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Citations de Arlette Cousture (147)


Ovila perdit le wagon des yeux puis tout le train.

Il n'aperçut plus que le fanal arrière.

Il remet sa casquette et salua de la main.

"Je t'aime. Bonne nuit ma belle brume."

L'écho lui répondit "brume... brume... brume... brume... brume... br..."
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Élise s’endormit heureusement sans difficulté, après avoir suivi son rituel habituel. Elle allait dans la chambre jaune pour écouter la boîte musicale du mobile. Elle se plantait ensuite devant la fenêtre et décrivait tout ce qu’elle y voyait, après quoi elle retournait dans sa chambre et s’allongeait. Elle racontait alors sa journée au bébé, puis lui parlait du lendemain.

– Demain, le Premier ministre Trudeau se marie à Vancouver. Dommage ! À Montréal, il y aurait eu de la belle neige blanche sur les épaules de la mariée… Ta tante Micheline se dit sûrement que c’est tant pis pour lui. Ta tante Micheline le porte pas dans son cœur, parce que…

Élise était profondément endormie lorsqu’un heurtoir lui frappa le ventre. Elle s’éveilla en sursaut et se frotta autour du nombril. Encore une contraction, mais beaucoup plus forte. Elle alluma et regarda l’heure. Il restait beaucoup de nuit avant que le jour ne paraisse derrière le rideau. Inconfortable, elle se retourna.

Le heurtoir frappa de nouveau. Élise ouvrit grands les yeux et regarda son réveil. Cinq minutes seulement s’étaient écoulées. Si les coups n’avaient pas été aussi désagréables, elle aurait ri, mais elle préféra jouer à saute-mouton avec les contractions. Tantôt elles se produisaient aux cinq minutes, ou aux sept minutes, tantôt elles disparaissaient, ce qui la rassurait. Côme n’était pas encore arrivé. Elle regarda sa montre et vit qu’il était trois heures.

Il était impossible que ce fût déjà l’accouchement, mais la persistance des contractions la rendait perplexe. Elle eut envie de réveiller sa mère, mais elle n’en fit rien. Le silence de la nuit l’angoissa. Elle se leva et tira le rideau. Le ciel était si opaque que la lune avait disparu ainsi que les lumières des lampadaires. Côme ! Elle souhaita qu’il fût à l’abri et non enlisé dans l’épaisse neige qui ne cessait de tomber. Une crampe en plein ventre lui coupa soudain le souffle, suivi d’une seconde, aussi violent. Puis ce qu’elle redoutait se produisit. Elle perdit les eaux, là, sur le plancher, devant la fenêtre.

Marcel arriva à reculons au volant du tracteur, la souffleuse étant installée à l’arrière. Blanche émit un gémissement d’incrédulité.

– C’est pas vrai, Marcel… On peut pas se rendre à Drummondville à reculons… Il y a pas moyen d’installer le chasse-neige devant ?

– Non. Je suis d’accord avec vous. Si on n’a pas de motoneige…

– Misère !

La tempête était diabolique. À toutes les minutes ou presque, on annonçait la quantité de neige tombée. Excités, les animateurs de radio rigolaient, et les météorologues appelés en renfort parlaient de blizzard.

– Il faut voir. C’est peut-être une tempête aussi importante que celle du quatre mars soixante-six à Winnipeg. Et peut-être même plus. En tout cas, pour une bordée, c’est toute une bordée !

Blanche réussit à joindre l’hôpital, où on était dépassé.
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Elle sanglota, le front toujours collé à l’arbre. De son bel index d’ébène, Wilson lui caressa le cou, juste sous le lobe de l’oreille, et lui murmura de laisser sa peine s’accrocher aux branches.

— Souffle, mademoiselle Élise, souffle ta vie sur l’arbre et aspire la sienne.

Elle ferma les yeux en hoquetant, en disant que cet arbre était plus vivant que son père.
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Un garçon d’une douzaine d’années sortit sur le marchepied du wagon qui allait être raccordé, une enveloppe à la main. Il cria à la ronde qu’il rapportait un télégramme pour un certain M. Gratton. Élise chercha l’homme en question et reconnut celui dont la femme accouchait qui se frayait un chemin pour prendre l’enveloppe, puis elle vit le jeune se précipiter à sa rencontre, trébucher et tomber sur la voie, à quelques pieds de la mâchoire d’attelage. Clovis n’hésita pas une seconde: il s’avança, agrippa le jeune par un bras et eut tout juste le temps de le lancer dans les bras de M. Gratton, qui tomba à la renverse. Les mâchoires d’attelage se refermèrent en silence et tous les voyageurs se figèrent, horrifiés. On s’était attendu à un claquement métallique, pas à ce son étouffé. Élise, elle, avait entendu son père faire «| hoah|!| » et elle vit qu’il s’était empalé sur les mâchoires. Pendant quelques secondes, seul M. Gratton parla, prenant tout le monde à témoin du geste héroïque de Clovis.

