vér... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Cet ouvrage - issu d'un séminaire tenu en 1984 - a une portée absolument révolutionnaire sur la manière de concevoir et de pratiquer la traduction, depuis Saint Jérôme et son : "non verbum e verbo, sed sensum exprimere de sensu" (p. 32).
L'auteur caractérise la figure traditionnelle de la traduction selon trois dimensions, à chacune desquelles il oppose l'envers exact :
a) dimension platonicienne = translation du "sens" -> traduction de la "lettre" (qui n'est pas du tout le "mot-à-mot", ou trad. servile, mais recentrage sur le signifiant) ;
b) dimension ethnocentrique = "acclimatation" de l'autre dans le propre -> traduction éthique (ou reconnaissance et réception de l'Autre en tant qu'Autre p. 74 + Civilisation propre (Bildung) dans un rapport dialogique à l'Autre) ;
c) dimension hypertextuelle = unissant la trad. donnée à la tradition littéraire autochtone -> traduction poétique : augmentation de l'élasticité de la langue d'arrivée "jusqu'à la déchirure" (cf. Victor Hugo) ; trad. comme "manifestation" du texte source (Hölderlin).
Les raisons de cette révolution ont un fondement théorique - selon la conception traditionnelle, toute trad. n'est que manque ou imperfection, et corrélativement l'intraduisible est une valeur - et elles apparaissent empiriquement pour contrer une série de tendances déformantes des traductions centrées sur le "sens" :
la rationalisation, la clarification, l'allongement (redondance), l'ennoblissement et la vulgarisation, l'appauvrissement qualitatif, l'appauvrissement quantitatif, l'homogénéisation, la destruction des rythmes, la destruction des réseaux signifiants sous-jacents, la destruction des systématismes textuels, la destruction (ou l'exotisation) des réseaux langagiers vernaculaires, la destruction des locutions et idiotismes, l'effacement des superpositions de langues. pp. 53-68.
L'éthique de la traduction, en outre, peut être prise comme raison autonome et suffisante. pp. 69-78.
S'ensuit la "pars construens" de l'essai, à savoir trois traductions célèbres et controversées, qui sont choisies comme des emblèmes de cette conception "littérale, éthique et poétique" que Berman préconise : l'Antigone et l'OEdipe-roi de Sophocle par Hölderlin, Milton traduit par Chateaubriand, l'Enéide de Virgile traduite par Klossowski.

Autant les trois premiers chapitres de la "pars destruens" m'ont paru exceptionnels de clarté, convaincants, indispensables, authentiquement visionnaires (surtout en termes d'ouverture philosophique et éthique dans la praxis), autant les trois derniers, tout en ayant le mérite d'indiquer sans ambiguïté où l'auteur "veut en venir", ont été pour moi difficiles à accepter ; des exemples d'excès, là où l'excès se mesure à et se paie par l'illisibilité. En même temps, pour un traducteur pratiquant, ils sont très utiles, peut-être plus que tant d'ouvrages hermétiques de traductologie fumeuse, car ils montrent des exemples concrets, phrases et leurs différentes traductions comparées.
Lecture exigeante mais qui sait récompenser...
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Ou par quelles méthodes sauvegarder la spécificité du texte étranger traduit.

Berman renvoie dos-à-dos la traduction domestiquante et la traduction littérale, soulignant ainsi les dangers de la domestication d'un texte qui pousse à nier l'étrangeté de l'oeuvre, en vue d'une meilleure compréhension par le lecteur du texte traduit.
La traduction littérale (à ne pas comprendre comme une traduction mot-à-mot) permet au contraire de sauvegarder l'"étrangeté" d'une oeuvre.
Pour les traducteurs rompus aux méthodes de domestication d'une oeuvre littéraire, il serait nécessaire d'abraser l'"étrangeté" du texte traduit afin d'en rendre l'approche moins difficile au lecteur. Ce à quoi Berman s'oppose, par respect de l'originalité et de la littéralité de l'oeuvre.
Ce livre est un réel ouvrage de référence sur l'éthique de la traduction de l'oeuvre littéraire, à lire par les étudiants en Littérature Comparée aussi bien que par les lecteurs de livres traduits qui s'interrogent sur les choix de méthodes de traduction et les difficultés rencontrées par les traducteurs soucieux du respect de l'oeuvre originale.
Berman est un fondateur essentiel des théories contemporaines de la traduction, et toujours une véritable référence dans ce domaine, plus de vingt ans après sa disparition.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Populariser l'original n'est pas le vulgariser. Amender une oeuvre de ses étrangetés pour faciliter sa lecture n'aboutit qu'à la défigurer et donc, à tromper le lecteur que l'on prétend servir. Il faut bien plutôt, comme dans le cas de la conscience, une éducation à l'étrangeté.
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la traduction n’est « ni calque, ni (problématique) reproduction mais attention portée au jeu des signifiants »
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Video de Antoine Berman (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Berman
Avec Tiphaine Samoyault, Michel Deguy, Guillaume Métayer, Claude Mouchard, Martin Rueff & Luc Champagneur Depuis 1977, la revue Po&sie ne cesse de traduire et de réfléchir sur la traduction « impossible-possible » de la poésie. Elle a saisi l'occasion de la publication des livres de Tiphaine Samoyault (Traduction et violence, le Seuil, 2020) et de Guillaume Métayer (A comme Babel, traduction, poétique, éd. la rumeur libre, 2020) pour revenir sur les tâches des traductrices et des traducteurs. Elle a donc consacré trois numéros à cette grande affaire : Traduire/Celan et Et, en traduisant, traduire. Des textes théoriques (Antoine Berman, Michel Deguy, Marc de Launay, Robert Kahn, Jean-Pierre Lefebvre, Jean-Luc Nancy) ; un dialogue avec Tiphaine Samoyault, mais aussi un grand nombre de traductions inédites (un immense dossier turc, mais aussi Lermontov) ou de retraductions (Arioste, Eliot, Goethe, Milton entre autres) composent ce bouquet dense.
À lire – Les trois derniers numéros de la revue Po&sie aux éditions Belin : Traduire/Celan (2020, n°4) et Et en traduisant, traduire (2021, n°1 et 2).
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