— Il a sauvé la vie du petit gars! Vous avez vu? S’il l’avait pas attrapé, c’est le petit gars qui serait là sur la voie à vomir du sang.

Puis on entendit des cris. On appelait le contrôleur, le conducteur, un médecin, les porteurs. Les femmes appelaient les hommes, qui criaient le nom de leur femme. Elles pour qu’ils aident, eux pour qu’elles ne regardent pas.

Élise n’entendait que le râle de son père. Les joues inondées de larmes, elle s’agenouilla à côté de lui, hypnotisée par ses yeux grands ouverts.

— Qu’est-ce que t’as fait, papa?

Il eut un air contrit et grimaça, plus de regret que de douleur.

— Je pense que je viens de me tuer, Élise, parvint-il à dire péniblement.

Wilson, le fils de M. Philippe, s’approcha d’eux et regarda les dégâts causés par les mâchoires. Il hocha la tête, tant d’incrédulité que d’impuissance. Il se pencha ensuite pour parler doucement à Clovis, qui n’attendait qu’une confirmation de son propre diagnostic.

— Si seulement vous pouviez vous évanouir, monsieur Lauzé, avant que les hommes rouvrent les mâchoires...

— Je sais... C’est ce qui va m’achever...

Imitant Élise, le jeune homme lui baisa les mains.

— Va-t’en, Élise. Toi, Wilson, reste là, au cas où...

— Au cas où quoi, papa...?

— Au cas où je mettrais trop de temps à mourir. Au cas où ma mort serait pas digne.
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Celui-ci lui rappela qu’il avait un très bon emploi qui le conduisait fréquemment à la campagne, où il aurait aimé vivre; à proximité de Montréal, certes, mais y vivre tout de même. Il reparla de ces voyages qu’il faisait régulièrement dans plusieurs pays pour expliquer le Canada afin d’y attirer des gens.

— Même en travaillant fort pour la patrie et en recommençant à faire des familles de quinze ou vingt enfants comme nos grands-mères, on n’y arrivera pas. Le pays est trop grand à peupler.

Puis il parla de Blanche, qui avait toujours été à ses côtés et qui avait laissé tomber son travail d’infirmière pour s’occuper d’elle, son aînée.

— Je te dis que tu étais la bienvenue...

Élise leva les yeux au ciel pour lui faire comprendre qu’il se répétait.

— O.K., je radote. C’est l’âge. Rappelle-toi que j’ai passé la cinquantaine depuis deux ans...

Il bondit soudain sur ses pieds, le doigt pointé vers la deuxième partie du train, maintenant visible à l’horizon.

— Notre vipère va se recoller. Reste ici si tu veux; moi, je vais aller voir les gars travailler.
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Clovis et Élise se rendirent à la gare Centrale du Canadian National Railway, que tout le monde appelait les Chemins de fer nationaux, et tous les employés saluèrent son père, qui avait un bon mot pour chacun même s’il leur était supérieur dans la hiérarchie.

— Alors, l’héritier?

— Une héritière...

— Belle comme sa mère, j’espère...

Élise ne savait cacher son malaise. Son père la présentait à tous, aux porteurs comme aux préposés à la consigne, aux red caps comme à ce jeune homme, pas tellement plus âgé qu’elle, qui était assis au guichet informations, appelé par tout le monde «la lumière verte», et dont la casquette trop grande ne tenait en place que grâce à ses oreilles.

— Ma grande fille, Élise.

Élise leva les yeux au plafond tandis que le jeune homme rougissait et bafouillait quelque chose qui pouvait ressembler à un bonjour. Elle esquissa un sourire, fit un signe de la main et trotta derrière son père qui marchait d’un pas léger malgré sa valise. Un porteur s’empara de celle-ci sans rien demander, la posa sur son chariot et s’apprêta à les suivre. Clovis attendit sa fille.
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Blanche, comme tous les matins, avait bu un café bien chaud avec Clovis. Tous les matins aussi, elle était sa femme, son amoureuse, et ils prenaient le temps de se dire du regard leur bonheur. Puis Blanche enfilait son tablier de mère et allait réveiller les enfants, Élise et Micheline. Ce matin-là, Clovis la bouscula un peu, trop heureux d’aller conduire à la campagne leur citadine d’aînée, âgée de seize ans. Il souhaitait qu’elle y apprenne la touffeur de la terre, le parfum des fleurs sauvages, et qu’elle y respire l’odeur forte du bétail sans se pincer le nez. Le seul animal avec lequel Élise avait été en contact jusque-là, hormis les chiens, les chats, les oiseaux et les lapins de Pâques, était le cheval du laitier, qui, chaque matin, mâchouillait immanquablement la haie des voisins. En découvrant la campagne, Élise comprendrait peut-être le bonheur qu’avaient eu ses parents, près de vingt ans auparavant, à fouler les terres sauvages d’Abitibi pour les apprivoiser. Des terres hors du temps, à prendre, à faire boire et à gratter, à labourer et à débarrasser de leurs parasites. L’idée de ces vacances avait tant excité Élise que lui et Blanche avaient presque craint qu’elle n’eût davantage envie de quitter le giron familial pour quelques semaines que de se mettre les mains dans la terre.
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Tu vis à l’époque de l’image, chère petite-fille, et les images n’ont ni sueur, ni odeur, ni cris, ni pleurs. Telle n’était pas du tout la réalité.
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Nous, les enfants, on comprend quand il se passe quelque chose. On comprend même si on sait pas du tout ce qui arrive.
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Je les aide à trouver des sous pour rendre au petit négro sa Guadeloupe et sa savane et son petit coin de bananier.
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Le brouillard s'était de nouveau épaissi, ne laissant filtrer que l'éclat de l'anneau qui lui avait été glissé au doigt.
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La guerre crée toujours des héros. Il y a ceux dont on parle dans les journaux et les livres et qui sont immortalisés par des plaques vissées aux édifices ou par des noms de rues, et il y a les autres, les petits, que personne ne connaît mais qui, à eux seuls, donnent un sens au sacrifice de tant de vies.
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Dieu confie deux ventres à l’homme. Celui de sa mère, qui le fait naître, et celui de sa femme, pour qu’il y sème une autre vie.
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Il savait Tomasz certain que la Pologne serait encore violée par des soldats aux bottes pleines de crottin, qui écraseraient encore une fois les frontières, froissant ainsi le traité de Versailles. En bon professeur d’histoire, Tomasz comprenait toujours le présent par l’étude du passé.
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-Même les jeunes allemandes sont forcées de donner une année de leur vie au service du Reich, à condition...

Tomasz s'interrompit, avala une gorgée, secoua la tête de découragement et d'incrédulité avant d'enchainer.

- À condition qu'elles ne soient pas juives!
- Bon Dieu! Mais c'est qu'il est sérieux cette homme! Qu'est-ce qu'il a contre les juifs? Le Christ était juif.
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Emil pensait d’Emil qu’il ne savait plus comment changer l’heure du temps pour retourner en arrière au moment où il aurait pu recueillir dans ses bras une Manny fraîchement débarquée sur le quai des veuves, en perte d’équilibre comme toutes les femmes qui sentaient la terre se liquéfier sous leurs pas. Ces veuves de la mer connaissaient le seul vrai mal de cœur.
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......... J'ai couru à toute vitesse, j'ai traversé la rue sans regarder, j'ai frappé et frappé sur la poignée de la porte pour qu'on m'ouvre . J'ai grimpé sur mon divan pour voir si quelqu'un viendrait raconter à ma mère que j'avais fouiné dans la fenêtre de la mauvaise sorte d'église . Que j'avais traversé la rue sans regarder . Personne est venu . Fiou ... ...

Page 25
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C’est beau, l’amour, ma chère enfant, rien de plus beau, mais quand ton amour est trop soûl pour se souvenir du nom de ceux qui l’ont ramené, pour se traîner jusque dans son lit, trop lourd et mou pour que moi je sois capable de l’aider à le faire, trop soûl pour viser le pot de chambre en se soulageant, trop parti pour avoir connaissance que le ramdam qu’il fait réveille toute la maisonnée, tu te demandes comment appeler ton sentiment. Tu trouves des mots que tu voudrais effacer de ton savoir, comme mépris, haine, colère, honte, humiliation, chagrin et crainte. Le matin, le midi, le soir et la nuit, le désespoir.
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Plus grands les difficultés et les interdits, plus je me cassais la tête à me demander si je n’étais que la maîtresse d’école. Il y avait, parmi mes élèves les plus âgées, des filles plus minces et plus jolies que moi. Des filles de cultivateurs prêtes à prendre le vieux bien sans se poser de questions. Moi, je m’interrogeais. Je voulais être autre chose qu’une femme de cultivateur. Jamais, au nom de mes principes, je n’ai jalousé une de mes élèves, et il y en avait qui ne se gênaient pas pour le reluquer ou lui faire de l’œil. Je voyais tout, mais il me fallait être aveugle et je n’avais pas encore dix-sept ans. Il m’était très difficile de ne pas tenir mon rôle d’aînée, de m’empêcher de dire « Pas touche, ce sera le mien ».
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Il était grand, beau et indépendant C’est peut-être ce qui m’attirait. Je n’avais qu’un désir, le faire chuter dans mes filets tendus à tous les coins de sa vie, depuis l’école jusqu’aux chantiers.
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